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Faut-il vraiment appliquer la réforme des lycée ? Est-ce vraiment "légal" ? Montserrat Comas, le Blog de Médiapart, 30 janvier 2010

dimanche 31 janvier 2010, par Laurence

"Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple, et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs." (article 35 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 24 juin 1795)

En quelques mots, voici pourquoi je crois bon de ne pas appliquer la réforme des lycées prévue pour la rentrée 2010.

J’imagine assez facilement l’enthousiasme qu’ont pu déclencher chez certains parents les effets d’annonce de cette réforme des lycées. Deux heures « d’accompagnement personnalisé » consacrées à leur enfant, un gentil tuteur, davantage de choix et de diversité dans les cursus et les filières, une orientation moins directive, plus souple, des apprentissages enfin tournés vers notre monde moderne et globalisé, …

Mais aucun enseignant ne peut être dupe. Il suffit de se pencher un peu, muni d’une petite calculatrice, de refaire quelques comptes pour s’apercevoir qu’il ne s’agit que d’un énième moyen pour dépecer encore davantage ce qui reste du service public. Une réforme conforme aux saignées budgétaires que subissent l’Hôpital, la Justice, la Poste, …

Bien sûr, les professeurs nous serons en première ligne pour subir les conséquences logiques de cette politique de suppressions de postes, mais ce sont les élèves qui en paieront les pots cassés, qui en porteront les plus graves séquelles.

Mais ce qui me révolte le plus, ce n’est même pas cela…

Sans qu’il ait été fait de bilan des dernières réformes sur les programmes, idem pour la suppression de la carte scolaire, il s’impose une volonté terrible, pressée et insidieuse de vouloir remodeler de façon fondamentale les contenus, les missions de l’école de la République. Et ce, de la Maternelle à l’Université. Les autorités accusent aujourd’hui les enseignants qui résistent à la mise en place de ces réformes de faire passer leur « idéologie » avant leur mission d’enseignant fonctionnaire. Mais qu’il s’agisse de la réforme des programmes de l’école primaire hier, ou de la réforme des lycées aujourd’hui, la lecture est très limpide : ces réformes se fondent sur des choix idéologiques très clairs et très prononcés !

Je me suis engagée dans mon métier de professeur, fière de travailler au service d’un Etat qui avait fait le choix ambitieux – et idéologique - d’une école laïque et démocratique, une école qui s’évertuait à ouvrir les portes d’un monde libre, égalitaire, solidaire.

Les réformes que l’on tente aujourd’hui de nous imposer vont parfaitement à l’encontre de cette vision du monde. Elles sont foncièrement et structurellement élitistes et ne feront que renforcer les injustices et les inégalités auxquelles de plus en plus de citoyens sont aujourd’hui confrontés en France.

Les programmes, dans toutes les disciplines, favoriseront ceux qui le sont déjà. Cela s’appelle un choix idéologique : favoriser les élites au détriment des autres classes sociales. Pourquoi pas ? Mais qu’on ne vienne pas me dire que le but de ces réformes est de réduire les difficultés de nos élèves… Prenons l’exemple des mathématiques : les modules, les dédoublements en seconde, vont disparaitre ou seront soumis au bon vouloir du fameux « conseil pédagogique » qui lui-même transmettra au Proviseur, dernière et unique instance de décision. En première S les élèves vont perdre une heure d’enseignement en mathématiques (sans compter l’heure et demi qu’ils perdront en sciences physique et une heure en SVT)… Quels sont les élèves qui malgré cela parviendront à comprendre, intégrer le programme du cursus scientifique ? Sûrement pas ceux auxquels on prétend offrir les moyens de réduire leurs difficultés !

Le sort réservé à l’histoire-géographie et aux SES est emblématique de la tournure que l’on veut faire prendre à notre société. Les nouveaux horaires et aménagements en option facultative ou en enseignement d’exploration pour ces disciplines, montrent à quel point certains de nos gouvernants sont attachés aux sciences de l’homme et de la société, à quel point ils sont pressés de voir disparaître ces outils de connaissance et de réflexion, à quel point la faculté de penser et critiquer les inquiète.

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