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Une loi LRU II votée en catimini. Diplômes, chercheurs, bâtiments, tout est à vendre ! Communiqué de SLU (6 décembre 2010)

lundi 6 décembre 2010

Une nouvelle loi a été votée le 1er décembre dernier et a suscité une vive réaction de l’Intersyndicale du Supérieur, proportionnée à la gravité des faits. Cette loi Adnot n’aurait dû concerner qu’un pan limité des réformes imposées par la loi LRU : la dévolution, pour les universités passées aux RCE qui en feraient la demande, de la gestion des biens immeubles. Mais ses promoteurs ne se sont pas contentés de mettre ainsi l’université sous le contrôle d’intérêts privés. Ils ont radicalisé la réforme de 2007 et modifié le Code de l’éducation – concoctant par là même une loi LRU II. Des dispositions supplémentaires et rattachées de manière lâche au sujet principal (ce qu’on appelle des « cavaliers législatifs ») ont en effet été ajoutées, qui tentent de passer pour ce qu’elles ne sont évidemment pas : de simples ajustements techniques. Il s’agit bien d’un passage en force, sans débat ni consultation des instances statutaires, non plus que des organisations syndicales, selon une méthode éprouvée pour aller toujours plus loin dans la destruction de la véritable autonomie scientifique et pédagogique indispensable à l’Université.

Accélérer l’opération Campus de dévolution de biens publics à des intérêts privés

Quel est l’objectif affiché de cette loi ? Le rapport parlementaire de Françoise de Panafieu indique qu’il s’agit de lever un « obstacle juridique » au fait que « les universités, qui ne sont pas propriétaires de l’immobilier mis à leur disposition par l’État, ne peuvent conclure de contrats conférant des droits réels à des tiers, comme les contrats de partenariat comportant la perception de recettes annexes par un opérateur privé ou les autorisations d’occupation temporaire du domaine public. Or, ce sont ces formules qui sont les plus intéressantes pour les participants à l’opération Campus ». Il s’agit donc d’« ouvrir la voie à des opérations de réhabilitation qui, pour l’heure, sont bloquées ». Le sens de l’opération Campus est clairement énoncé : le plus « intéressant » pour une université serait d’être autorisée à jouer le rôle d’un opérateur privé en louant ses locaux, autrement dit à mettre les moyens et les espaces du domaine public à la disposition d’entreprises et d’intérêts extérieurs, susceptibles d’en user librement.

Disséminer pour mieux étrangler

Cette loi ne se limite pas aux activités immobilières des établissements d’enseignement supérieur. Des « cavaliers » introduisent de nombreux amendements aux dispositions législatives du code de l’éducation et abordent pêle-mêle des questions aussi lourdes que la collation des diplômes, la mise en place des fondations, le périmètre des organismes de recherche.
La méthode « cavalière » utilisée par le gouvernement ne saurait masquer le projet de transformation radicale de la politique universitaire qu’elle porte. Chaque étape ne trouve sa nécessité que dans l’incomplétude de l’étape précédente : les « manques » de la loi LRU ont justifié la « politique d’excellence » – du plan « Campus » aux « Initiatives d’avenir » –, tandis que les conditions du déploiement de cette politique ont exigé en retour la modification de la loi LRU. Cette incomplétude première était voulue : elle a permis de ne pas dévoiler la visée initiale de la loi LRU pour mieux l’entériner ensuite par les « ajouts nécessaires » à son bon fonctionnement. Comme pour la réforme de la formation des enseignants, la manœuvre du gouvernement consiste à brouiller la lisibilité de sa politique en fractionnant le dispositif législatif et réglementaire. Au-delà d’un apparent bric-à-brac et d’une relative improvisation, il espère ainsi limiter la compréhension de la réforme et, par conséquent, la mobilisation potentielle des acteurs concernés. Ainsi a-t-il voulu nous faire croire que les PRES avaient pour objectif premier la coopération entre établissements de l’enseignement supérieur : or un amendement à la loi Adnot établit que les PRES - qui sont associés aux projets Idex (Initiatives d’excellence) et dont sont membres de droit des établissements privés - peuvent délivrer des diplômes de Masters et Doctorats, notamment ceux portés par les laboratoires d’excellence (Labex), en lieu et place des Écoles Doctorales. Pour un peu, il ne s’agirait là que du développement inattendu, désormais assis sur une base légale, de la formidable collaboration des établissements. Le droit vient ici sanctionner des possibilités soudainement ouvertes par de nouvelles structures, pourtant ni collégiales ni démocratiques.
Ne soyons pas dupes : la concurrence entre universités ou « conglomérats » entraîne nécessairement la disparition du cadrage national des diplômes. Ouvertement annoncée, elle aurait provoqué une levée de boucliers, d’autant que l’amendement concerné condamne nombre d’universités à devenir des établissements de seconde zone, de type « Collège universitaire », limités à des Licences déconnectées de la recherche.
La création de pôles mixtes privé-public et de réseaux thématiques associés sous forme de fondations, les possibilités de regroupement des établissements publics, autorisent en outre la disparition des organismes par simple décret. Ces nouvelles dispositions ouvrent la voie à la suppression de toute distinction entre le secteur privé et le public. Elles permettent aussi de « resserrer » les instances délibératives de l’ESR (universités, PRES, organismes, écoles, fondations) pour les mettre au service de la compétitivité des entreprises, achevant ainsi de défaire une collégialité déjà bien mal en point, mais encore trop grande aux yeux du ministère et des équipes présidentielles qui le secondent.


Toujours plus fort

D’autres « cavaliers » ont été ajoutés à la sauvette : l’amendement n°3 à l’article 4 voulait élargir le corps électoral des présidents d’université aux membres non élus des CA d’universités et leur donner la possibilité de définir le projet pédagogique de l’université. Il reprenait ainsi une disposition écartée lors du débat parlementaire de 2007 et une nouvelle tentative en ce sens de certains députés UMP en 2009. Une telle modification aurait inclus, dans les suffrages exprimés pour l’élection des présidents d’université, ceux des 7 ou 8 membres extérieurs (entre 23 et 26,5% de l’ensemble des membres des conseils), eux-mêmes nommés par le président. Elle aurait diminué d’autant le poids décisionnel déjà faible des membres élus. La liste sortante aurait ainsi bénéficié d’un avantage de départ d’un quart des voix.
Valérie Pécresse, souhaitant « que le plan Campus démarre très vite, et que les partenariats public-privé puissent être signés très vite », a repoussé cet amendement, de manière à ne pas perdre de temps dans une procédure législative qui eût été nécessairement allongée par de telles modifications. Mais ce n’est là que partie remise puisque la ministre a déclaré néanmoins trouver cet amendement « très important pour l’université française ». Il est donc probable que cette disposition sera derechef présentée au vote dans les prochaines semaines.

La communauté universitaire doit faire entendre sa voix sur ces mesures législatives qui viennent couronner un édifice dont elle a montré depuis deux ans qu’elle n’en voulait pas, parce qu’il contredit les fondements mêmes sur lesquels reposent l’enseignement et la recherche. SLU appelle à ce que, dans toutes les universités, les établissements d’enseignement supérieur et les organismes, les conseils centraux soient saisis de ces questions et votent des motions manifestant leur opposition. Nous ne voulons pas d’une loi LRU II.

Sauvons l’Université !