Accueil > Revue de presse > Cédric Villani : il faut rapprocher monde de la recherche et monde (...)

Cédric Villani : il faut rapprocher monde de la recherche et monde enseignant - VousNousIls, 11 février 2011

dimanche 13 février 2011, par Laurence

Médaillé Fields 2010, direc­teur de l’Institut Henri Poincaré, Cédric Villani, mathé­ma­ti­cien pas­sionné et cha­leu­reux, tra­vaille sur de nou­veaux pro­jets. Il nous en parle, après un retour sur son par­cours, dans un entre­tien exclusif.

A quel moment vous êtes-vous dit : les mathé­ma­tiques sont ma pas­sion, je veux être mathématicien ?

Ce jour où je me suis dit « j’adore les mathé­ma­tiques et je veux en faire mon métier » est venu tard. Mais l’intérêt pour les mathé­ma­tiques, lui, est beau­coup plus ancien. Je ne me sou­viens pas d’une époque où je n’ai pas été inté­ressé par les maths. Déjà quand j’étais tout petit, je trou­vais cela atta­chant, ludique et inté­res­sant. Mes pro­fes­seurs de troi­sième et de seconde, entre autres, ont aussi joué un rôle impor­tant : ils n’hésitaient pas à aller hors des sen­tiers bat­tus et à pré­sen­ter les choses de façon élégante et ludique. Ils ne sui­vaient pas le pro­gramme à la lettre, mais étaient pas­sion­nés, et c’est ce qui est le plus impor­tant. Ensuite, un moment très fort pour moi fut celui des classes pré­pa­ra­toires : je l’ai trouvé très épanouis­sant. Enfin, l’École Normale Supérieure a été un choc, un vrai moment de liberté. Mais le moment du déclic a été la thèse : là je me suis dit que je vou­lais faire des mathé­ma­tiques mon métier.

Votre thèse contenait-elle les pré­mices de votre tra­vail récom­pensé par la médaille Fields ?

Oui, elle conte­nait déjà une étude de la théo­rie ciné­tique des gaz, dans laquelle on s’intéresse aux pro­fils de dis­tri­bu­tion des molé­cules dans un gaz, dont on fait une des­crip­tion sta­tis­tique. Ensuite, j’ai inclus cette recherche dans des champs beau­coup plus vastes, mais ma thèse conte­nait les germes de mes tra­vaux futurs.

Qu’est-ce que l’obtention de la médaille Fields change dans la vie d’un mathématicien ?

Il est un peu tôt pour le dire, cela ne fait que six mois. Mes sujets de recherche res­tent les mêmes et fon­da­men­ta­le­ment, pour ceux qui me connaissent, je n’ai pas changé. Mais il est vrai que cette médaille est un encou­ra­ge­ment et en même temps fait de moi un peu un porte-parole de la com­mu­nauté mathé­ma­tique. C’est un grand chan­ge­ment pour un cher­cheur : les cher­cheurs habi­tuel­le­ment sont peu mis en avant, mal­gré le rôle déter­mi­nant de leurs tra­vaux pour la société. Depuis que j’ai obtenu la médaille, j’ai ren­con­tré abso­lu­ment tout le monde, des éboueurs au pré­sident de la République.

Justement, grâce à cette noto­riété, allez-vous œuvrer pour don­ner une image plus acces­sible des mathématiques ?

En tant que direc­teur de l’Institut Henri Poincaré, j’espère en par­ti­cu­lier que cette noto­riété pourra aider au rap­pro­che­ment entre recherche et entre­prise et aussi à l’obtention de nou­veaux finan­ce­ments pri­vés. Qu’elle contri­buera par ailleurs à sus­ci­ter des voca­tions. Au niveau de la recherche, je sou­haite qu’au sein de l’institut, une véri­table syner­gie s’opère entre toutes les dis­ci­plines scien­ti­fiques (mathé­ma­tiques pures, mathé­ma­tiques appli­quées, infor­ma­tique, phy­sique etc), et que les cher­cheurs tra­vaillent de plus en plus de façon décloi­son­née. Nous sommes actuel­le­ment dans une bonne dynamique.

Par rap­port aux élèves et étudiants ainsi qu’aux ensei­gnants, allez-vous mettre en place des ini­tia­tives spécifiques ?

Oui, samedi 5 février a débuté le tout pre­mier Mathematic Park . Il s’agit de cours des­ti­nés aux ensei­gnants non-chercheurs, à des étudiants, à des élèves de ter­mi­nale ou de classe pré­pa­ra­toire. Ces cours leur per­mettent d’approfondir cer­taines notions, et sont très acces­sibles moyen­nant un mini­mum d’initiation. J’espère en par­ti­cu­lier que ces cours, qui ont lieu deux same­dis par mois, pour­ront ser­vir de base à une sorte de for­ma­tion conti­nue des ensei­gnants du secon­daire, qui, mal­heu­reu­se­ment, ne dis­posent pas actuel­le­ment de beau­coup d’outils pour cela. L’idée est de rap­pro­cher le monde de la recherche du monde ensei­gnant. Nous avons aussi des confé­rences grand public, cette fois-là des­ti­nées vrai­ment à tout le monde, dans le cadre du cycle de confé­rences « Une ques­tion, un cher­cheur ». Et très pro­chai­ne­ment, nous allons orga­ni­ser un col­loque pour le cen­te­naire de la nais­sance d’Evariste Galois, le mathé­ma­ti­cien fran­çais emblé­ma­tique par excel­lence, avec des confé­rences grand public.

pour lire la suite