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Alain Fuchs, président du CNRS, rassure ses personnels : budget, avenir, missions, emplois... tout va bien (4 et 17 janvier 2011)

mercredi 26 janvier 2011, par Chabadabada

NDLR : Le 4 janvier 2011, Alain Fuchs, président du CNRS, a envoyé la lettre ci-dessous à tous les personnels CNRS pour leur adresser ses voeux et leur expliquer le budget 2011 de l’organisme. Dans le même temps était annoncée, dans tous les laboratoires, une intervention audiovisuelle relayée par Internet du président le 17 janvier. Des écrans étaient mis en place sur cerains sites pour relayer la conférence et les personnels étaient invités à formuler leurs questions par courriel afin que Fuchs y réponde. On ne saura jamais combien de questions ont été envoyées ni quel était leur contenu exact. Mais la conférence d’Alain Fuchs a bien eu lieu. Elle dure 1h30 et peut être visionnée sur le site du CNRS.

Lettre d’Alain Fuchs, président du CNRS, aux personnels de l’organisme, 4 janvier 2011

Chères et chers Collègues,

Permettez-moi tout d’abord de vous adresser mes voeux très sincères de bonheur, de santé et de réussite pour l’année qui commence, pour vous et ceux qui vous sont chers.

Nommé à la présidence du CNRS en janvier dernier, j’ai pu apprécier au cours de cette première année, la grande qualité, le dévouement au service de la recherche publique et l’exceptionnel potentiel des personnels, chercheurs, ingénieurs et techniciens, qui composent notre établissement, et qui en font un des tout premiers organismes de recherche au monde. Lors de mes nombreuses visites en région, j’ai été frappé par votre fierté d’appartenir à un organisme jouissant d’une telle réputation scientifique dans le pays, ainsi qu’à l’international. Je mesure pleinement la responsabilité qui est la mienne, de contribuer à l’évolution du modèle français de recherche scientifique en direction d’une plus grande intégration, et d’une meilleure synergie entre les forces vives des universités et des organismes de recherche. Je n’y parviendrai pas sans vous. Je voudrais en retour que vous soyez persuadés, et nos plus jeunes collègues en tête, que le CNRS a toujours pour mission de soutenir au plus haut niveau la recherche fondamentale en France.

*

Le premier point que je souhaite aborder avec vous concerne les ressources 2011 du CNRS. Le budget primitif du CNRS a été voté par le Conseil d’Administration. En voici les grandes lignes.

Le montant de la subvention d’État (2 527,5 millions d’euros) progresse de 0,7%, alors que l’ensemble des administrations de l’État et des opérateurs participe à un effort sans précédent de rétablissement des finances publiques. Le CNRS voit donc ses ressources globalement préservées.

Conformément aux engagements que j’avais pris dans mon message de novembre dernier, le choix a été fait de remplacer tous les départs définitifs des personnels statutaires et non les seuls départs à la retraite. Dans un contexte national où seulement un départ à la retraite sur deux est remplacé dans le secteur public, les 940 recrutements programmés pour le CNRS en 2011 représentent donc un effort important au profit de la recherche.

Cet effort a une contrepartie : une légère réduction des crédits hors dépenses de personnel, qui s’explique de la manière suivante.

Avec plus de 2 milliards d’euros en 2011, la masse salariale représente plus de 80% de la subvention d’État. Or, à effectif constant, la masse salariale augmente d’environ 2% par année, pour deux raisons : le poids croissant des pensions (lié à l’accession des classes d’âge du baby-boom à la retraite) et la poursuite du chantier de revalorisation des carrières, auquel je suis particulièrement attaché.

Comme l’accroissement de la masse salariale est plus rapide que celui de la dotation d’Etat, la part restante du budget, consacrée aux crédits de fonctionnement, équipement et investissement (un peu plus de 451 M€), diminue. En outre, la moitié de cette part est composée de dépenses « rigides », qui ne peuvent être ajustées à court terme : les Très Grandes Infrastructures de Recherche (qui bénéficieront toutefois d’une décision d’exonération de gel intervenue postérieurement à la présentation du budget), les RTRA et l’immobilier. En fin de compte, la réduction du budget hors masse salariale porte sur environ 250 M€ (10 % de la dotation d’Etat), soit pour l’essentiel les crédits délégués en début d’année aux laboratoires. Telle est la conséquence directe du choix effectué sur les emplois.

Il m’a semblé important de partager avec vous ces éléments budgétaires dans ce premier message de l’année. Vous pouvez ainsi constater que les ressources du CNRS sont effectivement préservées et que leur répartition s’inscrit dans des choix de politique scientifique. Je poursuivrai ces efforts d’explication et de transparence dans l’avenir, afin que chacun(e) d’entre vous puisse comprendre quelles sont les contraintes qui pèsent sur le budget de notre établissement, et quelles sont les marges de manoeuvre disponibles.

Pour terminer sur ce chapitre, il convient de signaler qu’en 2011, pour la première fois, le CNRS mettra à disposition des laboratoires dès le début de l’année l’intégralité de leurs crédits de fonctionnement, équipement et investissement. La souplesse de gestion des directeurs de laboratoires sur la subvention d’État versée au CNRS s’en trouvera accrue. Il s’agit là d’une étape importante dans la simplification de la gestion des laboratoires.

*

Venons-en maintenant à nos projets d’avenir. L’année qui vient de s’écouler a été marquée par un positionnement clair du CNRS vis-à-vis des réorganisations en cours de notre système de recherche et d’enseignement supérieur. Ce dernier est en effet en forte évolution depuis quelques années, et le CNRS, organisme public fort de ses 26 000 personnels permanents, se doit de participer activement à sa modernisation.

Deux grandes lignes de force se dégagent aujourd’hui, à partir desquelles le CNRS se propose de refonder son action et de retrouver un rôle moteur dans l’évolution du système académique de notre pays.

1. L’émergence de quelques grands sites universitaires sur le territoire, préfigurant les futures universités de recherche française du 21e siècle, dont une partie au moins devrait rejoindre le peloton des universités pluridisciplinaires de classe mondiale. Ce travail de structuration territoriale de la recherche et de l’enseignement supérieur, rendu possible par l’autonomie des universités et par des dispositifs tels que le plan campus et les investissements d’avenir, touche l’ensemble des établissements. Au passage, un des enjeux est aussi de pouvoir maintenir des niches de grande valeur scientifique sur des sites de moindre taille.

2. En contrepoint de cette structuration locale, la nécessaire obligation d’assurer des missions de coordination nationale, et internationale. Il s’agit de construire (avec l’ensemble de nos partenaires), de piloter et d’animer des réseaux d’observatoires, de plateformes, d’instruments de taille variable, allant naturellement jusqu’aux TGE et TGIR. Les réseaux nationaux thématiques, tels que les actuels GDR font également partie de ces actions.

Ces deux lignes de force doivent naturellement s’articuler entre elles ; le CNRS est particulièrement bien placé pour assurer ce rôle dans le champ de la recherche fondamentale.

Le CNRS s’engage aujourd’hui dans l’émergence de véritables politiques scientifiques de sites. L’ambition est de bâtir avec nos partenaires, notamment au travers des projets d’Initiative d’Excellence (IDEX), une politique de recherche propre qui s’appuie sur les forces présentes au niveau local, en mettant en place des dispositifs qui soient de nature à les consolider, mais aussi à renouveler régulièrement les thématiques de recherche au meilleur niveau. Car c’est bien une dynamique de progrès qu’il s’agit de mettre en place ensemble dans ces futures universités de classe mondiale. La politique scientifique de site devra donc représenter plus que la simple juxtaposition des politiques des différents laboratoires. C’est la raison d’être du Directeur Scientifique Référent (DSR, qui pour chaque site, est un des 10 directeurs d’instituts, fonction nouvelle instituée cette année), et sa mission est de représenter le CNRS sur le plan de la stratégie scientifique globale du site et de contribuer ainsi à améliorer son ancrage territorial.

Les projets d’IDEX en cours de constitution prévoient en général, grâce aux excellentes relations que nous avons nouées avec nos partenaires universitaires cette année, la mise en place d’une structure de coordination scientifique (par exemple sous la forme d’une Fondation de Coopération Scientifique). Le CNRS est sollicité à chaque fois pour participer activement aux gouvernances des IDEX. L’ancrage territorial du CNRS se traduira également par une participation beaucoup plus active qu’auparavant aux travaux des Pôles de Compétitivité, ainsi qu’aux Sociétés d’Accélération de Transfert de Technologie (SATT).

Un point central du partenariat renouvelé avec les établissements d’enseignement supérieur concerne les actions interdisciplinaires. La couverture disciplinaire du CNRS constitue l’une de ses forces principales : presque tous les champs scientifiques y sont représentés. Le cloisonnement disciplinaire reste toutefois trop présent. Cette tendance doit à tout prix être inversée. Une chance historique s’offre au CNRS : les grandes universités doivent être pluridisciplinaires, ce que trop peu d’entre elles sont aujourd’hui, et les partenariats de site doivent permettre de développer ensemble des actions pluri- et inter-disciplinaires, qui constitueront le terreau à partir duquel pourra s’opérer le nécessaire renouvellement régulier des thématiques scientifiques mentionné plus haut.

Le CNRS s’engage à mettre en place avec ses partenaires de site les dispositifs adéquats qui permettront l’éclosion de ces actions de recherche pluri et interdisciplinaires, ainsi que les procédures de coordination, de suivi et d’évaluation des actions financées par ces dispositifs. Ceux-ci pourront prendre des formes variables (Projets exploratoires pluridisciplinaires, hôtels à projets, accompagnement par des délégations, …), en fonction des orientations de politique scientifique du site, des besoins identifiés ensemble et des financements mobilisables.
L’interdisciplinarité, pour notre établissement, va donc se déployer selon deux schémas, dont j’ai déjà souligné qu’ils étaient complémentaires et s’articulaient entre eux :

‐ des dispositifs de site pour inciter à l’éclosion de nouvelles thématiques scientifiques s’appuyant sur les forces présentes en un même lieu,

‐ des dispositifs d’intégration à l’échelle nationale, sur des thématiques nouvelles en émergence, et/ou nécessitant une coordination à une échelle plus large que celle d’un seul site académique. Dans ce second schéma, le CNRS contribuera aussi au rapprochement des sites universitaires et aux collaborations entre elles des futures universités de recherche. Ce sera donc, encore plus que par le passé, un accélérateur de progrès scientifique.

Le premier schéma constitue une réelle nouveauté pour le CNRS, même si ça et là des initiatives de ce type ont déjà été menées, mais pas de façon systématique. Le deuxième schéma correspond mieux à ce que le CNRS a su faire d’assez longue date : les réseaux de plateformes, la mission ressources et compétences technologiques (MRCT), que nous devons mieux intégrer dans notre politique scientifique, les Programmes Interdisciplinaires de Recherche (PIR), les GDR, … Sur ces deux derniers outils, nous sommes en train de revisiter le fonctionnement des PIR, qui n’ont guère évolué ces dernières années malgré l’émergence de l’ANR, et nous devons faire en sorte que les GDR puissent devenir des outils pour rassembler des communautés vraiment différentes qui ont envie de se parler, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui.

A titre d’exemple de la capacité du CNRS à mener des travaux interdisciplinaires sur une large échelle, nous mettons en place une opération d’envergure sur la question des rapports entre science et société. Ces travaux seront menés sous l’égide de l’institut des sciences de la communication (ISCC). Les disciplines représentées par les dix instituts sont mobilisées sur des thèmes comme celui de l’expertise et de la controverse dont tout le monde mesure l’importance aujourd’hui (climat, nanotechnologies, OGM, …). Le chercheur, désormais, n’est plus « ailleurs », hors de la société. Il est confronté aux conflits de logique entre sciences, techniques, politique, opinion publique et médias. Réfléchir aux problèmes que pose la généralisation des situations d’expertise et aux controverses qui y sont associées constitue un nouvel impératif de la recherche.

Le CNRS ne manque donc pas de projets !

La transformation en cours de notre système de recherche prendra plusieurs années et se traduira sans doute par des évolutions de nos organisations et de nos modes de travail. Mais j’ai la conviction qu’un CNRS fort, ouvert plutôt que replié sur lui-même, contribuant résolument à la structuration du système de recherche et d’enseignement supérieur dans un schéma articulant l’ancrage territorial et la vision nationale (et internationale) de la recherche fondamentale, est une source de grande valeur pour notre pays.
En vous renouvelant mes voeux pour une excellente année 2011, je vous prie de croire, chères et chers Collègues, en l’expression de mes sentiments les plus cordiaux.

Alain Fuchs