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Projet de loi sur la conservation et la communication des Archives et communiqué de l’Association des Archivistes

mardi 8 avril 2008, par Laurence

Le texte du nouveau projet de loi sur la conservation et la communication des Archives a été adopté par le Sénat. Des auditions ont été faites par la commission des lois de l’Assemblée nationale et le texte doit être voté dans la deuxième quinzaine d’avril selon le calendrier parlementaire, peut-être le 17.

Pour lire ce texte


Commentaire rapide (de Gilles Morin)

Les nouvelles dispositions prévues par ce texte sont extrêmement graves : elles traduisent une défiance inquiétante de la part des pouvoirs publics envers la communauté des chercheurs certes, mais de façon plus globale, envers la communauté des citoyens. Elles sont en contradiction flagrante avec les recommandations du Conseil de l’Europe adoptées le 21 février 2002 par le comité des ministres. Quatre points à relever :

- La création d’une nouvelle catégorie d’archives : les archives incommunicables. Elles pourront ne jamais être communiqués au nom de la « sécurité nationale » (armes biologiques) et de la « sécurité des personnes ». Contradiction : il est dit
Art. L213-1 : "Les archives publiques sont [...] communicables de plein droit" et L 231-2 : « il existe des archives qui "ne peuvent être consultées" ».

- Un nouveau délai, fixé à soixante-quinze ans, est créé, fondé sur une extension de la notion de protection de la vie privée, visant la plupart des archives publiques (Art. L. 213-2-4). Pratiquement tous les dossiers d’archives publiques, tels les rapports de préfets, contiennent des jugements de valeur. Qui décidera - et sur quels critères - ce qui doit alors être ouvert ? Fixer la barre à 75 ans, conduirait de plus à refermer de nombreux dossiers ouverts depuis 15 ans. Verra-t-on se de refermer pour quelques années les études sur le Front populaire, la 2e Guerre mondiale et Vichy, ou celles sur la guerre froide qui commençaient à s’ouvrir librement ?

- Une notion de « secret des statistiques » est introduite de façon répétitive (14 occurrences au mot secret). L’article 25 - nouveau - dit dans un I que les documents administratifs (immédiatement consultables en vertu de la loi de 1978 sur la transparence administrative) ne sont communicables qu’aux intéressés quand ils portent atteinte au secret de la vie privée ou comportent des jugements sur les personnes. C’est le cas des dossiers d’instituteurs par exemple. Dans un II, il ajoute que les documents visés aux I sont consultables dans les conditions fixées par le 213-2 : c’est-à-dire 75 ans. Et comme ce II de l’article 25 nouveau ne mentionne pas le 213-3, qui est l’article autorisant des dérogations, le couvercle est vissé. Nul chercheur ou citoyen ne verra les dossiers de cour de justice ou les dossiers personnels avant 75 ans : aucune dérogation n’est possible.

L’art. 213-I 4° aurait pour conséquence d’interdire toute recherche sérielle postérieure à 1923 ; l’art. 213-2 4° rend très difficile la consultation des listes nominatives.

- Enfin, le système des protocoles, déjà en vigueur pour les Chefs d’État et dont on a constaté les dérives dans certains cas est étendu à tous les papiers des ministres (Art. L. 213-4). Il permettra à ceux-ci de traiter les archives publiques produites par eux et par leurs collaborateurs, comme des archives privées jusqu’à leur décès.