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Pendant la grève, les grandes manœuvres continuent : opération CAMPUS et PRES en gestation autour de Paris Diderot (Paris 7)

mardi 3 mars 2009, par Laurence

Le Conseil Scientifique de l’université Paris Diderot-P7 a voté lundi 23 février, à l’unanimité des 17 membres présents, la motion suivante.

Le Conseil scientifique ne peut soutenir, dans sa forme actuelle, le pré-projet d’opération "Campus" intitulé "PRES Université Paris Cité".

Méthode.
Le couplage imposé par le Ministère de l’opération Campus avec la refonte des PRES (pôles de recherche et d’enseignement supérieur) est confus et hâtif.

Au sein de Paris Diderot, le projet a été transmis sans concertation approfondie avec les composantes et les conseils.

Confusion des genres
Une opération destinée à améliorer la vie étudiante, sur laquelle tous les universitaires s’accordent, doit-elle être accompagnée de la création d’un EPCS (Etablissement Public de Coopération Scientifique) chapeautant un nouveau PRES ?

Faut-il ainsi engager la stratégie scientifique à long terme des établissements concernés ?

Mise à l’écart de l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne.

Le projet transmis met à l’écart l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne, avec qui nous travaillons de façon constructive depuis 2006, alors que son CA et son président ont clairement exprimé leur souhait de se situer dans le PRES PCU.

Cette alliance avec l’université Paris 1 est indispensable pour une université pluridisciplinaire.

Paris Diderot, université pluridisciplinaire, doit pouvoir maintenir et développer ses projets scientifiques avec toutes les universités parisiennes, quelles que soient les variations institutionnelles proposées.

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ELEMENTS DE CONTEXTE par François Brunet, membre du CSU de Paris Diderot

Mi-février a été communiqué aux instances de l’université, en même temps qu’il était transmis au Ministère, un pré-projet de candidature à l’opération Campus cosigné par Paris Diderot (P7), Paris Descartes (P5), l’IEP (Sciences Po Paris), l’INALCO (Institut National des Langues et Civilisations Orientales) et l’EHESP (Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique), regroupés au sein d’une nouvelle structure intitulée « PRES Université Paris Cité » (en abrégé PUC).

Depuis 2006, date de lancement de la politique des PRES, P7 était engagée dans une démarche d’alliance avec P5 et P1 (Panthéon Sorbonne) au sein d’un PRES intitulé « Paris Centre Universités » (en abrégé PCU), tandis que P6, P3 et P4 formaient d’autre part un PRES intitulé « Paris Universitas », la question du rattachement éventuel de divers grands établissements et écoles n’ayant pas été tranchée. Depuis 2006, en particulier, de nombreuses réunions et groupes de travail ont impliqué des universitaires de P7 et P1 dans la mise au point de projets communs (inter-CS, appel à projets communs, rencontres doctorales, etc.)

L’opération Campus, lancée début 2008 dans le but d’améliorer la vie étudiante en France, a déjà permis de financer un certain nombre de projets immobiliers et universitaires en province et en banlieue parisienne — la deuxième vague vient d’être présentée par V. Pécresse —, mais n’a pas encore abouti en ce qui concerne les universités de Paris intra-muros, dont la fragmentation et l’enchevêtrement des structures rendent le dossier éminemment complexe. P7, P5 et l’IEP avaient déjà présenté une première version du projet actuel en mai-juin 2008, associant déjà des projets immobiliers à un regroupement nouveau de ces trois établissements qui laissait dans l’ombre le rôle éventuel de P1 ; d’autres projets étaient présentés au même moment, dont le « Campus Condorcet » (regroupant notamment P1, P8 et l’EHESS), au nord de Paris, qui a reçu une promesse de financement.

En janvier 2009, l’opération Campus sur Paris a été doublée d’une mission de reconfiguration de la carte universitaire parisienne, confiée (assez discrètement) par V. Pécresse à Bernard Larrrouturou (ancien directeur général du CNRS) avec une date butoir au 15 mai. La coïncidence des deux calendriers et ses deux agendas (Campus et mission de reconfiguration) tend à suggérer que le Ministère lie fortement les deux démarches ; et la réponse des établissements concernés, du moins dans la nouvelle alliance UPC, suggère que cette politique de la carotte est entendue voire intériorisée — bon gré mal gré — par leurs équipes de direction.

Le 15 février était la date-butoir de remise des pré-projets pour cette nouvelle phase de l’opération Campus. En ce qui concerne P7, la préparation du dossier n’a concerné qu’une partie restreinte de l’équipe présidentielle, et le projet a été transmis sans que les conseils de l’université aient été formellement consultés. Des services aussi importants que la Documentation ou les Relations internationales ne semblent guère avoir été consultés.

Le pré-projet (très ambitieux : le dossier fait 75 pages) fait une place relativement restreinte à la vie étudiante — pourtant vitale pour P7, dont le déménagement progressif sur la ZAC Paris Rive Gauche fait apparaître des lacunes criantes dans ce domaine — et une place plus importante à une logique de création institutionnelle de très grande ampleur, centrée sur le bipôle thématique Sciences de la Vie / Santé, par rapport auquel la plupart des autres composantes de l’université paraissent marginales, ou alors réduites au rôle d’instruments. Ce pré-projet annonce plusieurs innovations universitaires de taille, et présentées comme telles, comme la réforme des études de médecine (dans un sens de décloisonnement) ou la création de classes préparatoires à l’IEP, l’EHESP mais aussi l’ENS Lettres.

Dans la version présentée, enfin, on remarque la disparition complète de Paris 1 en tant que partenaire, tandis que l’IEP et dans une moindre mesure l’INALCO se voient attribuer les compétences en sciences humaines (droit, économie, philosophie politique, langues) jusque-là associées à Paris 1 ou à certains secteurs de P7 même — alors même que P1 a clairement indiqué vouloir rester dans notre PRES en développement.

Ce pré-projet, en dépit de ses ambitions, sème le trouble dans de nombreux départements et UFR de P7, qui s’y sentent peu ou mal représentés et craignent de se trouver marginalisés, voire exclus, de la nouvelle structure — ou alors condamnés à une très incertaine émigration (ainsi pour de nombreux secteurs en sciences physiques, sciences mathématiques, chimie, sciences de la terre, géographie, histoire, lettres et langues, voire en médecine).

Si, pour P7, les équipements et bâtiments de vie étudiante demandés dans le cadre de l’opération Campus sont de nécessité absolue, faut-il, pour les obtenir, engager sans concertation l’université — déjà en « refondation » et restructuration permanente depuis plus de quinze ans, parallèlement à son déménagement sur PRG — dans une démarche précipitée d’alliance nouvelle où elle risque rien moins que son explosion ?