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Conseil scientifique du CNRS du 15 novembre 2010 : Compte-rendu rapide par les élus du CS du CNRS (17/11/2010)

mercredi 17 novembre 2010

Pour lire ce compte-rendu sur le site du SNCS.

Le nouveau Conseil Scientifique (CS) du CNRS (les élections ayant eu lieu mi-2010) s’est réuni le 15 novembre 2010. Ce CS donnera lieu à un compte-rendu exhaustif qui sera accessible dans quelques semaines ou mois. Dans un souci de transparence et d’efficacité, les élus à ce conseil ont décidé de faire circuler très rapidement un compte-rendu non exhaustif, portant sur les points qu’ils jugent les plus importants de ses travaux.

Le CS a élu :

- son président : Bruno Chaudret, directeur d’un laboratoire de chimie à Toulouse, élu SNCS ;

- son bureau : Jean-Marc Douillard (secrétaire scientifique), Sylvette Denefle, Yvon Le Maho, Giuseppe Baldacci, Alain Trautmann, et pour les ITA, en alternance, François Bonnarel et Philippe Jauffret. Laurence Eymard sera invitée permanente du bureau.

Après en avoir discuté, institut par institut, le CS a avalisé l’essentiel des propositions de nominations présentées par les directions scientifiques des différents instituts, de personnalités dans les 10 Conseils Scientifiques d’Instituts (CSI).

Positionnement du CNRS, Labex et UMR

De l’introduction faite par Joël Bertrand, directeur général délégué à la science, on retiendra les déclarations suivantes.

Le CNRS se veut un opérateur de recherches, il se refuse d’être une agence de moyens. C’est un partenaire important des universités, et des entreprises. Nous sommes engagés dans l’entreprise formidable (au sens étymologique) des investissements d’avenir. Le CNRS soutiendra des demandes de Labex à 4 conditions :

1) haute qualité scientifique 2) que cela corresponde à la ligne scientifique du CNRS 3) que cela fonctionne en mode projet, s’inscrivant dans la politique territoriale de site 4) en aucun cas, les « *.ex » ne doivent être des structures, qui déstructurent nos UMR (unités mixtes de recherche). Nous sommes extrêmement arc-boutés sur ce modèle. Il n’y a pas de réforme importante du CNRS en perspective. Il y a 10 instituts mais un seul CNRS.

Commentaire : Ces déclarations se veulent très rassurantes. Mais 1) la première phrase est en contradiction avec la ligne donnée par le Président de la République ; et un opérateur de recherche avec un budget en constante diminution (voir plus loin) n’a guère de moyens pour avoir une politique. 2) Le terme utilisé pour qualifier les Labex, formidable, étymologiquement signifie terrifiant... 3) Une défense énergique des UMR est annoncée. Nous en acceptons l’augure, en attendant les actes correspondants. 4) On sent la nécessité de « resserrer les boulons » afin d’éviter que chaque Institut fonctionne en concurrence avec les autres. Ce danger était parfaitement prévisible dès la création des Instituts, qui n’est pas du fait de cette direction.

Le président du CNRS, Alain Fuchs, a également souligné l’importance qu’ont à ses yeux les UMR, « briques de base de la recherche française ». De la même manière, il voit le CNRS comme un opérateur de recherche, et refuse de le considérer comme une agence de moyens. Dans l’accord récemment signé avec la Conférence des présidents d’université (CPU), ce qui est central pour lui, c’est que les UMR sont co-pilotées.

Sur les Labex, il redit qu’ils ne doivent pas être des structures, mais fonctionner en mode projet. Par la suite, si on aboutit à quelques grandes universités de recherche, il faudra mettre à profit la continuité disciplinaire dont seul dispose le CNRS, au profit de l’interdisciplinarité, une notion qu’il estime très importante et demande à creuser avec le CS.

Alain Fuchs a été interrogé par Arnaud le Ny, membre du CS de Paris-Sud, sur les difficultés rencontrées par cette université dans la mise en place de la Fondation de Coopération Scientifique (FCS), structure de pilotage du futur campus du plateau de Saclay. Grandes écoles et entreprises souhaitent que Paris Sud et le CNRS aient une place limitée dans cette FCS. Le conseil d’administration (CA) de Paris Sud a récemment refusé de signer le document proposé, et mandaté son président pour défendre la place faite à l’ensemble Paris-Sud/CNRS dans la FCS. Si un poids plus important ne lui était pas donné, Paris-Sud pourrait refuser de participer ce campus. Arnaud le Ny a demandé à Alain Fuchs sa position sur cette question. Le président a déclaré qu’il était contre la politique de la chaise vide. Il travaille étroitement avec la présidence universitaire en cette période de crise d’un projet hybride, à 2 Pôles de Recherche et d’Enseignement Supérieur (PRES), d’une complexité telle qu’il faut éviter d’aller trop vite. Dans cette FCS, le CNRS est pour des partenariats équilibrés, et ne se contentera pas de déléguer ses ressources, sans partenariat réel. La position commune CNRS/Paris-Sud est que les nouveaux statuts ne doivent pas être proposés en l’état. Il faut les revoir pour éviter le risque de votes négatifs sur cette question.

En fin de séance, le CS a adopté (10 oui, 4 abstentions) une motion sur la question des Labex (voir en annexe).

Parmi les autres points soulevés par Alain Fuchs, notons qu’il compte solliciter le CS pour discuter des TGIR (très grande infrastructure de recherche), question grave car elle engage le CNRS pour des sommes importantes et le long terme. Il posera aussi la question du préciput [1] (overheads) à demander à l’ANR, sommes qui pourraient contribuer à réduire l’érosion du soutien de base.

Budget et postes

Xavier Inglebert (directeur général délégué aux ressources) a donné les chiffres du budget pour 2011. Notre interprétation est qu’il s’agit d’un mauvais budget, en baisse, compte tenu de l’inflation, par rapport à 2010. Cela étant, X. Inglebert a indiqué que pour 2011, tous les départs à la retraite devraient être remplacés. Le conditionnel vient du fait que le total (940 postes) correspond à une estimation du nombre de départs - notons que les réformes en cours des régimes de retraite pourraient amener des agents à différer leur départ. Ce qui est prévu à ce jour, c’est donc 389 postes de chercheurs (377 au concours, le reste en retour de détachements) et 550 postes d’ITA.

La masse salariale, y compris post-doc : 2.01 G€ en 2010, 2.05 en 2011. Les chaires (40 prévues) ne sont pas comptées dans la dotation budgétaire 2011, mais elles seront bien prises sur la masse salariale du CNRS (la ministre revenant, de fait, sur ses engagements antérieurs sur cette question). À noter la somme de 4.9 M€ pour les PES (primes d’excellence) d’un montant comparable à celui prévu pour l’amélioration du point d’indice, autrement dit à la politique salariale en faveur de l’ensemble des personnels. Le pourcentage d’emplois non permanents (environ 10 %), en nette hausse ces dernières années, va diminuer légèrement en 2011, ce qui affectera entre autre les très jeunes chercheurs.

Dans ce budget très difficile, Alain Fuchs a décidé de privilégier la défense de l’emploi statutaire, les baisses affectant d’autres postes comme le fonctionnement des laboratoires ou les TGIR (Très grands équipements de Recherche). De fait, 81 % du budget est consacré à la masse salariale. Pour un nombre constant de personnes, cette masse salariale augmente de 2 % par an (ancienneté + technicité, promotions, etc.). Comme le budget total reste à peu près constant (voire en baisse du fait de l’épuisement de certains brevets), la diminution des crédits hors salaires est alors de 10 % par an. Le problème est aggravé par une grande rigidité budgétaire, notamment liée aux engagements existants (immobilier, TGIR).

Le CS a exprimé qu’il était conscient que l’érosion continue du soutien de base ainsi que le financement des TGIR est très problématique. Mais, étant donné le contexte d’un budget en diminution, le CS a largement approuvé et soutenu le choix de la direction du CNRS de privilégier l’emploi statutaire (16 oui, 3 Abs). Le CS devait donner son avis sur la répartition budgétaire entre instituts proposée par la Direction. L’abstention et les refus de vote ont dominé, pour les membres du CS qui s’estimaient trop peu informés pour donner un avis éclairé sur cette question (9 abstentions, 3 ne prend pas part au vote, 3 oui, 3 non).

Annexe : « recommandation du CS du CNRS sur les Labex »

Dès sa première réunion, le 15 novembre 2010, le nouveau Conseil Scientifique du CNRS souhaite s’exprimer sur le volet recherche du Grand Emprunt. Une partie importante de la somme versée au titre des « investissements d’avenir » sera en réalité prélevée sur le budget de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, comme l’indique un document de la Présidence de la République [2]. De fait, les informations fournies par la direction du CNRS permettent de prévoir une diminution de plus de 10 % des crédits de fonctionnement en 2011. Le financement par le Grand Emprunt va ainsi contribuer à réduire le soutien de base aux laboratoires, qui est pourtant largement considéré comme le seul susceptible de soutenir des recherches originales, indépendantes des modes.

Dans le cadre de ce Grand Emprunt, de nombreux appels d’offres ont été lancés à l’été 2010 - Equipex (équipements d’excellence), Labex (laboratoires d’excellence), Idex (Initiatives d’excellence), SATT (sociétés d’accélération du transfert de technologie), IHU (Instituts Hospital-Universitaires) -, obligeant les candidats, dans l’urgence, à élaborer des projets scientifiques et à définir des nouvelles structures. Pour les Labex, la première étape passait par le regroupement d’équipes notées A+ par l’AERES, qui a fonctionné comme une agence de notation, et non pas d’évaluation, loin de la mission qui était celle du Comité [3].

En France, la recherche publique est effectuée pour l’essentiel dans des UMR, laboratoires qui dépendent à la fois des EPST et des universités. Compte tenu des moyens qui y sont affectés, ce système fait preuve d’une efficacité reconnue internationalement. Avec les Labex et les Idex (ces derniers regrouperont « 5 à 10 pôles pluridisciplinaires d’excellence », sélectionnés eux-mêmes en fonction de la présence des Labex), c’est la notion même de laboratoire qui va disparaître. Constitués souvent sur la base d’équipes ou de chercheurs venant de laboratoires différents, ces Labex vont inévitablement fragiliser la structure UMR, en la déstructurant. La nouvelle gouvernance issue de la formule Labex/Idex orientera le travail de recherche selon des procédures qui ne sont pas celles des EPST et universités, en particulier sans les conseils qui comprennent des élus du milieu.

Beaucoup de scientifiques ont postulé à ces nouvelles structures non pas parce qu’ils les approuvent, mais parce qu’ils ne veulent pas prendre le risque de se retrouver demain hors-jeu, sans le label « Labex » que très peu obtiendront, et qui est annoncé comme le sésame pour obtenir les moyens de travailler, puisque le soutien de base semble appelé à disparaître. Quel sort sera réservé à la grande majorité des laboratoires, qui n’auront pas de Labex ?

Dans cette recommandation, le CS du CNRS se fait l’écho de l’inquiétude et du désaccord de la communauté scientifique face aux bouleversements engagés de la gouvernance et du mode de financement de la recherche, dont absolument rien n’indique qu’ils soient de nature à apporter une amélioration de l’efficacité du système de recherche en France.

Le CS alerte les responsables politiques et les dirigeants des EPST et des universités : la déstructuration permanente par création incessante de nouvelles structures qui s’ajoutent aux précédentes et les déstabilisent, la destruction des modes de gouvernance existants imposés aux scientifiques au lieu d’être élaborés avec eux, risquent d’avoir des effets très négatifs sur la recherche publique de notre pays.


[1Droit reconnu à une personne de prélever, avant tout partage, une somme d’argent ou certains biens de la masse à partager.

[2"Les intérêts de l’emprunt seront compensés par une réduction des dépenses courantes dès 2010 et une politique de réduction des dépenses courantes de l’Etat sera immédiatement engagée." Dossier de presse sur le Grand Emprunt de la présidence de la république (14 dec 2009).

[3NationalOr c’est sur cette pratique centrale de l’AERES consistant à attribuer une note à chaque équipe que, récemment, l’European Association for Quality Assurance in Higher Education (ENQA) a nettement critiqué l’AERES dans son évaluation de cette agence. L’ENQA soulignait que disqualifier une équipe pour 4 ans n’était pas raisonnable, mais les Labex devraient être créés pour 10 ans !