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Pécresse : "Je refuse de me projeter dans le scénario du pire" - entretien avec Alexandre Duyck, le Journal du Dimanche, 3 mai 2009

lundi 4 mai 2009, par Laurence

Pour lire cet entretien sur le JDD

Face à la fronde du monde universitaire contre les réformes du gouvernement, Valérie Pécresse affûte ses arguments. Dans un entretien accordé au Journal du Dimanche, la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche se pose en garante de la qualité des diplômes dispensés par les facs. Elle assure que les examens peuvent encore avoir lieu avant l’été.

Pensez-vous que la fac française soit au bord du KO ? Que l’on est en train de "sacrifier une génération", comme l’assure Hélène Carrère d’Encausse ?

Pour rester attractive, l’université française doit poursuivre sa réforme, qu’elle avait démarrée avec l’harmonisation européenne des diplômes (le LMD). C’est pourquoi le président de la République a souhaité l’autonomie des universités tout en mettant des moyens financiers inédits. Nous mettons l’université au centre de notre système d’enseignement supérieur et de recherche pour faciliter les rapprochements avec les grandes écoles et les organismes de recherche. D’ici à la fin de l’année, nous aurons une quinzaine de grands pôles universitaires et de recherche visibles internationalement, auxquels chaque université a vocation à participer. L’université française a tous les atouts pour réussir l’autonomie et rayonner. Mais elle a besoin d’avoir plus de souplesse dans son fonctionnement et dans sa gestion des ressources humaines pour être plus réactive.

Mais pour le moment, comme l’explique Philippe Meirieu, parents et élèves préfèrent les filières offrant des débouchés professionnels rapides, courtes (IUT ou BTS) ou longues (grandes écoles)...

Je me refuse à opposer les unes aux autres. Je veux au contraire les rapprocher. Ouvrir davantage les IUT aux titulaires de bacs professionnels ou technologiques. Ouvrir des classes prépas dans les universités. Développer, dans les facs, les stages, les langues vivantes, l’informatique, l’orientation, la proximité avec les entreprises, tout ce qui fait la force des autres filières. L’université forme l’esprit critique, donne une culture générale que l’on n’acquiert nulle part ailleurs mais, dans le même temps, elle doit aussi s’ouvrir aux métiers. Les étudiants veulent les meilleurs professeurs, qui sont à l’université, et un avenir professionnel plus sûr. Les connaissances et les compétences.


"Mon rôle est de protéger les étudiants"

D’ici à 2017, les facs vont perdre 15% d’élèves quand les IUT et les BTS conserveront quasiment leurs effectifs et les classes prépas en gagneront 5%. C’est bien le signe que les jeunes ne veulent plus aller à l’université...

C’est tout le paradoxe de cette réforme. Le président de la République nous a demandé de permettre à l’université française d’être à armes égales avec ses concurrentes étrangères, grâce à l’autonomie et à l’augmentation des moyens. Et à quoi assiste-t-on aujourd’hui ? A la remontée d’un passé douloureux. Vingt-cinq années de passif ont sapé la relation de confiance entre les universitaires et les pouvoirs publics. Que veulent les jeunes ? Des enseignements dispensés par des professeurs à la réputation internationale. C’est à l’université qu’ils les trouveront. Ils demandent plus d’encadrement, plus de sur-mesure, que l’on se préoccupe de leur insertion professionnelle et les universités doivent s’obliger à mieux répondre à ces attentes.

Près de vingt facs sont toujours perturbées. Y a-t-il un risque que les examens ne puissent pas se tenir normalement ?

J’espère que la volonté de plus en plus partagée de reprendre les cours et d’organiser les examens dans de bonnes conditions va l’emporter. Mon rôle est de protéger les étudiants, de leur permettre de rattraper les cours et de passer les épreuves. Je suis garante de la qualité de nos diplômes. Il n’est pas question de valider automatiquement des semestres alors que les enseignements n’auraient pas été délivrés normalement. Je dis qu’il est temps pour tout le monde de rattraper les cours. Si on s’y met dès maintenant, on pourra passer les examens avant l’été.

Et si les cours de rattrapage ne démarrent pas tout de suite, quand sera-t-il trop tard pour passer les examens ?

Je refuse de me projeter dans le scénario du pire.

"On ne résoudra pas la crise en prenant les étudiants en otages"

De réelles menaces planent-elles sur l’organisation du bac ? Le conflit peut-il passer l’été et resurgir à la rentrée ?

Les appels au boycott des jurys du bac lancés par de rares universitaires sont résolument contraires aux valeurs de l’université. Quant à savoir si les perturbations continueront après l’été... On ne résoudra pas la crise en prenant les étudiants en otages. Sur toutes les interrogations qui ont été à l’origine du mouvement en janvier dernier, le gouvernement a apporté des réponses. Le statut sur les enseignants-chercheurs a été récrit, les emplois seront maintenus en 2010-2011. Et une commission de concertation a été mise en place par Xavier Darcos et moi-même, pour repenser, avec les syndicats, la question de la formation des enseignants.

Hélène Carrère d’Encausse propose que les étudiants travaillent tout l’été pour rattraper les cours perdus depuis janvier...

Une trentaine d’universités ont, d’ores et déjà, démarré les rattrapages. Le temps est compté pour rattraper rapidement retards et éviter un long décalage des examens car il ne faut pas pénaliser les étudiants qui avaient prévu de faire des stages, de travailler en été ou d’effectuer un séjour linguistique. Les enseignements et les rattrapages doivent avoir lieu pour que les examens se déroulent dans de bonnes conditions.

Propos recueillis par Alexandre DUYCK