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La formation des enseignants devant le Conseil d’Etat - L. Fessard, Mediapart, 3 juin 2010

jeudi 3 juin 2010, par Mathieu

Pour lire l’article sur le site de Mediapart.

Changement de méthode. Faute, après deux ans de contestation, de réussir à se faire entendre du gouvernement sur la réforme de la formation des enseignants, la FCPE, principale fédération de parents d’élèves, le syndicat enseignant Sud Education et le collectif Sauvons l’Université (SLU) portent leur combat devant la justice. Ils ont déposé mercredi 2 juin six requêtes en annulation devant le Conseil d’Etat, assorties de demandes de référé-suspension. Dans le collimateur : une circulaire du 25 février 2010 organisant l’année de stage des enseignants débutants et les arrêtés du 5 mai 2010 concernant les nouveaux concours de recrutement, « publiés en rafale dans la semaine précédant l’ouverture des inscriptions aux concours » et qui « soulèvent des interrogations majeures quant à leur légalité » d’après un communiqué commun.

Les requêtes portent autant sur le fond d’une réforme qui place « en responsabilité quasiment à temps plein devant les élèves des fonctionnaires-stagiaires non formés à la pédagogie », que sur les nombreux couacs techniques d’une mastérisation bricolée comme une « chambre à air constituée uniquement de rustines », selon l’analogie d’un universitaire. Exemple de pataquès : les épreuves d’admissibilité, d’habitude organisées au second semestre, ont été avancées à l’automne, créant un vrai casse-tête pour les universités. Car les étudiants sont maintenant censés justifier de l’obtention du master 1 lorsqu’ils s’inscrivent aux concours entre le 1er juin et le 13 juillet, alors que l’année universitaire n’est pas finie et que les résultats du master 1 ne sont pas encore connus. En revanche, le calendrier est parfait pour les préparations privées qui pourront organiser des stages payants l’été.

La FCPE, Sud Education et SLU relèvent plusieurs « violations de principe » dans le nouveau recrutement des enseignants. Ainsi, d’après les décrets de juillet 2009, il faudra désormais avoir réussi le concours mais également justifier d’un master 2 pour devenir enseignant. Mais que se passera-t-il pour ceux qui réussiront le concours mais ne décrocheront pas leur master 2, même après une deuxième tentative lors de leur année de stage ? « Ils ne seront pas titularisés et il y aura des manques béants de postes non pourvus, estime Etienne Boisserie, président de SLU, qui voit là une « violation du principe de continuité du service public ».

Une formation « éclatée »

Plus préoccupant, la circulaire qui délègue aux recteurs l’organisation de l’année de stage des lauréats des concours promeut « une formation totalement éclatée » en contradiction avec « le principe d’égale accessibilité à la fonction publique », selon Etienne Boisserie. Déjà rétrécie à un tiers du temps des enseignants stagiaires (contre deux tiers auparavant), la formation va de plus varier d’une académie à l’autre. L’académie de Créteil par exemple prévoit seulement cinq jours de formation regroupant les enseignants débutants pendant le premier semestre, quand l’académie de Paris propose, elle, deux formations groupées d’un semaine chacune.

De plus, rien ne permet d’assurer que les enseignants-stagiaires seront remplacés lorsqu’ils partiront en formation. « Les modalités du remplacement de ces personnels lors de leur absence en classe devront, dans toute la mesure du possible, être anticipées », indique sobrement la circulaire. Avec des formulations du type « dans la mesure des possibles » et « autant que faire se peut » qui, au vu des suppressions de postes annoncées, n’augurent rien de bon. Bref, « c’est démerdez-vous : certaines classes risquent d’être privées de prof car la circulaire organise, ou du moins n’empêche pas, la rupture de continuité du service public », dit Etienne Boisserie. Autre hic, certains articles du code de l’éducation (L625-1 et L721-1) indiquent clairement que la formation des profs relève des IUFM. En complète contradiction avec la circulaire de février 2010 qui dessaisit les IUFM, intégrés dans les universités, au profit des recteurs. Mais modifier la loi aurait été autrement plus risqué qu’une simple circulaire. « Le gouvernement ne pouvait pas se permettre de provoquer un débat au Parlement », juge le président de SLU.

La FCPE, Sud Education et SLU espèrent donc faire sauter la première session du concours nouvelle mouture, prévue à l’automne 2010, pour retomber sur le calendrier classique, avec des concours au second semestre, laissant ainsi plus de temps pour une préparation. « Si les textes visés étaient annulés, ce ne serait pas un saut dans le vide, juste le retour au cadre existant », précise Etienne Boisserie.