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Les nouvelles tutelles : finance et gestion universitaires - Henry Michel Crucis, professeur de droit public, pour QSF (19 octobre 2009)

mardi 20 octobre 2009, par Jean-Pierre

Vous trouverez ce texte en document joint.

Résumé et présentation de SLU

Il s’agit d’une analyse critique assez habile, d’autant plus accablante qu’elle se présente comme modérée (et l’est), des dangers des nouvelles conditions de financement des universités, conditions qui vont à l’encontre de l’autonomie revendiquée par le ministère pour instaurer au contraire de "nouvelles tutelles sous-jacentes".

Dans le rapport fait pour l’association Qualité de la Science Française, Michel Crucis entend déterminer si les mesures prises actuellement par le gouvernement permettront effectivement d’atteindre les deux objectifs qui ont été fixés : rattraper le retard financier et permettre une autonomie effective des universités (sinon des universitaires).

Un bref préambule commence par rappeler :
— l’augmentation des financements accordés à l’enseignement supérieur,
— dans le cadre de la LRU, le choix que font de plus en plus d’universités des RCE (Responsabilités et Compétences Élargies).

Il note que ces transformations s’appuie sur une ingénierie managériale permettant l’application de la LOLF, du modèle SYMPA à l’AERES, en passant par un certain nombre d’acteurs publics.

Ce préambule se conclut par l’exposé de la thèse : "[…] une extrême vigilance s’impose pour faire prendre conscience des risques induits par le rattrapage financier et par l’autonomie de gestion. L’analyse montre en effet que les mesures actuelles exigent d’amples améliorations pour s’inscrire véritablement dans la double démarche du rattrapage et de l’autonomie dont elles ne constituent actuellement qu’un essai. Les prétentions actuelles sont ternies par le triple constat suivant : l’aléa des ressources, le blocage des emplois, les retards de gestion".

Ce sont ces trois points qui sont ensuite exposés.

1. L’aléa des ressources tient en deux points : "les incertitudes pesant sur les dotations étatiques" (1.1.) et "le piège des ressources propres" (1.2 .).

1.1. En l’état actuel, les textes ministériels
— ne précisent pas la façon dont seront couverts les coûts supplémentaires provoqués par le transfert de compétences de l’État vers les universités,
— ne tiennent pas comptent des délais nécessaires pour mettre en place les évaluations des performances à partir desquelles seront calculés les moyens attribués (SYMPA),
— ignorent d’éventuelles compensations à mettre en place en raison des variations probables d’une université à une autre, d’une discipline à une autre.

1.2. Les ressources propres constituent un piège : en cas d’une baisse inopinée des ressources propres, la seule variable d’ajustement est la masse salariale.

"Ainsi, si une université dispose de peu de ressources propres et ne les augmente pas dans les années à venir, elle restera cantonnée à une activité minimale sauf à dégager des ressources en diminuant la masse salariale. "

Or ce scénario est vraisemblable étant donné que les ressources propres sont
— ou bien modiques (droits d’inscription, taxe d’apprentissage, formation continue),
— ou bien aléatoires : partenaires privés (entreprises) ou publics (collectivités locales). Il est ici noté que les fondations semblent avoir valeur de "panacée", d’"instrument-miracle".


2. Le blocage des emplois

Avec les RCE, "la masse salariale devient le poste essentiel du budget de l’université (plus de 80% des dépenses d’exploitation).". En laissant de côté l’importance du changement du rattachement statutaire des personnels, la question est de savoir si les RCE permettent de développer une politique d’emploi satisfaisante.

2.1. Le retard de la France par rapport aux pays de l’OCDE en matière d’effectifs universitaires est tout d’abord rappelé en quelques chiffres significatifs :

enseignant / biatoss 1 enseignant /2 biatoss (OCDE) 2 enseignants / 1 biatoss (France)

biatoss / étudiant 1 biatoss /7,5 étudiants (OCDE) 1 biatoss / 36 étudiants (France)

enseignant / étudiant 1 enseignant /15 étudiants (OCDE) 1 enseignant / 18 étudiants (France)

"Les conséquences de cette situation sont simples : flux tendus pour les personnels administratifs placés dans de mauvaises conditions de travail ; et obligation pour l’ensemble de la communauté des enseignants-chercheurs de s’impliquer dans la gestion des usagers au-delà du nécessaire encadrement pédagogique et scientifique."

2.2. Plusieurs dispositifs actuels ont pour objet ou pour effet de bloquer ou de réduire les effectifs universitaires :
— la loi de finances annuelle fixe un plafond des emplois pour les "opérateurs" dont les universités,
— le contrat pluriannuel d’établissement passé entre l’État et chaque université fixe le montant limite des crédits affectés à la masse salariale,
— dans le cadre de la LOLF, les crédits affectés au fonctionnement et à l’établissement peuvent être augmentés au détriment des crédits affectés à la masse salariale, mais pas le contraire ("fongibilité asymétrique")
— le piège des ressources propres conduira un gestionnaire prudent à ne pas trop recruter en période d’abondance et le contraindra à ne plus recruter en période de vaches maigres.

3. Le dernier point concerne les retards de gestion "tant du côté des universités dans leur propre gestion que du côté de l’État gestionnaire des universités."

3.1. Il est noté que les nouveaux outils supposés moderniser la gestion des universités ne peuvent recevoir l’assentiment des universitaires, dans la mesure où ces outils sont aveugles à ce qui fait l’essentiel du métier d’universitaire, tant en matière d’enseignement que de recherche.
"Ce que l’on appelle ici retard est peut-être bien plutôt réticence et refus, faute des concertations nécessaires, voire même impossibilité pour les acteurs universitaires de prendre à leur compte les moteurs et motivations de performance d’efficience d’évaluation dans un tel contexte d’imperfections et d’impréparations."

3.2. Il est enfin souligné que, contrairement à ce qu’il en est pour d’autres opérateurs, l’État manque cruellement de statistiques et d’analyses financières concernant l’enseignement supérieur.

Michel Crucis conclut son analyse sur deux demandes :

— Améliorer l’information relative aux finances des universités et à leurs personnels ;
— Attribuer aux universités des ressources financières en accord avec leurs nouvelles compétences, et en particulier attribution de ressources pérennes.