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Enseigner est un métier qui s’apprend et se choisit - par Claire Pontais (SNEP-FSU) et Gisèle Jean (SNES-FSU), professeures en IUFM, "L"Humanité" du 4 mars 2009

samedi 7 mars 2009, par Laurence

Pour lire ce texte sur le site de "l’Humanité"

Les dessous de la réforme de la formation des enseignants.

Assurer la relance de la démocratisation de l’école devrait aujourd’hui être une
priorité politique. Le système de formation des enseignants est un des leviers
importants pour changer le système éducatif. C’est justement ce à quoi s’attaque
le président lorsque, sous couvert de « mastérisation », il annonce la
suppression des IUFM et l’année de formation rémunérée. Pour devenir des
professionnels compétents, les médecins sont formés pendant sept ans. Les
ingénieurs pendant cinq ans. Les uns vont dans une « école de médecine », les
autres dans des « écoles d’ingénieurs ». Dans la fonction publique, les
magistrats vont à l’école de la magistrature, les hauts fonctionnaires à l’ENA
où ils sont sélectionnés par concours puis formés en alternance (stage-école)
tout en étant rémunérés. Les enseignants, dans leur grande majorité, ont une
formation pendant cinq ans.
Ils ont d’abord une formation universitaire de niveau licence puis ensuite une
formation professionnelle dans un institut universitaire des maîtres (IUFM). Ils
sont recrutés par concours en milieu de leur formation professionnelle, puis en
« alternance » pendant un an (stage-IUFM), à mi temps et rémunérés comme
fonctionnaires stagiaires.

Parce qu’enseigner est un métier qui s’apprend et se choisit en connaissance de
cause, la FSU, première fédération de la fonction publique, demande une
amélioration de la formation initiale et continue des enseignants, en intégrant
mieux la formation professionnelle à la formation universitaire tout au long du
cursus. Dès les années de licence, il faut proposer aux étudiants de faire des
stages, de construire des connaissances didactiques sur leur(s) disciplines(s),
de s’interroger sur le système éducatif, sur la façon dont les élèves
s’approprient les savoirs, etc. Il faut ensuite une entrée progressive dans le
métier avec un accompagnement par des formateurs formés à cette fonction. Cela
passe par un développement de la recherche en éducation qui devrait être
intégrée dans les enseignements. Aujourd’hui elle est le parent pauvre de
l’université, insuffisamment articulée à la formation professionnelle initiale
et continue.

Toute réforme de la formation devrait prendre le temps de rassembler tous les
acteurs participant à la formation sur des objectifs communs : les
enseignants-chercheurs des différentes composantes universitaires, les
formateurs IUFM, les formateurs de terrain comme les conseillers pédagogiques du
second degré, les maîtres formateurs du premier degré, les inspecteurs de
l’éducation nationale, les partenaires de l’école. Ce n’est pas cette réforme
que les ministères tentent de mettre en oeuvre. Bien que le master devienne le
diplôme nécessaire pour enseigner, leur objectif n’est pas une meilleure
professionnalisation des enseignants pour une relance de la démocratisation, ni
même une revalorisation du métier comme ils l’annoncent. Au contraire, c’est un
moyen de modifier en profondeur le recrutement et la formation des enseignants,
d’aller vers un désengagement de l’État et une réduction des coûts et du service
public. C’est ainsi que le gouvernement propose de supprimer la cinquième année
de stage à mi-temps (il récupère ainsi 12 000 postes), retardant ainsi d’un an
le premier salaire perçu par les étudiants et laissant à leur charge l’année de
formation supplémentaire.

Sous couvert d’universitarisation, et en s’appuyant sur la LRU, il tente de
supprimer les « écoles d’enseignants » que sont les IUFM au profit d’un « 
compagnonnage » très limité. Il met les universités en concurrence, persuadé que
c’est ainsi qu’elles construiront les meilleurs masters pour les futurs
enseignants. Cette réforme fait aujourd’hui l’unanimité contre elle. La
conférence des présidents d’université elle-même a demandé le report d’un an de
cette réforme, pour prendre le temps d’une réelle concertation. Mais le
gouvernement ne veut rien céder. Que cache cet entêtement ? Xavier Darcos
affirme qu’il n’est pas inquiet de la lutte des universitaires qui, pour
protester, ont refusé de déposer les maquettes de master incluant la préparation
aux concours. Il affirme qu’il trouvera toujours des gens pour le faire ! Il a
raison puisque son système encouragera les préparations au concours privées et
payantes et le recrutement direct par les chefs d’établissement d’enseignants
formés au niveau master. Ce mode de recrutement, qui existe déjà à l’université
et dans le second degré, se met aujourd’hui en place dans le premier degré.
Donc pour Darcos, pas besoin de l’État pour avoir des enseignants bien formés,
la loi du marché le remplace ! Le problème, c’est que toute attaque du service
public génère des inégalités ! Il risque par exemple ne pas y avoir suffisamment
d’enseignants bien formés, faute d’une offre homogène sur l’ensemble du
territoire, faute d’un cadrage national, faute d’un financement équitable des
centres de formation. S’instaurera alors une concurrence entre établissements
scolaires, entre académies. Voilà pourquoi la réforme de la formation telle
qu’elle se présente doit être combattue. Les véritables objectifs doivent être
dénoncés, en même temps que doit être portée une véritable ambition pour
améliorer la formation universitaire professionnelle des enseignants dans une
structure de type IUFM forte et une véritable revalorisation de ce métier à
haute responsabilité sociale. C’est un enjeu déterminant pour une véritable
démocratisation de l’école.