Accueil > Communiqués et textes de SLU > « Procès d’intention », vraiment ? La loi LRU, garante du localisme - (...)

« Procès d’intention », vraiment ? La loi LRU, garante du localisme - Communiqué de SLU, 3 février 2010

jeudi 4 février 2010

Ce communiqué a été repris sur le blog de S. Huet.

La loi « Libertés et responsabilités des universités » avait entre autres pour mission, selon Valérie Pécresse, d’en finir avec « le localisme, qui tue le recrutement universitaire actuel…  » (intervention à l’Assemblée nationale, séance du 25 juillet 2007). Pour cela, un système nouveau a été mis en place, celui des comités de sélection. Système qui a rapidement montré son véritable caractère, celui d’un garant du localisme. En voici un exemple récent et très caractéristique.

Jusqu’alors, le recrutement des enseignants-chercheurs était le fait de commissions de spécialistes composées dans leur majorité de membres élus. Depuis la loi LRU, le recrutement est le fait du conseil d’administration de l’université constitué en jury. Celui-ci délibère sur la base de l’avis de comités de sélection dont les membres ont été désignés par le même CA sur proposition du président d’université. Ces membres sont « pour moitié au moins extérieurs à l’établissement » et choisis « en majorité » (et pas dans leur totalité) « parmi les spécialistes de la discipline en cause ». Ces comités sont composés ad hoc et changent de configuration à chaque poste à pourvoir. Ils n’ont aucun pouvoir réel puisque :
- La décision revient au CA, qui n’a pas auditionné les candidats et peut ne pas comprendre de spécialistes de la discipline en question…
- le Président détient un droit de veto sur les nominations.

Et pourtant … selon Valérie Pécresse, ce dispositif est le seul à même de garantir « la non-consanguinité » (sic) des recrutements (Compte rendu de la réunion des membres élus des bureaux des sections du CNU avec Valérie Pécresse, 17 décembre 2007) Pour elle, « le pouvoir du président sur le choix des membres des comités de sélection permettrait (…) d’éviter le localisme qui s’exprimerait plus facilement si ces membres étaient élus par les spécialistes de la discipline du poste proposé. » (ibid.) Signalons au passage que, par un effet dont on ne sait s’il relève de l’incompétence ou de la perversité, les membres intérieurs à l’université qui recrute peuvent être les mêmes pour tous les comités de sélection, quelle que soit la discipline concernée…Toutes les conditions semblent donc réunies pour que puisse se mettre en place une camarilla présidentielle faisant la pluie et le beau temps quant au recrutement des enseignants-chercheurs.

Mais non, tout cela n’était que mauvais esprit et fantasmes paranoïaques, nous garantissait notre ministre : «  J’ajoute qu’il faut bâtir le projet de loi sur la confiance. Imaginer qu’un conseil d’administration d’université chargé de recruter des enseignants organise un concours – le comité de sélection en est un, au sens juridique du terme – afin de recruter les candidats les moins bons me semble relever du procès d’intention.  » (Assemblée Nationale, 25 juillet 2007)

Et pourtant, patatras : voilà que trois membres extérieurs d’un comité de sélection viennent de publier une lettre ouverte au président de l’université de Metz, dont le contenu est le suivant [nous avons choisi de ne rendre publics ni la discipline ni le numéro de poste] :

"À M. Luc JOHANN

Président de l’Université de Metz Paul Verlaine

Ile du Saulcy BP 80794 57012 METZ cedex

Le 1er février 2010.

Monsieur le Président,

Le Conseil d’Administration de votre établissement a, dans sa séance du 29 janvier 2010, refusé de suivre le classement proposé par le comité de sélection de [xème] section réuni pour pourvoir le poste de maître de conférences n° X. Ce comité, dont nous étions les trois membres extérieurs, avait en effet, par un vote unanime, demandé l’affectation sur ce poste d’un(e) candidat(e) de très haute valeur et répondant parfaitement au profil pédagogique et scientifique que vous aviez défini. Le Conseil d’Administration lui a préféré le/la candidat(e) classé(e) troisième, qui ne fournissait en rien les mêmes garanties scientifiques mais enseignait déjà dans votre établissement. Or, nous vous rappelons qu’un poste d’enseignant-chercheur n’engage pas seulement l’université qui recrute : c’est la qualité tout entière de la recherche et de l’enseignement au niveau national qui s’y joue. Nous tenons à vous exprimer notre colère la plus vive et refusons désormais de siéger aux comités de sélection de l’Université de Metz.

Nous nous engageons à donner à cette injustice la plus large publicité et à ne plus participer aux activités scientifiques de votre université pendant toute la durée de votre présidence.

Recevez, Monsieur le Président, nos salutations distinguées.

Vincent Jouve, professeur à l’Université de Reims
Gilles Philippe, professeur à l’Université Paris III
Éléonore Reverzy, professeur à l’Université de Strasbourg"

De manière évidente et avérée, en concentrant les pouvoirs de nomination dans les mains de l’entourage du président de l’université, les nouvelles dispositions aggravent considérablement les menaces de localisme et de clientélisme et vont à l’encontre des normes internationales traditionnelles garantissant l’indépendance et l’autonomie scientifiques des évaluations collectives par des pairs.