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Que reste-t-il du décret sur le statut des enseignants-chercheurs ? - Serge Cantat, Alain Herreman, Médiapart Le Club, 3 avril 2009

mercredi 22 avril 2009, par Laurence

Le décret sur le statut des enseignants-chercheurs doit passer mardi devant le conseil d’état, passage obligé avant son examen en conseil des ministres. Après deux mois et demi de grève dans les universités, et une réécriture en plusieurs étapes, que reste-t-il du texte qui a mis le feu aux poudres ?

Analyse par Serge Cantat et Alain Herreman, maîtres de conférences et membres du Collectif Maths Rennes 1.

Profitant de l’élection récente du Président de la République, la loi Liberté et Responsabilité des Universités (LRU [1] a été adoptée au milieu de l’été 2007, sans que l’Assemblée Nationale n’ait pris le temps du débat et de la réflexion requis par les enjeux d’une telle réforme de l’enseignement supérieur et de la recherche. Pour concevoir ce texte qui confère un pouvoir sans précédent aux présidents des universités, le ministère s’est attaché en priorité la collaboration de la Conférence des Présidents d’Université (CPU), lui octroyant à cette occasion un rôle représentatif inhabituel [2]. Des commissions ont été mises en place pour accompagner cette loi. Diverses associations, personnalités de la recherche et sociétés savantes qui se sont engagées dans ces consultations expriment maintenant de vives critiques et soulignent notamment l’écart entre leurs propositions et les textes produits [3]. Albert Fert, prix Nobel de physique, écrit par exemple que « [d]e nombreux représentants de la communauté scientifique (...) ont manifesté un grand intérêt pour ce projet et ont proposé de nombreuses pistes de réflexion. Le ministère les a pieusement écoutés pour ensuite ne tenir aucun compte de leurs suggestions et remarques. Et les orientations finalement retenues, souvent en contradiction avec le but affiché, sont extrêmement préoccupantes. » Danièle Hervieu-Léger [4], présidente de l’EHESS, ou encore Wendelin Werner [5], Médaillé Fields 2006, se sont exprimés dans le même sens.

Alors que François Fillon, ministre de l’éducation nationale, considérait « absolument nécessaire de mettre en place un véritable plan pluriannuel de l’emploi scientifique » [6] et recommandait pour cela un recours à la loi, la communauté scientifique doit encore se mobiliser aujourd’hui pour défendre cette revendication. Les présidents d’université, interlocuteurs privilégiés du ministère, dénoncent la suppression de postes dans l’enseignement supérieur. Plusieurs s’interrogent sur les finalités de ces réformes en recevant leur dotation. Tandis que Valérie Pécresse ne cesse de déclarer que le budget de chaque université augmente d’au moins 10% [7], les présidents font un constat différent ; la présidente de l’Université d’Orsay n’observe elle qu’une augmentation de 2,4%, inférieure à l’inflation [8], et le constat est similaire à Montpellier III, Rennes I [9], etc. Tous saluent la reconnaissance des heures de travaux pratiques au même niveau que les autres heures d’enseignement, mais constatent que cette mesure nécessite la création d’un nombre important de postes d’enseignants-chercheurs qui n’est pas prévue. Au CNRS, seuls 300 chercheurs ont été recrutés cette année, quand la moyenne était de 420 ces dix dernières années. Valérie Pécresse vient d’annoncer qu’elle envisageait la restitution de ces postes supprimés [10].

Le CNRS malgré ses succès scientifiques incontestables est taxé d’archaïsme [11]. L’évaluation par les pairs, internationalement reconnue et adoptée, est dénigrée [12]. S’y substitue progressivement une évaluation bibliométrique des activités de recherche, tandis qu’un pilotage par projets à court terme et par indicateurs de performance prend la place des politiques scientifiques nationales [13]. Pour la première fois cette année, une partie des membres de l’Institut Universitaire de France a été nommée directement par le ministère passant outre son jury. S’y ajoute une campagne mettant en cause les universitaires contestataires. Les Etats Généraux de la Recherche (2004), organisés par les scientifiques eux-mêmes, ont montré la force de proposition de cette communauté soucieuse d’évoluer. A certaines occasions Valérie Pécresse défend pourtant son projet en dénonçant l’absence d’alternatives, à d’autres elle prétend qu’il reprend les propositions de ces Etats Généraux. C’est avoir peu de considération pour les scientifiques que de croire qu’ils ignorent qu’avec les mêmes atomes on peut faire des molécules aux propriétés radicalement différentes. Les interventions du Président de la République et de sa ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche manifestent ainsi régulièrement un mépris pour la communauté scientifique et ses méthodes [14].

La gravité des menaces visant la recherche et l’enseignement supérieur

Comme le rappelle le Président de la République dans son discours du 22 Janvier 2009, « le crédit impôt recherche a été porté en France à un niveau inégalé dans le monde ». Ce Crédit Impôt Recherche (CIR), qui exonère les entreprises d’un tiers de leurs dépenses de recherche, constitue une part essentielle de l’effort budgétaire annoncé pour l’enseignement supérieur et la recherche [15]. Les dégrèvements d’impôts ne sont désormais plus liés à l’accroissement de l’effort de recherche ni plafonnés ce qui en réduit le caractère incitatif [16] Le gouvernement adopte donc un mode de financement dont la rigueur et l’efficacité sont contestées par les organismes chargés de l’évaluer [17] quand dans le même temps il soumet la communauté scientifique à une obligation de résultat au travers d’une agence d’évaluation (AERES) et un financement sur projets.

La situation actuelle à récemment conduit à une alliance exceptionnelle des deux principales instances scientifiques représentant les chercheurs et les enseignants-chercheurs [18]. Elles ont publié le 2 avril dernier un communiqué commun sans précédent attirant l’attention sur «  la gravité des menaces visant la recherche et l’enseignement supérieur » [19]. Ces deux instances d’ordinaire très modérées et peu enclines aux prises de position publiques s’inquiètent du fait que «  la recherche publique et l’enseignement supérieur public ne seront bientôt plus à même d’accomplir leurs missions » et déclarent que « dans ces conditions, [leur] expérience et [leur] représentativité en matière d’évaluation [les] contraignent à dénoncer le mensonge d’État qui prétend faire de la recherche et de l’enseignement supérieur une priorité nationale. » En conséquence, elles appellent les scientifiques à ne plus participer aux expertises dont elles ont la responsabilité.

Ces faits que chacun est en mesure de vérifier conduisent à relativiser les déclarations publiques réitérées quant à la priorité accordée aujourd’hui à l’enseignement supérieur et à la recherche.

L’indépendance décrétée

L’indépendance des universitaires a été réaffirmée à de nombreuses reprises par Valérie Pécresse ; le 4 février dernier [20], puis le 10 février22, le 19 février [21], à nouveau le 27 février [22] et encore le 6 mars [23]. C’est un principe à valeur constitutionnelle. Elle a été inscrite dans la version du projet de décret régissant le statut des universitaires rendue publique le 6 mars 2009 [24].

Sans entrer dans la discussion délicate du bien-fondé de cette indépendance ou de ses limitations légitimes nous allons examiner l’incidence sur celle-ci de la modulation des services d’enseignement prévue par la loi LRU et dont la mise en oeuvre a été précisée dans les cinq projets de décret modifiant le statut des enseignants-chercheurs qui se sont succédés depuis octobre 2008 [25]. Il nous suffit pour cela de déterminer si les conditions de cette modulation placent les universitaires sous de nouvelles dépendances ; de déterminer le cas échéant lesquelles et à l’égard de qui. Nous nous limitons ici à l’examen de l’indépendance des universitaires sans aborder l’incidence sur celle-ci des conditions de leur promotion ou d’une modulation individuelle à la baisse car si elles peuvent avoir un rôle incitatif, leur métier doit pouvoir être exercé indépendamment d’elles.

Dans toutes les versions du projet de décret, la modulation du service d’enseignement est décidée par le président de l’université. Sa décision prend en considération un rapport établi par le Conseil National des Universités (CNU) qui ne pourra guère évaluer que les activités de recherches, les autres missions ne pouvant l’être que localement par l’université [26]. Le président est lui-même un universitaire, maître de conférences ou professeur [27], mais généralement professeur, de la même université que l’intéressé. Il a un rapport d’autorité sur lui sans appartenir nécessairement à la même discipline scientifique. L’universitaire est ainsi placé sous la dépendance du président de son établissement qui a avec lui un rapport autoritaire, local et adisciplinaire, dans lequel prédomine une relation d’autorité avec des jeux de proximité inhérents à la fréquentation d’une même université. Le CNU est une instance nationale organisée en sections disciplinaires dont les membres sont pour les deux tiers élus et pour l’autre tiers nommés par le ministère. Les différences de grades sont prises en compte, et réaffirmées dans le projet de réforme de ce comité, mais elles jouent uniquement entre membres d’une même discipline. Compte-tenu du rôle joué par l’évaluation dans la modulation de son service, l’universitaire est donc aussi placé sous la dépendance de la section du CNU dont il relève. Il a donc avec cette instance nationale un rapport hiériarchisé et disciplinaire. Une double dépendance est ainsi introduite qui n’existait pas auparavant.

Le rapport Schwartz [28]
recommandait deux niveaux de recours pour les EC qui souhaiteraient contester la modulation, qu’on peut supposer à la hausse, de leur service d’enseignement. Le premier était adressé à une commission composée de pairs et en cas de différend persistant un deuxième recours était possible auprès du CNU. La première commission pouvait être locale, c’est en tout cas l’interprétation qui en a été donnée dans le premier projet de décret d’octobre 2008. Sa composition était régie par des conditions sur les grades de ses membres (parité entre maîtres de conférences et professeurs, ce qui revient à une sur-représentation des professeurs dont les effectifs sont généralement moindres que ceux des maîtres de conférences), mais aucune condition n’était mise sur leurs disciplines, c’est-à-dire sur leurs cultures scientifiques communes. Il s’agit dès lors d’une collégialité adisciplinaire et hiérarchisée dans laquelle les différences de grades sont jugées pertinentes sans que les différences de cultures scientifiques le soient. Ainsi, un recours pourrait être examiné par une commission ne comprenant aucun membre de la discipline de l’universitaire concerné. Le second niveau de recours recommandé par le rapport Schwartz (CNU) n’a pas été retenu dans le premier projet de décret. Ce fait est d’autant plus significatif que Valérie Pécresse avait déclaré reprendre 90% des recommandations de ce rapport. Ce second recours n’a été introduit que dans le projet proposé le 30 janvier dernier. Dans celui-ci, le service d’enseignement ne peut être augmenté sans l’accord de l’intéressé quand il a été favorablement évalué par le CNU. Dans celui du 6 mars, cette restriction est supprimée, et la modulation ne peut plus se faire sans l’accord de l’intéressé, quelque soit le résultat de son évaluation. Dans la dernière version diffusée le 30 mars, cet accord doit maintenant être écrit.

Réduction consentie de l’indépendance des universitaires

Ce rapide examen des états successifs du projet de décret montre que le ministère, la CPU et plusieurs syndicats ont accepté de réduire l’indépendance des universitaires. Il faut d’ailleurs observer qu’avant la publication du projet du 30 janvier et les réactions qu’il a suscitées, la ministre n’invoquait guère dans ses discours qu’une indépendance collective accordée à la communauté : toute nouvelle dépendance au sein de la communauté universitaire, y compris entre cultures scientifiques différentes, était encore considérée comme de l’indépendance [29].

Les déclarations citées sur l’indépendance sont en effet très récentes ; elles font suite à la mobilisation de la communauté universitaire et précèdent l’introduction dans le projet de l’obligation d’obtenir l’accord de l’intéressé pour augmenter son service d’enseignement [30]. Les universitaires sont ainsi fondés à douter de la sincérité des déclarations du gouvernement affirmant son attachement à ce principe. C’est dans ce contexte que la garantie donnée par cette obligation d’obtenir l’accord des universitaires doit être examinée.

La prise en compte de l’accord de l’intéressé introduite depuis la version du projet de décret du 6 mars entre en concurrence avec l’obligation de respecter les engagements de formation prévus dans le cadre du contrat pluriannuel entre l’établissement et l’Etat [31]. Ces engagements pourraient être opposés à un universitaire qui refuserait l’augmentation de son service. En ce point, il s’agit en définitive de déterminer à qui des universitaires et de l’université incombe d’assurer ces engagements, la LRU dégageant toute responsabilité de l’Etat. Ces engagements peuvent évidemment être opposés aux demandes de modulation à la baisse mais peuvent aussi servir à contraindre une modulation à la hausse. Il aurait été facile d’en limiter la portée aux demandes de modulation, mais ce choix n’a visiblement pas été retenu [32]. Il y a là un doute d’autant plus fort qu’il était facile à lever.

Ce doute serait-il levé que l’indépendance de l’universitaire résiderait maintenant tout entière dans son droit de refuser l’augmentation de son service. Ce droit n’est certainement pas négligeable et constitue une différence importante avec les versions précédentes. Mais l’universitaire perd néanmoins de son indépendance car la conservation de son service d’enseignement n’est obtenue qu’au terme d’une opposition permanente aux sollicitations pour qu’il en accepte l’accroissement. Il sait comme chacun que tout refus rend débiteur à l’égard de celui auquel on l’oppose. Il n’est dès lors plus indépendant puisqu’il est redevable au Conseil d’Administration (CA) et au président de son université par lesquels auront a passé la plupart de ses demandes (contenu et organisation de son service, délégations, primes, financements divers, etc.). Et si cette modulation est décidée au niveau du directeur de sa composante, le refus est opposé à ses plus proches collègues sur lesquels il sera immédiatement répercuté dès lors que les enseignements devront de toute façon être dispensés. L’indépendance des universitaires est donc encore remise en cause et elle l’est au détriment des bonnes relations avec les collègues avec lesquels l’universitaire est le plus directement appelé à travailler.

Avant la dernière version, les modulations à la hausse permettaient l’augmentation des services d’enseignement sans coût supplémentaire ce qui les rendaient d’autant plus attrayantes pour les présidents d’université. Dans la dernière version, ces heures sont maintenant rémunérées. La modulation perd ainsi une partie de son intérêt économique, mais la perte d’indépendance demeure, qu’une rémunération complémentaire ne saurait compenser.

L’introduction du droit individuel de refuser toute augmentation de service réduit aussi considérablement l’intérêt d’une évaluation individuelle systématique. Cette évaluation qui incombe au CNU fera un dossier supplémentaire à remplir par tous les universitaires, dossier qui s’ajoutera à ceux, déjà innombrables, nécessaires à l’obtention de contrats, notamment ANR, dont le taux de réussite fixé à l’avance, comme ce sera le cas pour les primes ou les décharges de service, si tant est qu’il y en ait, garantit surtout que la plupart de ces dossiers auront été remplis pour rien, quelle qu’en soit la qualité. A cela s’ajoutera, pour une partie aussi importante de la communauté, la charge d’évaluer ces dossiers, charge d’autant plus lourde qu’elle sera accomplie sérieusement, c’est-à-dire avec un recours parcimonieux aux indicateurs numériques dont elle ne manquera pas néanmoins de favoriser le développement et d’en accentuer les effets. Compte-tenu du droit individuel de refuser toute augmentation de service, cette évaluation n’a plus d’utilité que pour l’octroi de primes ou l’allégement des services. Son caractère obligatoire est dès lors d’autant moins justifié au regard de son coût financier et intellectuel, et il suffirait pour rendre cette évaluation conforme à son utilité qu’elle se fasse, comme c’était le cas jusqu’à présent, à la demande de l’intéressé au moment où il sollicite une revalorisation quelconque.

L’absurdité d’une telle évaluation généralisée doit être relativisée par les effets attendus du contrôle sur les personnes qu’elle introduit. S’il est essentiel que cette évaluation soit faite par des pairs de la même discipline scientifique, comme c’est le cas avec les sections du CNU, il faut aussi considérer ceux qui vont l’exploiter. Il s’agit en l’occurrence du président de l’université qui n’a avec l’universitaire qu’un rapport autoritaire, local et adisciplinaire. Les usages variés qui ont été faits du rapport Schwartz dans les trois projets de décret suffisent à montrer la latitude des décisions qu’il est possible de fonder en toute transparence sur un même rapport. Il ne devrait pas en être autrement des décisions du CA fondées sur les rapports d’évaluation du CNU. Ainsi, si la généralisation de l’évaluation n’a plus guère d’intérêt, elle n’en place pas moins les universitaires sous le contrôle cumulé de leur section du CNU et du président de leur université. Ce contrôle, ses critères et ses usages conditionneront ceux qui en sont l’objet. Une fois assimilés, ils auront un impact continu et renforcé. C’est bien là ce qui fait l’ « efficacité » de ce type de techniques de management introduites dans les universités à cette occasion [33].

A nouveau, la sincérité des déclarations du ministère sur l’indépendance des universitaires peut être précisément mesurée par sa volonté de conserver une évaluation dont le caractère obligatoire n’a plus guère d’intérêt que de réduire cette indépendance.

L’examen qui vient d’être fait ne tient pas compte des effets de la nouvelle organisation de la recherche. La part prépondérante des financements individuels sur projets a court termes (ANR) [34], viennent remplacer un financement récurrent des laboratoires. La transformation du CNRS en agence de moyens, son découpage en Instituts, et le transfert d’une partie de ses fonds et de ses missions a d’autres instances prive la communauté d’une structure nationale, pluridisciplinaire et indépendante [35]. L’organisation mise en place affecte ainsi l’indépendance tant des universitaires que de la communauté prise dans son ensemble.

Vendredi 3 avril 2009

Alain Herreman, Maître de conférences, Epistémologie & Histoire des sciences, Université Rennes 1
alain.herreman@univ-rennes1.fr

Serge Cantat, Chargé de recherches, Mathématiques, Université Rennes 1
serge.cantat@univ-rennes1.fr

Membres du Collectif Maths Rennes 1 http://mathsrennes1.blogspot.com/

PS : Le 1er décembre 2008 les mathématiciens de l’Université de Rennes 1 se sont réunis en assemblée générale pour examiner le projet de modification du décret de 1984 définissant le statut des universitaires. Ils constatèrent que ce projet remet en cause leur indépendance, place leur activité de recherche sous le contrôle du président de leur université - auquel la loi LRU du 11 août 2007 confère un pouvoir considérable - et qu’il substitue au fonctionnement collégial des universités une mise en concurrence des personnes pour l’obtention de primes et de décharges que les conditions économiques rendent de surcroît largement illusoires. Résolus à ne pas perdre ainsi des conditions essentielles de leur activité, ils décidèrent de s’opposer à ce projet et résolurent de retenir les notes d’examens du premier semestre si celui-ci n’était pas retiré. Cette décision exceptionnelle a été prise pour répondre à une atteinte jugée exceptionnelle avec le souci de ne pas nuire aux étudiants dont les examens étaient maintenus et auxquels les notes pouvaient être remises dès satisfaction de la revendication [36]. A ce jour, les mathématiciens de l’université Rennes 1 sont en grève depuis huit semaines ; ils ont cessé leurs enseignements et leurs séminaires de recherche.

9http://www.sauvonsluniversite.com/spip.php?article1052


[1Loi Liberté et Responsabilité des Universités en 2007, transformation du Centre National de la Recherche Scientifique en 9 instituts thématiques en 2008, faisant suite à la création de l’Agence Nationale pour la Recherche (2007) et l’Agence d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (2006). Pour une brève analyse d’ensemble de ces réformes voir Alain Herreman & Serge Cantat, « Enseignement supérieur et recherche : objectifs et méthode » (http://theuth.univ-rennes1.fr/docs/reformes.pdf).)

[2L’association Sauvons L’Université s’est créée à partir de la pétition « Les présidents d’université ne parlent pas en notre nom » (voir http://www.universite-democratique.org/spip.php?article233). Ce constat persiste (voir « La CPU et nous, lettre adressée à Guy Cathelineau », http://mathsrennes1.blogspot.com/search/label/CPU).

[3Albert Fert, Yves Laszlo et Denis Mazeaud, (http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2009/01/universit-et-re.html) ; communiqués de Qualité de la Science Française (http://www.qsf.fr/documents/communique_14sept07.htm) ; de la Société Mathématique de France (http://smf.emath.fr/VieSociete/PositionsSMF/RecherchePositionsSMF.html).

[4«  Je me suis sentie, comme beaucoup, agressée par le ton inutilement brutal et chargé de mépris de cette intervention. (...) Je ne vous cache pas qu’après cet épisode, dont un résultat possible est de vider de toute crédibilité l’exercice engagé autour de la SNRI, j’ai été fortement tentée de remettre ma démission à la Ministre. » Danièle Hervieu-Léger est présidente du comité de pilotage pour une Stratégie Nationale de la Recherche et de l’Innovation.

[5« Votre discours du 22 Janvier a, en l’espace de quelques minutes, réduit à néant la fragile confiance qui pouvait encore exister entre le milieu scientifique et le pouvoir politique. (...) Tous les collègues qui l’ont entendu, en direct ou sur internet, qu’ils soient de droite ou de gauche, en France ou à l’étranger (voir la réaction de la revue Nature), sont unanimement catastrophés et choqués. De nombreuses personnes présentes à l’Elysée ce jour là m’ont dit qu’elles avaient hésité à sortir ostensiblement de la salle et les réactions indignées fleurissent depuis. Le peu de considération que vous semblez accorder à la ....... » Wendelin Werner, « Monsieur le Président, vous ne mesurez peut-être pas la défiance... », Le Monde, 19 février 2009.

[6Fillon, Etats Généraux de la Recherche, octobre 2004.

[8Courrier de la présidence d’Orsay adressé à ses personnels en décembre 2008 :

« Sur le plan budgétaire la dotation est en augmentation de 2,4% par rapport à 2008 (...). Sur 2009, l’université va perdre 11 emplois de titulaires, 3 IATOSS au titre des réductions nationales des emplois dans les universités, et 8 Enseignants-chercheurs au titre de redéploiements entre les universités. Là aussi cette notification est accompagnée de prévisions sur 2010 et 2011 : l’université perdrait ainsi à nouveau 8 emplois en 2010 et 8 emplois en 2011 ! Ce sont de très mauvaises nouvelles pour l’université, qui, par ailleurs, n’ont pas fait l’objet de concertation : qu’il s’agisse des concertations annuelles que nous avions chaque année avant la notification de la DGF ou de concertations à l’occasion de la campagne des emplois. Qui plus est, nous voyons que ce qui aurait normalement dû être fixé à l’occasion de la négociation du contrat quadriennal est déjà fortement préempté.
J’avoue avoir beaucoup de mal à comprendre le sort fait à notre université, dans la logique d’une politique affichée cherchant à renforcer les capacités de nos établissements pour progresser dans la compétition internationale au plus haut niveau. Veut-on nous punir d’avoir eu des Prix Nobel et Médaille Fields ? On peut se le demander.
 »

[9Augmentation de 5,4%, courrier de la présidence adressé aux personnels.

[11« Notre organisation « à la française » donne-t-elle de meilleurs résultats ? Est-ce qu’il suffit de dire que c’est une organisation "à la française" pour considérer que l’on a clos le problème, refermé le dossier, exploré toutes les pistes ? Je rappelle qu’elle repose sur des bases définies au lendemain de la seconde guerre mondiale, complétées à la fin des années 60, dont les archaïsmes et les rigidités ont été soigneusement figées au début des années 80. On a réfléchi en 1945, on a encore un peu réfléchi dans les années 60 et on a annoncé que l’on arrêté de réfléchir dans les années 80. Nous sommes en 2009. Est-ce raisonnable ? » Nicolas Sarkozy, "Discours à l’occasion du lancement de la réflexion pour une Stratégie Nationale de Recherche et d’Innovation (22 janvier 2009)", Paris, 2009 (http://www.elysee.fr/documents/index.php?mode=cview&press_id=2259&cat_id...

[12« C’est un système assez génial d’ailleurs, celui qui agit est en même temps celui qui évalue. Qui peut penser que c’est raisonnable. », discours du 22 Janvier, ou encore, « Ecoutez c’est consternant, mais ce sera la première fois qu’une telle évaluation sera conduite dans nos universités, la première ». Nicolas Sarkozy nie ainsi l’existence et la légitimité de toutes les formes d’évaluation existant dans le monde scientifique.

[13Dans une alliance sans précédent, la C3N et la cp-cnu, on fait une déclaration commune dénonçant ce recours à la bibliométrie : « ... ». http://c3n-recherche-scientifique.fr/spip.php?article139

[14« Mais ces admirables chercheurs et ces points forts - j’ose le dire - ne sont-ils pas l’arbre qui cache la forêt ? », « un système d’universités faible, pilotée par une administration centrale tatillonne », ..., Nicolas Sarkozy, discours du 22 Janvier 2009.

[15Environ 40 % du milliard annuel promis à l’enseignement supérieur et à la recherche correspondent à l’augmentation du Crédit Impôt Recherche.

[16Voir Henri Audier, « Le budget de la recherche raconté à Sarkozy » (http://www.sauvonslarecherche.fr/spip.php?article1878)..

[17Voir le rapport de la Cour des Comptes sur le CIR (http://www.ccomptes.fr/fr/CC/documents/RPA/Suite3-credit-impot-recherche.pdf). E. Duguet, mandaté pour évaluer cette politique publique, émet lui même des doutes sur sa méthode de travail (http://www.sauvonslarecherche.fr/spip.php?article1740).

[18Le Conseil d’administration de la Conférence permanente du Conseil national des universités et le C3N, qui réunit les responsables des 3 composantes du Comité national de la recherche scientifique

[20« Ici, la situation est particulière, puisqu’il s’agit d’enseignants-chercheurs. Le principe d’indépendance des enseignants-chercheurs est un principe fondateur de notre République, un principe à valeur constitutionnelle, auquel je suis, comme vous, particulièrement attachée. » Valérie Pécresse, Question au gouvernement (http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2008-2009/20090150.asp#P242_39754).

[21« Oui, le principe de l’indépendance des enseignants chercheurs sera la pierre angulaire de la réforme parce que l’indépendance des enseignants chercheurs, c’est un principe à valeur constitutionnelle qui leur garantit une pensée libre. » (http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid23925/un-nouveau-decret-...).

[22Rencontre avec les organisations syndicales représentatives siégeant au CTPU (http://media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2009/00/7/introducti...).

[23« Les grandes lignes du nouveau décret sur le statut des enseignants-chercheurs » (http://media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2009/46/9/060309-_Gr...).

[24«  Dans l’accomplissement des missions relatives à l’enseignement et à la recherche, ils jouissent, conformément aux dispositions de l’article L. 952-2 du code de l’éducation, d’une pleine indépendance et d’une entière liberté d’expression, sous les réserves que leur imposent conformément aux traditions universitaires et aux dispositions du code de l’éducation, les principes de tolérance et d’objectivité. » version du 6 mars.

[25Pour une analyse complète des versions des modifications du décret avant celle diffusée le 30 mars voir Beaud, Olivier, "Note sur le projet de décret (oct. 2008) modifiant le décret du 6 juin 1984 "fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des Universités et du corps des maîtres de conférences."" (http://www.qsf.fr/QSF_Note_Beaud_statut.pdf) et « "Note sur le nouveau projet de décret relatif au "statut des enseignants-chercheurs". Bis repetita ?" » (http://www.qsf.fr/QSFNoteStatut14mars.pdf).

[26« Le président ou le directeur de l’établissement arrête les décisions individuelles d’attribution de services des enseignants-chercheurs dans l’intérêt du service, après consultation, du directeur de la composante et du directeur de l’unité de recherche concernés. Le tableau de service de chaque enseignant-chercheur lui est transmis en début d’année universitaire et est adapté pour chaque semestre d’enseignement. Il peut comporter un nombre d’heures d’enseignement inférieur ou supérieur au nombre d’heures de référence mentionné au I en fonction de la qualité des activités de recherche et de leur évaluation par le conseil national des universités ou le conseil national des universités pour les disciplines médicales, odontologiques et pharmaceutiques. » version d’octobre 2008.

[27« Le président de l’université est élu à la majorité absolue des membres élus du conseil d’administration parmi les enseignants-chercheurs, chercheurs, professeurs ou maîtres de conférences, associés ou invités, ou tous autres personnels assimilés, sans condition de nationalité. Son mandat, d’une durée de quatre ans, expire à l’échéance du mandat des représentants élus des personnels du conseil d’administration. Il est renouvelable une fois. » LOI n° 2007- 1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, Article 6.

[28La commission présidée par Rémy Schwartz a été chargée de réfléchir à l’avenir des personnels de l’Enseignement supérieur et à remis son rapport le 10 juin 2008 à Valérie Pécresse (http://wwww.enseignementsup-recherche.gouv.fr/transfert/Rapport_Schwartz...).

[29« Mais j’ai choisi de faire confiance aux enseignants-chercheurs, à chacun, de manière individuelle, dans son engagement professionnel ; de manière collective aussi, puisque ce seront les instances composées de pairs qui prendront les décisions, dans le respect du principe d’indépendance qui fait la richesse de ce statut dérogatoire. » Valérie Pécresse du 11 nov. 2008, présentation du décret en CTPU (http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid22952/presentation-du-decret-sur-le-statut-des-enseignants-chercheurs-en-ctpu.html). C’était encore le cas 15 janvier 2009 devant le CNU : « Le statut national des enseignants-chercheurs, encore rappelé dans le texte du décret, se fonde en effet sur l’indépendance qui se vérifie dans l’activité pédagogique et de recherche et dans la représentation authentique, par des pairs d’un niveau au moins égal... toutes garanties qu’apporte le texte. » (http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid23451/intervention-de-valerie-pecresse-devant-le-c.n.u.html). Le 20 juin 2008, l’indépendance est qualifiée de « mythe » : « Pendant des décennies, l’université n’a pas souhaité nouer des liens avec le monde économique, souvent pour des raisons idéologiques fondées sur le mythe de l’indépendance intellectuelle et de la créativité. » (http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid21480/discours-de-valerie-pecresse-fondation-de-clermont-ferrand.html). Avant le mois de février 2009, l’indépendance valorisée n’est pas celle des universitaires mais celle de l’évaluation. Ainsi, le 21 novembre 2008, « l’évaluation collégiale, indépendante et transparente » était l’un des trois principes guidant l’action de la ministre (http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid23017/faire-de-l-institu...). Le 7 décembre 2007, lors du colloque « Enseignement supérieur et recherche : des évaluations à la décision » organisé par le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et l’AERES, la ministre déclarait : « Pour atteindre cet objectif, parfaitement à la portée d’un pays comme le nôtre qui peut s’appuyer sur une tradition d’excellence scientifique et universitaire quasi millénaire, il nous fallait donc à l’évidence construire une instance d’évaluation fiable, indépendante et transparente » (http://www.aeres-evaluation.fr/Discours-de-Valerie-Pecresse). Voir aussi http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid20630/colloque-internati....

[30Le 31 mai 2007, dans le discours prononcé à l’occasion du lancement de la concertation sur la réforme de l’enseignement supérieur, Valérie Pécresse annonçait au contraire clairement qu’elle avait l’ « ambition et le courage » de reconsidérer cette indépendance : « Dans le monde d’aujourd’hui aussi, l’indépendance et la compétence des enseignants-chercheurs nécessitent une réflexion globale qu’il faut avoir l’ambition et le courage d’assumer. J’ai ce courage et j’ai cette ambition. Sur cette question, le gouvernement s’engage. » (http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid20448/lancement-de-la-co...)

[31«  Les principes généraux de répartition des obligations de service et les décisions individuelles d’attribution de services ne peuvent avoir pour effet de compromettre la réalisation des engagements de formation prévus dans le cadre du contrat pluriannuel entre l’établissement et l’Etat ». Version du 6 mars et repris dans celle du 30 mars.

[32Il aurait été possible d’écrire comme c’est le cas dans les paragraphes précédents du décret que « la modulation ne peut avoir pour effet de compromettre la réalisation des engagements de formation prévus dans le cadre du contrat pluriannuel entre l’établissement et l’Etat ». Singulièrement pourtant, alors que les paragraphes précédents du décret se rapportent tous à « la modulation », le sujet change dans celui-ci pour devenir « les principes généraux de répartition des obligations de service et les décisions individuelles d’attribution de services » :

« Cette modulation ne peut se faire sans l’accord écrit de l’intéressé.

La modulation peut s’inscrire dans le cadre d’un projet individuel ou collectif, scientifique, pédagogique ou lié à des tâches d’intérêt général. Elle peut être envisagée de manière pluriannuelle.

La modulation de service ne peut aboutir à ce que le service d’enseignement soit inférieur à 42 heres de cours magistral ou 64 heures de travaux pratiques ou dirigés ou toute combinaison équivalente. Elle doit en outre laisser à chaque enseignant-chercheur un temps significatif pour ses activités de recherche.

Tout enseignant-chercheur peut demander le réexamen d’une refus opposé à sa demande de modulation après consultation d’une commission, composée d’enseignants-chercheurs d’un rang au moins égal à celui de l’intéressé, désigné par le conseil des études et de la vie universitaire et le conseil scientifique ou des organes en tenant lieu. Pour les maîtres des (sic) conférences, cette commission est composée à parité de maîtres de conférences et de professeurs.

Les principes généraux de répartition des obligations de service et les décisions individuelles d’attribution de services ne peuvent avoir pour effet de compromettre la réalisation des engagements de formation prévus dans le cadre du contrat pluriannuel entre l’établissement et l’Etat. » Version du 30 mars.

[33On peut se reporter à ce sujet aux travaux d’Annie Vinokur, notamment Pouvoirs et mesure en éducation, Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs, Hors série, Paris : 2005. Pour d’autres références : http://thamous.univ-rennes1.fr/public/index.php?id=734.

[34Le 5 novembre 2007, dans son discours pour l’ouverture du "Grand Colloque Sciences et Technologie de l’Information et de la Communication " (Paris - cité des Sciences et de l’Industrie), Valérie Pécresse doit reconnaître que le financement par contrats porte atteinte à l’indépendance des chercheurs mais « cette crainte est toutefois pour moi largement infondée. » (http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid20443/grand-colloque-sciences-et-technologie-de-l-information-et-de-la-communication.html).

[35« Ce n’est pas à un organisme [le CNRS], si grand, si respecté, et si puissant soit-il, de définir à lui seul la politique scientifique d’un pays. Ce n’est pas non plus à un collège électif de scientifiques de décider de cette politique ». Nicolas Sarkozy. "Discours de M. le Président de la République sur la Recherche française", 28 janvier, 2008 (http://www.elysee.fr/documents/index.php?mode=cview&cat_id=7&press_id=95...).

[36Le 5 janvier 2009, la réforme de la formation des maîtres, qui n’avait pas pu être examinée le 1er décembre, le fut à l’occasion d’une deuxième assemblée générale. Constatant que cette réforme, déjà dénoncée dans une pétition lancée le 8 novembre 2008, est menée dans une précipitation incompatible avec ses enjeux, qu’elle conduit à une dégradation de la qualité de la formation, désorganise de nombreux cursus et participe d’une précarisation des enseignants, ils furent à nouveau unanimes à refuser de remettre les maquettes qu’on leur demandait pour assurer la mise en place de cette réforme.