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Réponse du NPA au questionnaire de Sauvons l’Université ! - 9 mars 2010

mercredi 10 mars 2010, par Elie

Paris, le 9 mars 2010

Mesdames, Messieurs, cherEs camarades de SLU !,

En matière de politique universitaire comme dans tous les autres domaines, nous pensons que la priorité est de s’opposer radicalement aux mesures délétères du gouvernement Sarkozy et de créer un front unitaire de mobilisation contre sa politique, à commencer par la loi LRU, la mise en concurrence des universités entre elles, la suppression de postes de titulaires, la remise en cause du statut des fonctionnaires, le démantèlement du CNRS au profit de l’ANR et la précarisation croissante de jeunes chercheurs, des enseignants comme du personnel des bibliothèques, des services et des administratifs (BIATOSS et ITA)

1. QUESTIONS SUR LA POLITIQUE DE REGROUPEMENT ET DE FUSION DES ÉTABLISSEMENTS

Les régions doivent-elles accompagner, voire favoriser la constitution des pôles universitaires, laissant aux établissements qui n’en font pas partie un enseignement coupé de la recherche ? Quelles mesures envisager pour lutter contre les dérives de l’inégalité territoriale alimentée et renforcée par le plan Campus, le plan de relance et le Grand Emprunt ?

Le NPA partage le constat dressé par SLU de la logique à l’œuvre dans le regroupement des universités. Cette politique accroit la concurrence entre quelques grands pôles et désertifie le reste de territoire, privant d’accès à l’Université une bonne partie de la population. Elle accompagne et renforce la construction d’un marché européen de l’enseignement supérieur et de la recherche, initiée par les accords de Bologne et Lisbonne.

Aux effets dévastateurs de la concentration des moyens s’ajoutent des attaques profondes au service public. La construction de ces grands pôles est en effet utilisée comme une occasion pour développer les partenariats public-privé, et d’impliquer les régions dans leur financement. Si l’essentiel des moyens de l’enseignement supérieur provient de l’état, les régions sont entrées dans la logique de concurrence mises en place par la constitution des pôles. Les grands groupes industriels et les établissements privés d’enseignement supérieur reçoivent ainsi de fortes subventions, sous la forme d’aide à la recherche par exemple, comme l’explique par exemple notre camarade Myriam Combet, Conseillère régionale NPA sortante du Rhône Alpes, dans sa réponse à votre questionnaire. Les conseils régionaux socialistes accompagnent alors la libéralisation de notre secteur et entrent en compétition les uns avec les autres.

La « complémentarité » supposée avec le secteur privé, comme dans la santé, sert de levier à la libéralisation. Les services administratifs et techniques, dont la situation est déjà difficile dans les établissements publics, subissent à cette occasion une pluie d’attaque : sortie de la fonction publique nationale, multiplication des contrats précaires, externalisation de services entiers.

2. QUESTIONS SUR LA POLITIQUE DE FINANCEMENT DE LA RECHERCHE SUR APPEL D’OFFRE

Quelle contribution les régions peuvent-elles apporter au développement du financement pérenne des structures de recherche ? Comment les régions comptent-elles réagir au développement, souhaité par le Ministère, des fondations universitaires ?

L’essentiel des financements de la recherche et des universités provenant de l’Etat et c’est donc à ce niveau que doivent être exigés des moyens à la hauteur de besoins. Pour mener à bien des projets de recherche, les équipes ont besoin de moyens sur la durée, mais aussi de personnels sur contrat statutaire, pour constituer des collectifs de travail experts de leur sujet disposant des équipements nécessaires.

Comme nous l’avons expliqué à propos des pôles d’excellence et comme le constate SLU, les conseils régionaux sortants ont principalement accompagné ce mouvement, apportant leur part de financement court et de contrats précaires.

A nouveau, le développement des fondations souhaité par le ministère participe de la logique de libéralisation de notre secteur, sur le modèle des établissements anglo-saxons. En plus de rappeler notre opposition de fond à cette logique, nous soulignerons simplement ici l’absurdité d’un système qui lie son fonctionnement aux résultats de ces placements financiers, absurdité manifeste en cette période de crise. Comme l’a fait notre camarade Myriam Combet dans la mandature précédente, nos élus s’opposeront aux subventions à ce type de structure comme aux établissements privés.

3. QUESTIONS SUR LA POLITIQUE DE PROFESSIONALISATION DES ETUDES

Comment les régions peuvent-elles s’engager à garantir cette nécessaire articulation entre formation et professionnalisation, entre formation disciplinaire et formation professionnelle ?

Pour justifier les politiques d’adaptation de l’éducation aux besoins des patrons, les capitalistes prétendent que l’université n’est pas adaptée aux exigences du monde du travail et qu’elle est responsable du chômage. Pourtant, plus un jeune fait de longues études, plus il est qualifié, moins il a de chances d’être touché par le chômage. (17% de chômage pour les diplômés du supérieur, 22% avec un CAP ou un BEP, 42% pour les non-diplômés, source INSEE Enquête emploi 2003). L’objectif de la professionnalisation et des réformes de l’éducation n’est donc pas de diminuer le chômage.

Professionnalisation, déqualification, pièges à c... !

Dès 2002, la mise en place sous le Gouvernement de Gauche plurielle des Licences professionnelles et de la Réforme LMD a posé les premières pierres du vaste mouvement de déqualification des diplômes et de professionnalisation des études. Avec la LRU l’éducation à plusieurs vitesses devient la norme. Pour les élites, des pôles ultra compétitifs et concurrentiels. Pour les classes populaires, des collèges universitaires n’offrant que des Licences hyper-professionalisantes n’ayant aucune valeur à moyen terme sur le marché du travail.
Le gouvernement s’attaque aux protections collectives et individualise les diplômes pour laisser chaque futur salarié négocier en tête à tête avec son patron. La précarité n’est plus simplement le quotidien des étudiants, c’est alors aussi leur seule perspective d’avenir. Si on aurait pu se réjouir à première vue de la reconnaissance du niveau Bac + 5 de la formation des enseignants, la masterisation que tente d’imposer le gouvernement est en réalité une nouvelle attaque contre la valeur des diplômes, qui fera passer à moyen terme le niveau de qualification standard de Bac + 3 à Bac + 5. En effet, on imagine mal par exemple un avocat moins formé qu’un enseignant, et donc les concours du barreau rester à Bac + 4.

On se dirige vers une université coupée en deux, où une majorité des formations seront déconnectées de la recherche, où les formations ne seront pas dispensées par des enseignants chercheurs mais des intervenants issus du secteur privé. Seule une minorité des établissements d’enseignement supérieur dispensera des formations de qualité liées à des laboratoires de recherche et des écoles doctorales.

Nous faisons face à un projet qui vise à soumettre l’enseignement et la recherche aux critères de rentabilité. La réforme de l’allocation des moyens aux universités va jusqu’à modifier l’attribution des faibles ressources publiques qui subsistent pour que celle ci se fasse en fonction des résultats en matière d’insertion professionnelle. L’autre grand objectif est de précariser la main-d’œuvre à l’entrée dans le monde du travail, en formant des futurs travailleurs déqualifiés, c’est-à-dire moins chers.

Porter un projet alternatif

Face à la précarité et aux réformes libérales, nous devons opposer un projet global, solidaire et sans concession. L’objectif de l’enseignement à l’Université est double : d’un côté l’acquisition de connaissances générales, la maîtrise d’une discipline, la construction d’une vision globale du monde et d’un esprit critique ; de l’autre la préparation à l’insertion professionnelle, c’est-à-dire la formation à un emploi durable, en donnant aux étudiants de vraies qualifications reconnues dans les conventions collectives et des outils pour se défendre sur le marché du travail.

Pour que les diplômes aient une valeur reconnue partout dans la société, il faut remettre en œuvre un cadre national, et même européen, des diplômes. Il faut défendre une logique d’acquisition de connaissances plutôt que d’accumulation de compétences, qui constituent des savoir-faire parcellaires validés par l’entreprise mais liés uniquement à l’exercice d’un poste de travail. Sur le marché du travail, il faut également que l’ensemble des diplômes aboutisse à des grades reconnus au même niveau dans les conventions collectives. Non seulement un master de psychologie et de physique doivent être équivalents, mais les diplômes doivent être reconnus en fonction de leur niveau de qualification et non de la durée de la formation (écoles d’infirmières, conservatoires, etc.).

4. QUESTION SUR LA POLITIQUE DE GOUVERNEMENT DES UNIVERSITES

Lorsque des décisions importantes sont en jeu, les conseils régionaux acceptent-ils d’organiser en leur sein des délibérations où les enjeux sont posés, et de demander à leurs représentants de suivre l’avis de l’assemblée ?

Le NPA a condamné et s’est battu contre l’introduction de ce nouveau « mode de gouvernance » des universités qui découle de la loi LRU. L’ouverture à des personnalités extérieures, non issues des élections des membres de la « communauté universitaire » et nommées par le président, est un recul démocratique important.

C’est sans illusion que nous avons observé les choix effectués par les équipes socialistes (et leurs alliés) sortantes qui ont accompagné les réformes gouvernementales. Parfois, ils y ont mis du zèle en militant pour que les représentants extérieurs puissent avoir le plus de poids possible. Ils ont aussi pesé pour que les établissements entrent dans les PRES, superstructures opaques et mandarinales en termes de fonctionnement et de représentation et qui s’inscrivent dans la politique universitaire du gouvernement. Ils ont aussi fait dépendre leurs subventions du degré d’intégration des universités dans des projets de mise en concurrence des établissements et de soumissions aux impératifs du patronat, qui caractérisent la politique menée aux niveaux national et européen dans le sillage du processus de Bologne.

Les choix concernant l’université et la recherche doivent êtres contrôlés par les principaux intéressés (travailleurs du secteur et étudiants) et ce contrôle doit être élargi et plus transparent. Oui nous voulons l’autonomie, mais une autonomie exactement opposée à celle du gouvernement. Une autonomie vis-à-vis des intérêts des grands groupes dont les représentants, non élus, n’ont rien à faire dans les conseils, parce que nous refusons que le marché contrôle la production des connaissances et parce que nous savons qu’une partie non négligeable de la recherche doit être complètement libre pour aboutir. Mais nous voulons une université et une recherche ouverte vers la société, prenant en compte les besoins sociaux exprimés démocratiquement. Pour prendre un exemple, favoriser la recherche sur les énergies renouvelables plutôt que sur le nucléaire ou les OGM est une décision politique totalement légitime qui devrait être prise avec l’ensemble de la population.

5. QUESTION SUR LES MENACES PESANT SUR LE STATUT DES PERSONNELS UNIVERSITAIRES

Comment les régions, notamment par le biais de leurs représentants aux conseils d’administration, peuvent-elles veiller à la défense du statut de fonctionnaire d’Etat de la majorité des personnels universitaires ? Comment peuvent-elles lutter contre la précarisation des statuts dans l’enseignement supérieur et la recherche ?

La situation des personnels dans les universités et la recherche s’est fortement dégradée suite aux réformes gouvernementales, comme dans l’ensemble des services publics. Les attaques sur les statuts des personnels, l’embauche massive de travailleurs en contrats précaires, l’externalisation de services et à la mise en concurrences des salariés du secteur entre eux ont entraînées des résistances importantes des étudiants (2007) et des personnels (2009).

Clientélisme, mise en concurrence… et précarisation des personnels !

La Loi de Responsabilité des universités (LRU) a fortement accru les pouvoirs des Conseils d’Administration (CA) et surtout des présidents d’université sur les carrières. Le président possède ainsi un droit de veto sur les recrutements. Désormais, le CA des universités devenues « autonomes » décidera (sous la contrainte de ces revenus) de la gestion de ces personnels sortis de la fonction publique, ce qui annonce une précarisation massive. En ayant le pouvoir de recruter sur contrat précaire ou sur contrat stable il pourra par ailleurs distinguer ou sanctionner les personnels. Cette « autonomie » des universités se résume ainsi à l’autonomisation des présidents à l’égard de la « communauté universitaire », favorisant l’émergence de systèmes clientélistes et faisant d’eux de véritables chefs d’entreprises.

Les personnels administratifs et techniques (BIATOSS et ITA) subissent l’externalisation de nombreux services (entretien, surveillance, services informatiques…). L’introduction du management s’accompagne d’une concurrence entre services et entre agents pour la répartition des primes à travers les entretiens professionnels et l’instauration d’une rémunération « au mérite » sous la forme d’une prime fonction et résultat (PFR).

Enfin, les thésards et post-doctorants servent de variable d’ajustement dans les laboratoires. Trouver un financement pérenne et décent devient de plus en plus compliqué. Les perspectives d’embauches statutaires s’obscurcissent pour la grande majorité d’entre eux comme l’a montré la récente enquête sur la précarité dans notre secteur.

Lutter pour des embauches et la titularisation des contractuels

Cette situation est la conséquence de plus d’une décennie d’attaques contre l’enseignement supérieur et la recherche (ESR) publique menée par les gouvernements de droite et de gauche. Le NPA affirme qu’il s’oppose fermement à cette logique mortifère et se bat pour une université et une recherche émancipatrices et indépendantes des intérêts privés. La précarisation et la casse des statuts ne sont que la conséquence de la politique du gouvernement aux ordres du MEDEF.

Conclusion

On le voit, les différents thèmes abordés dans ce questionnaire sont étroitement liés et découlent des contre réformes imposées par les gouvernements successifs depuis le lancement du processus de Bologne en 1999.

Comment résister et imposer une autre vision de l’université et de la recherche ? Nous ne pensons pas que ce sont les élus du conseil régional (aussi bien intentionnés soient-ils) qui pourront mettre à mal les politiques du gouvernement. Les élus du NPA, ne seront qu’un relais des nécessaires mobilisations des personnels de l’ESR, précaires et statutaires, seuls à même d’imposer une amélioration de leur condition de travail.

Le mouvement de 2009 a montré que les personnels ne sont pas résignés et qu’ils sont capables de se doter de moyens de lutte à l’échelle nationale. Les contacts et habitudes militantes acquises l’an dernier seront des atouts dans les luttes à venir. Mais nous avons aussi appris que l’on ne peut gagner à partir de notre secteur seul, ni compter sur les directions syndicales pour étendre nos luttes. L’an dernier, les enseignants du primaire et du secondaire nous ont manqué dans le rapport de force face au gouvernement. Cette année, ils semblent reprendre nos mots d’ordre, contre la précarité et la masterisation par exemple. A notre tour de nous joindre à eux !

Les militants du NPA continueront à se battre, dans l’unité, afin d’imposer un programme d’urgence pour l’université et la recherche :
- Abrogation des contre-réformes : LRU et pacte pour la recherche,
- LMD, Contrat Doctoral Unique et Masterisation ;
- Dissolution des agences de mise en concurrence : ANR et AERES ;
- Sortie du processus de Bologne et de la stratégie de Lisbonne.

Statut des personnels :
- Un plan de titularisation massive de tous les précaires dans la fonction publique ;
- Pas de salaire en dessous de 1 500 euros net, augmentation de 300 euros pour tous ;
- Embauche dès le début de la thèse, avec un statut de fonctionnaire, sans cloisonnement des carrières (ingénieur, administratif, enseignent, chercheur...) ;
- Un financement pour tous les doctorants : augmentation du nombre de financements de thèses.

Statut des étudiants :
- Allocation d’autonomie au niveau du SMIC ;
- Construction massive de résidence pour un logement étudiant décent pour tous ;
- Maintien du cadre national des diplômes, reconnaissance de ces diplômes dans les conventions collectives ;
- Des papiers pour tous les étudiants : carte d’étudiant = carte de séjour ;
- Mise en place de crèches pour les personnels et les étudiants sur les universités.
Recherche
- Financement récurent des équipes permettant de mettre en place une recherche dans la durée ;
- Financement sur projet pour les nouvelles pistes ou thématiques, pour les nouvelles collaborations et les jeunes chercheurs ;
- Constitution d’un grand service public de l’enseignement supérieur et de la recherche.