Accueil > Revue de presse > Denis Guedj n’est plus parmi nous - Sylvestre Huet, Sciences2, Libéblogs, 28 (...)

Denis Guedj n’est plus parmi nous - Sylvestre Huet, Sciences2, Libéblogs, 28 avril 2010

mercredi 28 avril 2010, par Laurence

J’ai appris hier le décès de Denis Guedj. Libération publie ce matin l’article par lequel je lui rends hommage. Le voici.

Denis Guedj n’est plus. Depuis samedi 24 avril. Il aurait aimé dire ainsi les choses. Brièvement. Sans mélo. Et avec un nombre. C’est que Denis Guedj était homme de maths, d’écriture, de culture.

Au moment de lever le chapeau, d’aligner les mots d’adieu, de tenter de le faire revivre un court instant, les images se bousculent. Et d’abord la dernière. Celle du presque septuagénaire qui l’an dernier - lors d’un Printemps des universités qui lui a permis de revivre un peu son meilleur souvenir de vie, mai 68 - donnait des leçons d’engagement aux étudiants de Vincennes à Saint-Denis. Il fut parmi les créateurs de cette étrange « ronde infinie des obstinés » qui fit le siège, parfois jour et nuit, du ministère de Valérie Pécresse, ou prit racine sur la place de l’Hôtel de Ville de Paris. Malgré la santé qui ne suivait pas, on le sentait heureux de battre le pavé une fois encore, de partager ce moment de révolte, de refus de la résignation et de la soumission au pouvoir en place comme aux habitudes.

Denis Guedj, né en 1940 à Sétif (Algérie), universitaire, fut l’un des pionniers de l’aventure de 15-mars-2009_0639_3 Paris 8 Vincennes où il crée en 1969 le département de mathématiques. Ecrivain prolifique, il rencontre un succès mondial, traduit en vingt langues, avec Théorème du perroquet (Seuil, 1998) ou les Cheveux de Bérénice (Seuil, 2002). Romancier, auteur de théâtre, comédien - il n’hésite pas à former un duo avec une contorsionniste pour parler… des maths. Mais aussi scénariste, avec ce film de 1978, une fiction documentaire dont le titre, la Vie, t’en as qu’une, résume le fond de sa pensée, de son enseignement. Car Denis Guedj était d’abord un enseignant. Pour Pascal Binczack, l’actuel président de Paris 8, qui avait tissé avec lui des relations amicales, « il était un collègue très attachant, émouvant même, qui mettait vraiment de lui dans sa mission d’enseignant-chercheur, avec un investissement personnel, un contact très fort avec les étudiants, débordant largement ce qui est considéré comme nécessaire. Un investissement en tant qu’artiste, auteur, avec une franchise parfois telle qu’elle lui valait des inimitiés dans notre milieu. Finalement, le mot qui le décrit le mieux, c’est "générosité". » (photo ci dessus, en manifestation avec la ronde infinie des obstinés)

Denis Guedj a enseigné jusqu’à 69 ans, en septembre dernier. Il était alors, à sa demande, au département… cinéma de Paris 8, où il donnait des cours d’écriture de scénario. Mais que n’a t-il pas enseigné ? En feuilletant les intitulés de ses cours de l’année 1969, en souriant, Pascal Binczack tombe sur « Le fonctionnement de la science », « Ecologie et sciences », « Le pouvoir des sciences », mais aussi « Le capitalisme doit changer ou disparaître »… En bref, un homme « sans limites ».

Denis Guedj et l’aventure vincennoise sont indissociables. Militant de l’éducation populaire, de l’ouverture de l’université à tous les publics, il accueillait celles qu’il avait baptisées « les petites dames du bois de Vincennes », les mères de famille salariées qui fréquentaient les cours du soir. Resté « mai 68 », il ne voulut jamais dépasser cet engagement personnel pour participer à une quelconque équipe de direction ou de gestion de l’université. Mais finalement, personne ne lui en faisait reproche. Il se voulait éternel subversif, il restera anti-autoritaire jusqu’au bout, jamais rangé des voitures.

Pourlire la suite