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Rapport final du CDHSS remis à Valérie Pécresse le 13 octobre 2010

jeudi 14 octobre 2010, par Elie

Le Conseil pour le développement des humanités et des sciences sociales
(CDHSS) a remis son rapport final Pour des sciences humaines et
sociales au coeur du système d’enseignement supérieur et de recherche
à Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la
Recherche. Vous trouverez ci-dessous le communiqué de presse du CDHSS, le discours prononcé par Valérie Pécresse ainsi que le rapport à télécharger en bas de page. Notez que les activités du CDHSS vont se poursuivre ainsi que l’indique la ministre dans son discours.

Pour lire ces textes et le rapport sur le site du MESR.

Communiqué de presse Le Conseil pour le développement des humanités et des sciences sociales remet son rapport à Valérie Pécresse

Paris, le 13 octobre 2010

Le Conseil pour le développement des humanités et des sciences sociales (CDHSS) a remis
son rapport final « Pour des sciences humaines et sociales au coeur du système
d’enseignement supérieur et de recherche
 » à Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement
supérieur et de la Recherche. Le rapport souligne la vocation des universités autonomes à
développer les missions d’enseignement supérieur et de recherche qui sont les leurs, à les
porter au plus haut niveau dans la compétition internationale et à renforcer leurs synergies
avec les organismes de recherche.

Neuf nouveaux membres ont rejoint le comité : Marina Mestre Zaragoza, Maître de
conférences à l’Ecole normale supérieure de Lyon, en tant que rapporteur des travaux du
Conseil ; Richard Cooper, Professeur à l’Université d’Oxford ; Olivier Houde, Professeur à
l’université de Paris-V ; Tristan Lecoq, Inspecteur général de l’éducation nationale ; Françoise
Mélonio, Professeur à l’Université Paris-Sorbonne/Paris IV, doyenne du Collège universitaire
de Sciences-Po ; Stephan Martens, Professeur à l’Université Michel-de-Montaigne
(Bordeaux 3) ; Pierre Moeglin, Professeur à l’Université de Paris XIII ; Jose Antonio Pascual,
Vice-directeur de l’Académie royale de la langue espagnole ; Helène Ruiz-Fabri, Professeur à
l’Université de Paris 1 – Sorbonne, en qualité de membres du collège scientifique.

La Ministre a confié au CDHSS la mission d’étudier la question de l’enseignement des
humanités et des sciences sociales en premier cycle universitaire et de dégager les grands
enjeux scientifiques dans ce domaine en accordant une attention particulière à la question des
interfaces entre les disciplines et entre les grands champs de la connaissance. Elle lui demande
d’étudier la place et le rôle des centres français à l’étranger afin de stimuler les coopérations
existantes et de contribuer plus directement encore à la diffusion et au rayonnement des
humanités et des sciences sociales. Enfin, le CDHSS est chargé d’explorer les enjeux de
formation pour que la filière des humanités et des sciences sociales conduise de l’entrée dans
l’enseignement supérieur au doctorat en garantissant, à chaque étape, l’insertion
professionnelle des étudiants.

Depuis son installation il y a près d’un an, le Conseil pour le développement des humanités et
des sciences sociales (CDHSS) a permis d’éclairer la réflexion de l’ensemble de la
communauté universitaire et scientifique sur les enjeux qui traversent aujourd’hui les sciences
de l’homme et de la société. Il a également joué un rôle décisif dans la naissance d’ATHENA,
l’alliance des sciences humaines et sociales, qui permettra de coordonner notre effort de
recherche. Le Conseil est présidé par Marie-Claude Morel, directrice d’études à l’Ecole des
Hautes Etudes en Sciences Sociales, et composé de 27 membres.

CONSEIL POUR LE DEVELOPPEMENT
DES HUMANITES ET DES SCIENCES SOCIALES - ANNEE 2010-2011 –

PRESIDENTE :
- Marie Claude MAUREL - Directrice d’études à l’EHESS

RAPPORTEUR DES TRAVAUX DU CONSEIL
- Marina MESTRE ZARAGOZA – Maître de conférences à l’Ecole normale supérieure de Lyon.

MEMBRES DU COLLEGE SCIENTIFIQUE
- Madeleine AKRICH - Directrice du Centre de Sociologie de l’innovation (CSI) de l’Ecole des
Mines ParisTech
- Jean-Paul CAVERNI – Président de l’Université de Provence/ Aix-Marseille I
- Richard COOPER – Professeur à l’Université d’Oxford
- François DUBET – Professeur à l’Université Bordeaux II-Victor Segalen et Directeur d’Etudes
à l’EHESS (Centre d’Analyse et d’Intervention Sociologiques – CADIS)
- Jon ELSTER – Professeur au Collège de France
- Claude GAUVARD – Professeur à l’Université Panthéon-Sorbonne/Paris I
- Michel GRIMALDI – Professeur à l’Université Panthéon-Assas/Paris II
- Gérard GRUNBERG – Directeur de recherche CNRS/ Sciences Po (Centre d’Etudes
Européennes)
- Anne-Marie GUIMIER-SORBETS – Professeur à l’Université Paris Ouest – Directrice de l’UMR
7041 « Archéologies et sciences de l’Antiquité » (ArScAn) au sein de la Maison René
Ginouvès.
- Olivier HOUDE – Professeur à l’université de Paris-V
- Pierre JACOB – Directeur de recherches au CNRS.
- Gilles LAURENT – Professeur, Département Marketing, HEC Paris
- Tristan LECOQ – Inspecteur général de l’éducation nationale
- Christiane MARCHELLO-NIZIA – Professeur émérite à l’Ecole Normale Supérieure de Lyon
- Stephan MARTENS – Professeur à l’Université Michel-de-Montaigne (Bordeaux 3)
- Françoise MELONIO – Professeur à l’Université Paris-Sorbonne/Paris IV, doyenne du Collège
universitaire de Sciences-Po
- Pierre MOEGLIN – Professeur à l’Université de Paris XIII
- Horst MÖLLER – Professeur à l’Université de Munich et Directeur de l’Institut für
Zeitgeschichte
- Jose Antonio PASCUAL – Vice-directeur de l’Académie royale de la langue espagnole
- Jean-Robert PITTE – Délégué à l’information et à l’orientation
- Alain RENAUT – Professeur à l’Université Paris-Sorbonne/Paris IV
- Helène RUIZ-FABRI – Professeur à l’Université de Paris 1 – Sorbonne
- Jean-Frédéric SCHAUB – Directeur d’études à l’EHESS
- Aldo SCHIAVONE – Professeur – Directeur de l’Institut Italien de Sciences Humaines
- Alain TRANNOY – Directeur d’études à l’EHESS (GREQAM, Groupement de Recherches en
Economie Quantitative d’Aix-Marseille, Université de la Méditerranée)

MEMBRES DU COLLEGE DES PERSONNALITES QUALIFIEES
- Jean-Louis ETIENNE – Médecin et explorateur
- Marianne LAIGNEAU – Secrétaire générale d’Electricité de France
- Daniel RENOULT – Doyen honoraire de l’Inspection générale des bibliothèques
- Serge VILLEPELET – Président de PricewaterhouseCoopers France

Discours de Valérie Pécresse Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche

Remise du rapport 2009-2010
du Conseil pour le développement des humanités et des sciences sociales

Permettez-moi avant toute chose de vous remercier : vous nous livrez aujourd’hui le fruit
d’une réflexion qui, à n’en pas douter, fera date. La richesse des travaux du Conseil est
remarquable et vous venez, Madame la Présidente, de nous en donner un aperçu des plus
éloquents. Le CDHSS a pris à bras le corps ce sujet essentiel qu’est l’avenir des humanités et
des sciences sociales, en ne négligeant aucune de ses dimensions.

Et vous l’avez constaté : une année ne suffisait pas pour épuiser toutes les questions que vous
aviez à affronter. La réflexion devait se poursuivre. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité
que le Conseil puisse prolonger ses travaux : nombreux sont les membres qui ont accepté, tout
comme vous, Madame la Présidente, de nous nourrir de leurs réflexions pour une année
supplémentaire.

Je les en remercie très chaleureusement, tout comme je remercie les membres du Conseil qui
arrivent aujourd’hui au terme de leur mandat : je sais le temps et l’investissement que la
participation à une telle instance exige. Je vous suis extrêmement reconnaissante d’avoir, tout
au long de l’année passée, accepté de vous consacrer aux travaux du CDHSS.

Mais j’ai également le plaisir d’accueillir aujourd’hui de nouveaux membres : je suis très
heureuse de leur souhaiter à tous la bienvenue. A vous tous, très sincèrement, merci !

Vous le savez, Edouard Husson, qui avait la lourde tâche de rapporter les travaux du Conseil,
a été appelé à d’autres fonctions, lourdes elles aussi. Edouard, encore une fois, un grand
merci. C’est donc Marina Mestre Zaragoza qui exercera désormais cette fonction aussi
délicate que passionnante et je suis très heureuse de vous la présenter aujourd’hui. Ou du
moins, de la présenter à ceux d’entre vous qui ne connaîtraient pas celle qui était, jusqu’il y a
peu encore, la jeune et brillante directrice des études de l’ENS de Lyon.

Il vous reviendra désormais, chère Marina, de porter sur les fonts baptismaux si ce n’est une
somme de la même ampleur que ce rapport annuel, du moins nombre de rapports et d’avis
particuliers qui feront vivre l’esprit des réflexions du Conseil.

Alliance et rencontre entre champs disciplinaires

Car à chacune des pages de votre rapport transparaît une conviction : les humanités et les
sciences sociales doivent être au coeur de notre système d’enseignement supérieur et de
recherche. Et il ne s’agit pas d’une simple clause de style : notre avenir scientifique, y
compris dans les sciences que l’on dit « dures », passe par les sciences humaines et sociales.

Parce qu’il n’y a pas de science sans culture, bien sûr, et cette évidence mérite d’être
constamment rappelée. Mais aussi parce que bien des travaux prometteurs se jouent
aujourd’hui des frontières des grands champs disciplinaires et cela doit nous conduire à
remettre en question les séparations les mieux établies. Et je crois que le Conseil pourrait
réfléchir plus avant à cette question.

Il ne s’agit pas de nier la singularité des sciences humaines et sociales ou de diluer leur
identité : il s’agit simplement de reconnaître qu’aujourd’hui, sociologues et physiciens,
anthropologues, géographes et biologistes, philosophes, psychologues et informaticiens
travaillent d’ores et déjà ensemble, avec, à la clef, des travaux particulièrement novateurs. Et
d’en tirer toutes les conséquences. Nombreux sont ceux qui, parmi vous, pourraient en
témoigner et je pense notamment à vos travaux, cher Olivier Houdé.

Il y a là un mouvement de fond, auquel il nous faut apporter des réponses et c’est l’un des
enjeux de la création de l’alliance des sciences humaines et sociales, ATHENA, une création
dans laquelle vous avez joué un rôle décisif. Car ATHENA doit faire plus que coordonner
notre effort de recherche et faciliter le décloisonnement disciplinaire : elle doit aussi engager
et structurer le dialogue avec les autres alliances et les autres champs du savoir, pour qu’une
collaboration féconde et systématique puisse s’instaurer.

Et j’ajouterai, car c’est à mes yeux essentiel, que les humanités et les sciences sociales ne sont
pas seulement indispensables à notre système d’enseignement supérieur et de recherche. Elles
sont indispensables à notre société, qui ne peut pas se priver du recul critique, je dirais même
de l’épaisseur, qu’apportent les sciences humaines et sociales.

Vous le soulignez parfaitement en conclusion de votre rapport : jamais l’homme n’a eu autant
besoin de réfléchir sur l’homme. Jamais nous n’avons eu autant de pouvoir. Jamais nous
n’avons eu autant de responsabilité. Notre devoir, c’est d’y faire face. Et c’est pour cette
raison, d’abord et avant tout, que nous devons replacer les humanités et les sciences sociales
au coeur de notre enseignement supérieur et de notre recherche, au coeur de notre société.

Professionnalisation

Cette conviction, nous la partageons. Et la question qui se pose dès lors à nous, Mesdames et
Messieurs, c’est celle des moyens qui sont en notre pouvoir pour redonner aux humanités et
aux sciences sociales leur juste place.

La première de ces clefs, c’est la réussite des étudiants. On ne peut plus laisser perdurer cette
idée qu’étudier les sciences humaines et sociales, c’est se condamner à l’échec ou au
déclassement social. Cette image est largement fausse. L’enquête d’insertion professionnelle
au niveau Master, dont nous recueillons les premiers résultats, confirment vos travaux, même s’ils soulignent l’effort que nous devons poursuivre pour promouvoir les qualités propres aux
diplômés de vos disciplines.

Et vos travaux, je tenais à le souligner, auront été marqués par une rencontre, une rencontre à
laquelle je tenais beaucoup : je voulais que de grands chefs d’entreprise puissent dire à de
grands scientifiques qu’ils étaient non seulement prêts, mais désireux d’ouvrir largement leurs
portes aux étudiants formés par les sciences humaines et sociales.

A mes yeux, c’était la condition même d’une réflexion apaisée et ouverte sur la
professionnalisation. Trop longtemps, on a dit ou on a cru qu’on ne pouvait pas aiguiser son
regard critique tout au long de sa scolarité et rejoindre ensuite une entreprise sans, au passage,
perdre son âme. C’est absurde. Nos entrepreneurs ont besoin d’audace, ils ont besoin de
pouvoir compter sur de jeunes esprits imaginatifs et engagés, qui n’ont pas peur de penser
différemment.

Ce qui ne signifie pas qu’en retour, ces entrepreneurs n’ont pas aussi besoin d’accueillir des
jeunes qui soient préparés à rejoindre le secteur privé. Nos formations doivent également
évoluer pour affirmer leur vocation professionnelle, que cette profession soit celle
d’enseignant-chercheur ou une autre.

Ce chantier, vous l’avez ouvert et il se prolongera, cher Serge Villepelet, avec le comité de
labellisation Phénix. Il ne doit pas nous faire oublier qu’en amont, l’image dont souffrent
parfois les humanités et les sciences sociales est d’abord celle d’une filière qui peine à
conduire ses étudiants à la réussite.

Référentiels Licence et culture commune

Cette question, nous avons également le devoir de l’affronter. Vous l’avez fait, en mettant en
évidence tout l’intérêt d’une spécialisation progressive et en envisageant la création de
référentiels de Licence. Cette proposition, je crois que nous devons l’explorer plus avant et je
souhaite que le Conseil, pour l’année à venir, l’approfondisse encore, en lien avec les comités
de suivi Licence et Master.

Car à mes yeux, cette spécialisation progressive offre un double intérêt : elle permet d’abord
aux étudiants de mûrir leur orientation. On peut avoir eu un coup de coeur pour une discipline
au lycée et ne plus éprouver la même passion à l’université. Mais il y a plus : vous l’avez
souligné et nous en sommes tous conscients, pour réussir dans une discipline donnée, nos
étudiants ont besoin d’une culture plus vaste.

Je pense à la maîtrise des langues, et notamment des langues anciennes, mais aussi à ce socle
de connaissances en sciences humaines et sociales que mobilisent en permanence nos
chercheurs et qui, souvent, donne naissance aux concepts les plus féconds : après tout,
Bourdieu n’a-t-il pas dégagé le concept d’habitus en traduisant les écrits d’Erwin Panofsky
sur l’architecture gothique et la pensée scolastique ?
La question de cette culture fondamentale, les différents champs disciplinaires doivent se la
poser, parce qu’elle est, pour une part, la clef de leur avenir.

L’interdisciplinarité n’est pas une
injonction que l’on rencontre le jour où l’on candidate à un appel à projet : vous le savez
mieux que quiconque, c’est au contraire une pratique permanente, une sorte de fonds commun
qui irrigue l’ensemble d’une pensée.

Filière SHS, agrégation et lien avec l’enseignement secondaire

Et ce sujet renvoie, plus profondément encore, à la constitution d’une véritable filière des
sciences humaines et sociales, cohérente et ouverte, qui offre un parcours clair et bien scandé
aux étudiants, avec, à chaque grande articulation, de vraies possibilités d’insertion. Ce qui
suppose de trouver, étape après étape, un bon équilibre entre la professionnalisation et la
formation fondamentale, entre la spécialisation disciplinaire et cette culture que, faute de
mieux, l’on dit, générale.

Ce qui pose, dans nombre de disciplines, la question du rôle central joué par l’agrégation dans
l’acquisition de la culture d’ensemble dans une ou plusieurs disciplines. Je pense bien sûr,
chère Hélène Ruiz-Fabri, à l’agrégation du secondaire, les habitudes et les rythmes des
carrières étant sensiblement différents en droit comme en économie ou en gestion – et cette
diversité même des modèles nous invite à la réflexion.

Certains s’interrogent aujourd’hui l’avenir de l’agrégation : ce sujet, je souhaite que vous
vous en saisissiez dans toutes ses dimensions. Car derrière le concours, la question qui se pose
est aussi celle du lien entre enseignement secondaire et enseignement supérieur.

Un équilibre ancien existait, à une époque où le succès à l’agrégation venait, en quelque sorte,
garantir au futur enseignant-chercheur la situation stable dont il avait besoin pour s’engager
dans ce long voyage qu’était la rédaction d’une thèse d’Etat. Les temps ont changé et les
rythmes des carrières avec eux : la thèse n’est plus l’oeuvre d’une vie, mais un
commencement.

Mais l’agrégation n’a rien perdu de son importance pour la constitution de cette culture
commune. J’irai plus loin encore : elle contribue à maintenir le lien entre enseignement
secondaire et enseignement supérieur, un lien qui n’est pas un pur symbole : s’il venait à se
défaire, un fossé se creuserait entre le lycée et l’université, un fossé qu’un jour ou l’autre, les
universités ne parviendraient plus à combler. Et c’est pourquoi je suis heureuse, cher Tristan
Lecoq, que le Conseil compte désormais en son sein un membre de l’Inspection générale de
l’éducation nationale.

La question est donc, à mes yeux, d’imaginer de nouvelles manières de faire vivre ce lien sans
qu’il se traduise, pour les jeunes agrégés, mais aussi pour les jeunes certifiés, par le sentiment
qu’en rejoignant l’enseignement secondaire, ils renoncent à la vocation d’enseignantchercheur
qui est si souvent la leur.

Edition, diffusion et internationalisation des sciences humaines et sociales

Et si nous devons affronter cette question, c’est qu’au-delà du bon fonctionnement des
universités s’y joue aussi une part du rayonnement des sciences humaines et sociales. Parce
que c’est au lycée qu’on affirme son goût pour ces disciplines, un goût qui pourra se
prolonger par des études supérieures, mais aussi s’exprimer plus simplement par un intérêt
tout personnel pour les sciences humaines et sociales. Car les esprits curieux qui seront aussi
vos futurs lecteurs ou vos futurs auditeurs se forment non seulement à l’université, mais
également au lycée.

Nous devons éveiller très tôt leur intérêt, mais nous devons aussi leur garantir qu’ils
trouveront en librairie les ouvrages qui leur permettront d’apaiser leur soif de culture. Or nous
le savons, l’édition en matière de sciences humaines et sociales se porte mal. Elle est à présent
confrontée à une concurrence à la fois redoutable et stimulante, celle d’Internet.

Je vous le dis très franchement, je ne crois pas, pour paraphraser Hugo, que ceci tuera cela
Internet ne tuera pas le livre. Mais l’apparition des ressources électroniques nous oblige à la
fois à repenser les grands équilibres de l’édition scientifique et à rendre accessibles en ligne
les contenus, parfois sous de nouvelles formes, parfois gratuitement. L’ampleur de ces
bouleversements, vous le savez mieux que quiconque, cher Pierre Moeglin, il nous reste
encore à la mesurer et à en tirer toutes les conséquences.

Là encore, vous avez ouvert des pistes : je souhaiterais que vous puissiez aller plus loin, ce
qui vous conduira sans doute à traiter d’une autre difficulté, celle de la traduction. Les
scientifiques étrangers qui nous font l’honneur de devenir ou de rester membres de ce Conseil
le savent parfaitement : d’un pays à l’autre, les politiques de traduction sont très différentes.

Une chose est certaine : si nous voulons assurer le rayonnement de nos sciences humaines et
sociales, nous devons les rendre accessibles au public étranger. Dans certaines disciplines,
cela passe par la rédaction directe en langue étrangère et l’habitude est déjà prise ; dans
d’autres, c’est quasiment impossible ou beaucoup trop lourd. Une chose est néanmoins
certaine : cette traduction, elle doit pouvoir être assurée et je souhaite que le Conseil se
penche sur la manière dont nous pourrions y parvenir.

C’est un enjeu essentiel pour faire face au défi de l’internationalisation. Sans doute existe-t-il
des domaines où le prestige des sciences humaines et sociales françaises assure une lecture et
parfois même une traduction rapide par des universitaires étrangers. Mais il en est d’autres où
nos traditions intellectuelles perdent de leur influence, faute de diffusion dans les pays non
francophones. Et ce sujet, j’en suis certain, ne manquera pas de retenir toute votre attention.

Ce défi de l’internationalisation, nous avons pourtant tout pour le relever : la pensée française
existe, elle doit continuer à se faire entendre. Cela passe notamment par la mobilisation des
centres français à l’étranger, qui sont un outil de partenariat essentiel avec les universités du
monde. Là encore, le Conseil a ouvert des pistes : je serai heureuse qu’il aille plus avant
encore dans la réflexion sur une idée qui, je le sais, Madame la Présidente, vous est
particulièrement chère.

Il pourra, pour ce faire, compter sur la présence en son sein de grands scientifiques non
seulement français, mais aussi étrangers : à Aldo Schiavone et Horst Möller devenus des
piliers du CDHSS, viennent en effet s’ajouter Jose Antonio Pascual et Richard Cooper qui a
bravé les grèves pour être parmi nous aujourd’hui.

*

Vous le voyez, Mesdames et Messieurs, la première année d’activité du Conseil a été riche.
La seconde s’annonce plus riche encore et je tenais à vous le dire : je souhaite le CDHSS se
sente parfaitement libre dans l’organisation de ses travaux, en n’hésitant pas à se saisir de
sujets essentiels qui émergeraient au fil du temps ou de ses travaux. Et pour ma part, je
n’hésiterai pas, bien au contraire, à vous saisir de telle ou telle question précise pour
bénéficier votre éclairage et de votre réflexion.