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Petite revue de presse des explications de Luc Ferry (21 juin 2011)

lundi 20 juin 2011, par M. Homais

Comment devient-on Luc Ferry ? Petite revue des explications de l’intéressé.

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Lettre ouverte à Luc Ferry, à propos de l’image des universitaires qu’il véhicule dans les médias - Virginie Spies, mcf à l’université d’Avignon, Sémioblog, 20 juin 2011

Cher collègue,

Permettez-moi de vous appeler « cher collègue », c’est l’un de nos usages dans le milieu universitaire, vous souvenez-vous ?

Je vous adresse cette lettre pour vous dire que vous êtes la cause d’un problème grave. Non, je ne parle pas des rumeurs que vous répandez à la télévision, emporté par votre propre rhétorique et attiré par les sirènes du buzz que vous maîtrisez si mal. Il est question ici de l’image qui est en train de se répandre dans les médias au sujet du métier et du statut d’enseignant-chercheur.

Vous êtes professeur à l’université Paris VII. Dans le cadre de vos fonctions politiques, vous avez obtenu un détachement, formule que je ne conteste pas ici. Les enseignants-chercheurs peuvent, dans certains cas, obtenir une mise à disposition de leur université, car ils sont appelés à d’autres fonctions. Ce fût le cas lorsque vous étiez ministre de l’Education nationale entre 2002 et 2004, et ensuite lorsque vous avez exercé vos fonctions au CAS, Conseil d’analyse de la société. Ce conseil dépend du Premier ministre, auprès duquel vous avez été détaché de 2004 à 2010.

Seulement, cher collègue, à la rentrée 2010, il aurait fallu retourner au boulot, retrouver vos chers étudiants et préparer vos cours, vos partiels, voire gérer une formation, comme vous l’a rappelé votre université à l’automne dernier. Vous n’avez pas entendu ses différents appels, et avez continué de percevoir votre rémunération de la part de l’université, 4500 euros par mois.

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Ferry sèche les cours : la chaire est faible

Le Mammouth Déchaîné s’insurge contre les mauvaises manières faites à son ex, Luc Ferry, à propos de son salaire versé par l’Université alors qu’il n’y donne pas de cours.

[Note de SLU : Merci à BB pour les dessins ci-dessus et en logo de l’article]


Comité étique

Comme toujours, on s’en prend à un homme honorable sans tenir compte de ses immenses qualifications. Car, en tant qu’ancien membre du Comité d’Éthique, notre national philosophe est inattaquable sur le terrain des principes moraux. Membre du Conseil Économique et Social, il veille à son statut social et à ses économies. Président du Conseil d’Analyse de la Société au sein du Centre d’Analyse Stratégique, il analyse son intérêt et met en oeuvre une stratégie payante.
Certaines mauvaises langues (comme le site @rrêt sur Images) relèvent que Ferry se mélange les crayons dans les noms des organismes dont il est le membre si éminent : et alors ? Il faut beaucoup de mauvais esprit pour y voir le signe d’un floutage de gueule...

Ferry : un CAS social

Et surtout, ancien ministre de l’Éducation Nationale, Ferry a participé comme ses prédécesseurs et successeurs à la chasse à ces "milliers de professeurs sans élèves ". Comme les autres, à coups de bazooka il a dégommé les détachements d’enseignants vers d’autres tâches, détachements qu’il brandit aujourd’hui comme bouclier. Un expert, on vous dit, à qui on fait un mauvais procès.
À ce même titre, il est aussi au courant de l’autonomie des universités, qui interdit sa situation. La LRU n’est pas faite pour ceux qui l’ont voulue, mais pour ceux qui la subissent : un philosophe a le sens de la nuance, lui.

Résumons

Ferry cumule salaire (indû) et indemnités (1800 € pour sa présidence, et un peu plus de 3000 € du Conseil Économique et Social), mais Fillon vient de lui commander un indispensable et épuisant rapport sur la jeunesse pour justifier ces menus pourboires. Car pour un homme de la trempe de Ferry, une rémunération n’est jamais qu’un train de vie.
Matignon et lui ont omis, malgré des relances, de régulariser sa situation, faisant payer à une université le salaire d’un conseiller ministériel.
Parce que pour eux, la nation est au service de l’État, pas l’inverse.

Et on vient lui chercher des poux dans la mini-vague. C’est bas.

BB

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Ferry à ses heures perdues : plume pour Servier, orateur devant lobbys et banquiers, Médiapart, 15 juin 2011 | Par Mathilde Mathieu et Michaël Hajdenberg

Luc Ferry n’a pas donné le moindre cours dans son université cette année mais le « philosophe » a trouvé le temps d’écrire pour Servier, le laboratoire du Mediator. En décembre dernier, le professeur mis à disposition de Matignon, comme président du Conseil d’analyse de la société, a en effet publié un édito dans un supplément du magazine La Recherche sponsorisé par le labo.

Comment a-t-il pu se retrouver dans ce « publi-rédactionnel », financé par l’entreprise et doté d’une interview complaisante du grand patron, estampillé du logo du labo ? La réponse est instructive, pour ce qu’elle dit du Conseil d’analyse de la société (CAS), ce « machin » créé en 2004, composé de 32 personnalités de la société civile, toutes choisies de manière discrétionnaire, chargé « d’éclairer les choix politiques du Gouvernement ». Pour ce qu’elle dit aussi de la propension de Luc Ferry à multiplier les prises de parole à droite à gauche, souvent rémunérées, au risque d’entacher son impartialité.

Dans le cas du « Cahier Servier » de 24 pages, c’est Lucy Vincent, chargée de communication du labo depuis des années, qui a fait l’intermédiaire avec Luc Ferry. « Je lui ai présenté le sujet du supplément, explique l’intéressée. Comme il l’a trouvé intéressant, il a accepté d’écrire un édito. » Comment a-t-elle pu « toucher » le président du CAS ? Rien de plus simple : elle y siège, nommée en 2008 par François Fillon. Sur le site du Conseil, sa biographie ne mentionne toutefois pas son job dans le privé et se contente de signaler : « Docteur en neurosciences et pharmacologie ». Champion du lobbying et de l’influence, Servier a réussi là un fameux coup.

« C’est une amie de vingt ans », explique aujourd’hui Luc Ferry à Libération, pour justifier d’avoir, à travers Lucy Vincent, invité un fleuron de l’industrie pharmaceutique à son tour de table.

Mais ce mélange des genres est-il bien éthique, qui voit un universitaire recruté par Matignon prêter sa prose à une société privée ? N’y a-t-il pas conflit d’intérêts ? Isabelle Bellin, journaliste indépendante à qui La Recherche a délégué la production des contenus pour le supplément Servier, raconte comment le laboratoire a pesé sur les articles : « Ils ont eu des exigences quant au choix de certaines interviews », suggérant de recueillir l’avis de tel scientifique plutôt que tel autre. A l’époque, alors que les effets du Mediator commencent à faire débat grâce au livre du docteur Irène Frachon (juin 2010), Isabelle Bellin ne pose aucune question sur le sujet dans son entretien avec Jacques Servier (au cours duquel le médecin glisse cette drôle de phrase : «  Le danger est que les chercheurs se réfugient dans le scientifiquement correct »). Sur l’édito commandé au philosophe et président du CAS, Isabelle Bellin ajoute : «  Lucy Vincent m’a demandé s’il était possible de rémunérer Luc Ferry, compte tenu des exigences (financières) qu’il a pour certaines de ses interventions. » Ce fut non.

« Il n’a pas été payé, assure aujourd’hui Lucy Vincent. Zéro, rien. Mais je ne vois pas où aurait été le problème ! Il a travaillé pour cet édito. » Il faut dire que la chargée de communication de Servier ne voit pas non plus « en quoi ce supplément était publicitaire » – à l’inverse des abonnés de La Recherche. Deux mois plus tard, en plein scandale du Mediator, le magazine publiait ce courrier des lecteurs : « J’ai été scandalisé (...). Est-il opportun de donner la parole à un directeur de laboratoire dont les déclarations publiques bafouent gravement l’éthique médicale ? » Avec le recul, la directrice de la rédaction, Aline Richard, fait d’ailleurs part de sa gêne : « Comme beaucoup de journaux, on a recours à des suppléments sponsorisés par des annonceurs, proposés par notre service commercial. La rédaction ne se mêle pas du contenu. En l’occurrence, à cause du Mediator, je peux comprendre qu’on nous critique. Le timing a été une catastrophe ; à la rédaction, on a tous fait la gueule. » Sollicité par Mediapart, Luc Ferry n’a pas souhaité revenir sur cette expérience.

La suite sur le site de Médiapart

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Ferry se défend partout, mais ne sait pas où il travaille, par Dan Israel | Arrêt sur Image, 14 juin 2011


Origine exacte du C.A.S., salaire, décharges, nominations... Le point sur les embrouillaminis du philosophe
La riposte médiatique n’a pas tardé à s’organiser. Mis en cause mercredi 8 juin par Le Canard Enchaîné parce qu’il touche un salaire de l’université Paris VII sans assurer aucun cours, Luc Ferry s’est multiplié dans la presse et à la radio (depuis un certain Grand Journal, il semble éviter la télé) pour défendre son honneur. En déployant, il faut le souligner, une étonnante maladresse dans sa communication. Ferry cumule-t-il deux salaires ? Combien gagne-t-il ? Est-il privilégié ? Autant de points sur lesquels l’intellectuel n’est pas des plus clairs. A commencer par une question extrêmement complexe : quel est exactement l’organisme qu’il dirige ?

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Luc Ferry : faux chiffres et vraies faveurs, par Véronique Soulé | Blog C’est Classe, 13 juin 2011

Luc Ferry est parti en guerre contre toutes "les conneries" diffusées à propos de ses cours payés mais non dispensés à Paris 7. Le problème, c’est ce que lui aussi dit un certain nombre de bêtises, citant des chiffres à mauvais escient ou se qualifiant un peu vite de prof lambda détaché comme des milliers d’autres.

Sur le fond, Luc Ferry n’a toutefois pas tout à fait tort. Dans la mesure où il est "détaché" auprès du Conseil d’analyse de la société (CAS) qui dépend de Matignon, il est logique que les services du Premier ministre prennent en charge ses salaires de professeur d’université à Paris 7 (Paris Diderot) - 4 499 euros net par mois selon la fiche de paie reproduite par le Canard Enchaîné, 4 300 euros selon ses dires ce matin sur France Inter.

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Luc Ferry : un emploi pas fictif, surtout pour ses amis et ses fans, par François Krug | Rue89, 13 juin 2011

Selon l’ancien ministre de l’Education nationale, ce n’est qu’un oubli administratif. Depuis 2004 et son départ du gouvernement, Luc Ferry est officiellement redevenu professeur de philosophie à l’université Paris-VII. Il a été immédiatement « mis à disposition » de Matignon, pour présider le tout nouveau Conseil d’analyse de la société (CAS), chargé de nourrir l’Etat en idées.

« Mis à disposition », c’est-à-dire en restant rémunéré, à son nouveau poste, par son administration d’origine. Depuis 2004, la fac a donc continué à lui verser 4 500 euros par mois. Seulement, Luc Ferry aurait dû enfin reprendre les cours à la dernière rentrée universitaire, et Paris-VII exige qu’il rembourse sa rémunération pour l’année 2010-2011.

Matignon s’est engagé à rembourser Paris-VII. Fin de la polémique ? Pas forcément : l’affaire a jeté une lumière sur le très discret Conseil d’analyse de la société, une institution bien étrange.

Des proches et des fans de Ferry

On réfléchit peut-être mieux entre amis. En tout cas, l’ancien ministre a recruté au Conseil d’analyse de la société (CAS) beaucoup de proches. Et même d’admirateurs, puisqu’on y retrouve les auteurs de deux livres consacrés à, devinez qui, Luc Ferry.

Outre son président et une secrétaire, trois personnes figurent dans l’organigramme permanent du CAS : une secrétaire générale, venue de l’Education nationale, et deux universitaires supervisant la production intellectuelle. Deux professeurs de philosophie très proches de Luc Ferry :

Claude Capelier, « conseiller scientifique et éditorial » du CAS, était conseiller spécial de Luc Ferry au ministère de l’Education nationale ; c’est « un ami de trente ans », selon Challenges.

Eric Deschavanne, « chargé des recherches, des études et de la rédaction de publications » au CAS, appartenait aussi au cabinet de Luc Ferry à l’Education nationale. Il est notamment l’auteur du Deuxième humanisme, un livre d’« introduction à la pensée de »… Luc Ferry ; il contribue aussi au site Atlantico, sur lequel il a pris la défense de l’ex-ministre.

Contacté par Rue89, le cabinet du Premier ministre confirme que cette fonctionnaire et ces deux universitaires sont eux aussi « mis à disposition » par leurs administrations respectives, qui continuent à les rémunérer.

Comme Luc Ferry, ils bénéficient d’un supplément au titre de leurs fonctions au CAS, une indemnité mensuelle comprise entre 1 000 et 1 200 euros par mois. L’ancien ministre, lui, reçoit 1 800 euros par mois. En plus des 4 500 euros reçus comme prof de philo à Paris-VII, et que l’université lui demande de rembourser aujourd’hui.

Les simples membres du Conseil, eux, réfléchissent gratuitement. Peut-être par amitié. Dans cette trentaine de personnes, en effet, on retrouve beaucoup de relations personnelles ou professionnelles de Luc Ferry. Exemples :

la philosophe Alexandra Laignel-Lavastine a co-signé en mars un livre d’entretiens, L’Anticonformiste, une « autobiographie intellectuelle » de… Luc Ferry ;

Claudine Pons est la fondatrice de l’agence de communication et d’événementiel Les Rois Mages, qui vend aux entreprises des conférences avec des penseurs comme… Luc Ferry ;

le philosophe Pierre-Henri Tavoillot co-dirige chez Grasset Le Collège de philosophie, une collection publiant des auteurs comme… Luc Ferry ; cette collection est co-dirigée par Alain Renaut, co-auteur de La Pensée 68, le livre qui a révélé… Luc Ferry ;

à la rubrique people, Amélie de Bourbon-Parme est l’épouse d’un des frères Bogdanov, dont le livre Avant le big bang avait été préfacé par… Luc Ferry.

A leurs côtés, pour réfléchir à l’avenir de la France, on retrouve des chercheurs, une ancienne ministre de la Culture (Christine Albanel), des éditeurs (Bernard Fixot et Teresa Cremisi, PDG de Flammarion), mais aussi plusieurs économistes.

Pour Ferry, « c’est un travail gigantesque »

La suite sur le site de Rue89

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Excédé, Luc Ferry passe à l’offensive, LEXPRESS.fr avec AFP, 12 juin 2011

L’ancien ministre de l’Education nationale poursuivra en diffamation tous ceux qui affirment qu’il occupe un emploi fictif au Conseil d’analyse de la société.

Luc Ferry, excédé par la polémique sur le remboursement par Matignon de ses salaires à l’Université de Paris-VII, a annoncé dimanche soir sur France Info qu’il allait poursuivre en diffamation tous ceux qui prétendent qu’il occupe un "emploi fictif" au Conseil d’analyse de la société (CAS).

"L’idée de remboursement n’a pas de sens. Je suis détaché de mon université dans une autre administration, à savoir les services de Matignon comme président d’un des conseils qui entourent le Premier ministre. Donc, il ne s’agit pas de rembourser", a déclaré l’ancien ministre de l’Education nationale.

"Les gens comprennent que je touche deux traitements ou que Matignon va rembourser des heures que je n’ai pas faites, mais c’est grotesque ! On ne rembourse pas des heures que je n’ai pas faites. Je suis payé comme président du Conseil d’analyse de la société", a-t-il poursuivi.

"Si tel ou tel député, si Mme Royal ou l’autre zouave, veut supprimer le Conseil d’analyse de la société mais qu’il le dise, je m’en fous, qu’il le supprime. Mais qu’on ne dise pas que j’ai été payé pour des heures que je n’ai pas faites et que je devrais rembourser. C’est honteux, c’est scandaleux", s’est-il emporté.

Il a annoncé ainsi qu’il allait "à partir de maintenant poursuivre en diffamation les gens qui prétendent qu’il occupe un emploi fictif".

"L’affaire commence à bien faire. L’affaire commence à me chauffer les oreilles et maintenant je vais prendre un avocat pour poursuivre les gens qui disent des conneries", a conclu M. Ferry.

Après le député UMP Yannick Favennec samedi, Ségolène Royal et Manuel Valls, tous deux candidats à la primaire PS, ont demandé dimanche au philosophe de rembourser sur ses deniers personnels ses salaires à l’Université Paris-VII.

La suite sur le site de L’Express

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Luc Ferry, Christine Lagarde, payés à ne rien foutre, actuchomage.org, 8 juin 2011

L’UMP s’indigne que des petites gens touchent 400 € par mois sans rien faire. Nous nous indignons que des "importants" touchent 4.000 € par mois pour des emplois fictifs.

On reproche aux allocataires du RSA de vivre aux dépens de la collectivité et on les soupçonne — pardon, on les accuse — de ne faire aucun effort pour se "réinsérer".

Faut-il rappeler que ces personnes survivent avec 400 € par mois, ce qui est en soi un exploit et une occupation à temps plein ? Faut-il rappeler que nombre d’entre elles doivent, en outre, résoudre des difficultés de logement ou de garde d’enfant, quand elles n’ont pas de gros problèmes de santé ?

Faut-il rappeler que la plupart de ces personnes, avant de sombrer dans la misère et le déshonneur, étaient "insérées" dans la société jusqu’à ce qu’un accident de la vie — plus généralement, une perte d’emploi liée aux aléas de la conjoncture… — ne les désinsère et les isole durablement ? Faut-il rappeler que la grande majorité d’entre elles ne souhaite que travailler, avoir un emploi digne de ce nom qui leur permette enfin de sortir définitivement de l’« assistanat » ?

Tandis que, pour des millions de Français, les emplois manquent, une poignée les cumule sans les honorer.

En pleine fronde anti-RSA, nous devons remercier Le Canard Enchaîné qui dévoile l’affaire, ainsi que Vincent Berger, le président de l’université Paris-Diderot qui convoque ce matin l’ex ministre de l’Education nationale, arrière-petit-neveu du fondateur de l’« école gratuite, laïque et obligatoire » et "moraliste" Luc Ferry, censé prodiguer 192 heures de cours de philosophie depuis la rentrée 2010 contre un salaire mensuel de 4.500 € nets, et qui n’a toujours pas mis les pieds sur le campus.

A l’heure où l’on tape sur les fonctionnaires (qui se la coulent douce et coûtent trop cher) et où des vacataires font la queue à Pôle Emploi, voici un enseignant-chercheur statutaire qui jongle avec les mises à disposition en fonction de ses divers mandats, perçoit un généreux traitement tout en étant déchargé de ses fonctions. Non pas victime de la crise mais de la loi d’autonomie des universités votée par son propre camp politique, le voici obligé de rendre des comptes.

Que voulez-vous, Luc Ferry a trop de travail ! Ecrivain prolixe, il est par ailleurs :
- président du Conseil d’analyse de la société depuis sa création en 2004 et perçoit à ce titre une "allocation de fonction" mensuelle de 1.700 € (véritable salaire de rêve pour nombre de chercheurs d’emploi et de travailleurs acculés au Smic…)
- membre du Comité de réflexion sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions, ou comité Balladur, depuis sa mise en place en 2007 par Nicolas Sarkozy (montant de la rétribution inconnu)
- membre du Comité consultatif national d’éthique depuis 2009, encore nommé par… Nicolas Sarkozy (montant de la rétribution inconnu).

Pour lire la suite

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Réaction à "l’emploi fictif" de Luc Ferry : " les manquements des enseignants-chercheurs à leur service restent rares" selon la CPU - Éducpros, 8 juin 2011

« Problème embarrassant » : c’est le qualificatif employé par Vincent Berger, président de Paris VII, pour qualifier la situation de Luc Ferry, professeur de philosophie aux abonnés absents de son employeur depuis septembre 2010. Malgré son salaire mensuel de 4500€ nets, ce dernier n’a assuré aucune des 192 heures d’enseignement prévues à son service. Après plusieurs lettres de rappel du président, un ultimatum était fixé au 8 juin 2011, afin de trouver une "solution". Sophie Béjean, présidente de l’université de Bourgogne et présidente de la commission des moyens et des personnels à la Conférence des présidents d’université, rappelle le cadre réglementaire des décharges d’enseignement.

Pouvez-vous nous rappeler les dispositions légales prévoyant les décharges d’enseignement à l’université ?

En matière de décharge partielle ou totale des enseignements, le principe général est que les responsabilités administratives assurées par un enseignant-chercheur au sein de l’université sont reconnues par l’employeur. Par exemple, le président ou les vice-présidents des trois conseils [conseil d’admnistration, conseil des études et de la vie universitaire et conseil scientifique, ndlr] bénéficient d’une décharge totale. Ceci dit, ces derniers peuvent décider d’assurer une partie de leurs cours. Les directeurs d’instituts, d’écoles internes ou d’UFR ont également droit à des décharges d’enseignement partielles pouvant aller jusqu’aux deux tiers du service. D’autres droits à décharge existent pour les enseignants-chercheurs qui exercent des fonctions d’expertise et de conseil pour des organismes extérieurs comme le ministère ou l’AERES. Enfin, un enseignant-chercheur sélectionné par l’Institut universitaire de France (IUF) bénéficie également d’une décharge d’enseignement, de droit, pendant cinq ans.

Les récentes évolutions du statut de l’enseignant-chercheur ont-elles modifié ces règles ?

La nouveauté vient de l’application du référentiel d’équivalence horaire, adopté par chaque université.

Pour lire la suite sur le site d’Éducpros

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Luc Ferry très autonome avec son université - Libération, 9 juin 2011

Hier, le dircab de François Fillon a joué au dirlo. Jean-Paul Faugère a convoqué l’ancien ministre de l’Éducation nationale Luc Ferry et lui a demandé pourquoi il séchait les cours qu’il devait assurer à Paris-VII, comme l’a écrit le Canard enchaîné. Dans la foulée, Ferry s’est expliqué à l’AFP : « C’est d’une simplicité biblique : il y a aujourd’hui des milliers d’enseignants qui sont comme moi détachés auprès d’administrations. Mais la nouvelle loi sur l’autonomie des universités rend impossible la mise à disposition […] auprès d’organismes qui ne sont pas agréés par l’université. Je suis [au] Commissariat d’analyse de la société » qui ne serait pas agréé. Quant à donner des cours entre la mi-juin et la mi-juillet : « Je l’aurais fait volontiers, mais le président de l’université m’a dit : "On ne [le] souhaite pas tellement… Quand vous venez ça fait du remue-ménage". »

Ferry sommé de justifier ses absences à la fac - Libération, 8 juin 2011

Luc Ferry a été reçu, ce mercredi, par le cabinet de François Fillon pour s’expliquer sur ses absences à l’université Paris-VII, où il était censé assurer des cours de philosophie.

Pour lire ce billet sur le site de Libération

Le philosophe et ancien ministre Luc Ferry a été reçu mercredi matin par le directeur de cabinet de François Fillon, Jean-Paul Faugère, pour s’expliquer sur les cours de philosophie qu’il est censé assurer à l’université Paris-VII.

"J’ai été reçu par le directeur de cabinet de M. Fillon au sujet de l’article du Canard enchaîné", a déclaré l’ex-ministre de l’Education nationale à l’issue de l’entretien qui a duré environ 30 minutes.

Le Canard enchaîné affirme que Luc Ferry était convoqué ce mercredi par le président de l’Université Paris-Diderot (Paris-VII), où il aurait perçu des rémunérations pour des cours de philosophie à la rentrée 2010 qu’il n’a pas donnés.

"Je n’ai jamais été convoqué, tout ça est absurde", a toutefois assuré Luc Ferry . "Je vais mettre les choses au point, c’est d’une simplicité biblique : il y a aujourd’hui des milliers d’enseignants, et j’en fais partie, qui sont comme moi détachés auprès d’administrations, c’est bien connu", a-t-il expliqué.

« Aucun problème »

"Mais cette année, ce qui s’est passé, c’est tout bête, c’est que la nouvelle loi sur l’autonomie des universités rend impossible la mise à disposition des professeurs d’université auprès d’organismes qui ne sont pas agréés par l’université et moi, je suis dans ce qu’on appelait autrefois le commissariat au plan, le Commissariat d’analyse de la société" qui ne serait pas agréé, a-t-il ajouté.

Désormais, "il faut un détachement, qui est en cours", a précisé l’ex-ministre. "L’arrêté de détachement va être mis en place, c’est prévu depuis plusieurs mois, il n’y a absolument aucun problème", a-t-il assuré.

Interrogé sur le fait qu’il puisse dispenser des cours entre la mi-juin et la mi-juillet, une possibilité évoquée par Le Canard, l’ex-ministre a répondu : "Je n’ai pas à faire cours car je suis détaché de service".

"Je l’aurais fait volontiers, mais le président de l’université m’a lui-même dit vous savez M. le ministre, on ne souhaite pas tellement que vous veniez faire cours, car quand vous venez ça fait du remue-ménage", a-t-il poursuivi.

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Avec la loi sur l’autonomie, Luc Ferry ne peut plus sécher ses cours - Philippe Jacqué, Le Monde, 7 juin 2011

Luc Ferry manque à son université. Professeur de philosophie à l’université Paris-Diderot (Paris-VII) depuis 1996, l’ancien ministre de l’éducation nationale était censé assurer cette année ses enseignements. Sa mise à disposition auprès du Conseil d’analyse de la société (CAS) qu’il préside est obsolète depuis septembre 2010. Depuis cette date, il aurait donc dû reprendre son service d’enseignant-chercheur en plus de sa charge de président du CAS. Chose qu’il n’a jamais faite, déplore-t-on à Paris-VII.

En fait, depuis 1996, le philosophe n’a jamais mis les pieds sur le campus de Paris-Diderot, "ni le moindre orteil", relève un universitaire de la faculté de lettres, arts et cinéma, dont relève le philosophe. Luc Ferry a toujours bénéficié de décharge de service d’enseignement, sous forme d’arrêté ministériel. De 1994 à 2002, quand il présidait le conseil national des programmes du ministère de l’éducation, puis pendant la période où il était ministre de l’éducation nationale (de 2002 à 2004), puis en tant que président du CAS depuis 2004.

Pendant ses divers mandats, l’université assurait le traitement du fonctionnaire - autour de 4500 euros aujourd’hui -, tandis que chaque institution lui donnait une allocation de fonction. Le CAS lui alloue par exemple 1 700 euros mensuel.

Cependant, avec la loi d’autonomie des universités, tout change… Etant responsable de sa masse salariale et de sa politique de ressources humaines, une université ne peut plus justifier ce type de mise à disposition non compensée. En effet, explique au Monde Vincent Berger, président de l’université Paris-Diderot, "depuis que notre université a accédé à l’autonomie, nous sommes responsables et comptables de nos emplois et nous ne pouvons pas accorder de décharge d’enseignement sans raison ou sans convention de détachement de personnel. Depuis septembre 2010, Luc Ferry devrait assurer son service d’enseignement comme tous les professeurs. Cela fait quelques mois que nous lui demandons de régulariser sa situation et nous espérons que cela sera fait très prochainement."

Contacté par Le Monde, Luc Ferry estime qu’il ne s’agit là que d’un simple "pépin administratif". "En tant que président du CAS, je bénéficie d’une mise à disposition, car j’ai beaucoup de travail. Avec la nouvelle loi d’autonomie des universités, les mises à disposition prennent simplement plus de temps… Il faut passer par une convention entre le CAS et l’université. Tout va donc rentrer dans l’ordre."


"CELA PEUT RELEVER D’UN EMPLOI FICTIF"

Cependant, comment un membre du conseil d’administration (CA) de Paris-Diderot, cette perspective est impossible : "Une université n’a pas le droit d’employer une personne qui ne travaille pas pour elle. Cela peut relever d’un emploi fictif".

Au ministère de l’enseignement supérieur, on s’agite donc pour trouver une voie de sortie honorable à Luc Ferry. L’idée est ainsi de donner une "délégation du CNRS" à l’universitaire. Tout en restant à Paris-VII, cette procédure permettrait à Luc Ferry de "cesser tout service d’enseignement pendant le temps de sa délégation (six mois ou un an) pour se consacrer à une activité de recherche au CNRS".

Afin de valider cette décision, le CA de Paris-Diderot a dû se réunir le 31 mai en formation réduite aux seuls enseignants-chercheurs pour analyser cette demande du CNRS. Selon un membre du CA, "beaucoup d’universitaires ont alors découvert que Luc Ferry était membre de l’université, et qu’il n’y enseignait pas !"

"Je n’ai aucune envie d’être dans l’illégalité", assure Luc Ferry, par ailleurs membre du comité consultatif national de l’éthique. "Je me suis mis d’accord avec Paris-VII. Si la convention entre le CAS et l’établissement n’est pas signé avant le 15 juin, je ferai mes heures d’enseignement." Avec la fin des cours, peu d’étudiants fréquentent encore le campus si ce n’est pour se rendre à la deuxième session d’examens. Il sera donc difficile de caser les 192 heures d’enseignement qu’il doit pendant les deux dernières semaines de l’année. Pour le philosophe, ce n’est pas un problème : "Je ferai une leçon façon Collège de France", comme le lui a proposé l’université.

Philippe Jacqué

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