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Rentrée 2011 au lycée : qui paie l’addition des suppressions de postes ? - Dossier Educpros, Virginie Bertereau et Natalie Fernandez, 22 août 2011

mardi 23 août 2011, par Laurence

Quelque 66.000 suppressions de postes dans l’Éducation nationale en 4 ans, cela se ressent, cela se voit. Quelles sont les conséquences dans les lycées ? Enquête sur ceux qui paient la facture et sur les compromis des proviseurs à l’heure de donner les emplois du temps aux enseignants.

Comptes et décomptes des 66.000 postes supprimés à l’heure de la rentrée 2011 au lycée

Nicolas Sarkozy l’a promis : « la réforme du lycée se fera à moyens constants ». Jusqu’ici, la promesse a été tenue. Mais il n’empêche que les 66.000 suppressions de postes dans l’Éducation nationale recensées depuis 2007, en majorité des enseignants, impactent sa mise en œuvre.
Pour l’appliquer, à chaque lycée de faire son choix sur ce qui lui semble important de garder ou de supprimer. « Aujourd’hui, on regarde au plus près. Peut-être le fallait-il… Mais tout devient compliqué, jusqu’à la construction des emplois du temps. La marge que nous avions permettait des parcours plus individualisés. Cours artistiques, culturels, options… : le lycée offrait des palettes plus vastes. Cela faisait sa richesse. Aujourd’hui, les établissements sont mis en compétition », déclare Martine Duval, proviseur du lycée Charles-de-Gaulle à Rosny-sous-Bois.

500.000 élèves en moins

L’argument de la baisse du nombre d’élèves a souvent été avancé par le ministère pour justifier une bonne partie de ces coupes franches. « Nous avons 35.000 postes d’enseignants de plus qu’il y a 15 ans alors que nous avons 500.000 élèves de moins. Nous restons l’un des pays de l’OCDE qui investit le plus dans l’éducation », affirmait encore Luc Chatel, le ministre de l’Éducation nationale en juin 2011.

« La baisse démographique explique des suppressions de postes pour tel ou tel endroit. Mais on ne peut pas utiliser cet argument de façon globale au niveau national », nuance Claude Lelièvre, historien de l’éducation. D’autant plus qu’aujourd’hui, le nombre d’élèves au collège et au lycée est en hausse : la DEPP (Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance) a relevé +0,4 % des élèves du second degré à la rentrée 2010 par rapport à 2009 (+0,5 % en collège, +1,6 % en lycée professionnel et –0,4 % en lycée général et technologique). La DEPP prévoyait une hausse plus forte en 2011, avec l’arrivée des enfants du baby-boom de l’an 2000.

Des ajustements par petites touches

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Rentrée 2011 au lycée : quelles disciplines font les frais des suppressions de postes ?

Au lycée général et technologique, les disciplines générales qui ont perdu le plus d’enseignants entre 2007-2008 et 2009-2010* sont la philosophie (-5,1 %), les langues (- 4,9 %), l’histoire-géographie (-4,1 %) et la physique-chimie (-3,8 %).

Au lycée professionnel, les coupes sont encore davantage perceptibles. Il s’agit en premier lieu du génie mécanique (-15,3 %), du génie industriel (-13,7 %), du génie électrique (-12,9 %) et dans une moindre mesure des maths (-6,9 %) et des lettres (-3,9 %).

Maths, français : les disciplines visibles

À l’heure où l’on pointe du doigt les résultats scolaires moyens des jeunes français à PISA, ces chiffres peuvent sembler étonnants. « Les disciplines les plus touchées sont celles où il y avait le plus d’heures à l’origine par classe, les matières les plus visibles. Par exemple, si on perd une division [classe, NDLR] qui avait 5 heures de français par semaine, on perd 6 heures de service de professeur [ses heures de cours et son heure de préparation, NDLR] », explique Guy François, principal du collège Maxime-Deyts de Bailleul, secrétaire départemental du Nord du SNPDEN (syndicat national des personnels de direction de l’Éducation nationale)**. Selon le ministère de l’Éducation nationale, « les suppressions de postes sont liées aux besoins des académies. Selon les endroits, on compte plus de professeurs de maths qui partent à la retraite. Ailleurs, ce sera plus des professeurs d’histoire-géographie. Il n’y a pas d’arbitrage national ».

Options : chronique d’une mort annoncée

Reste ce que Patrick Fournié, proviseur du lycée Poincaré à Nancy et secrétaire national du syndicat Indépendance et direction, appelle la « chasse aux petits effectifs ». « Quand il faut faire avec moins de moyens, on est partagé entre l’idée de garder des sections prestigieuses [comme les sections européennes ou internationales, NDLR] et des disciplines sur-encadrées comme les options ou rebattre toutes les cartes », explique Claude Lelièvre, historien de l’éducation. Et d’après la plupart des témoignages recueillis, la solution 1 recueille le plus de suffrages.

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Primaire, collège, lycée : des suppressions de postes différemment réparties

Premier et second degrés, même combat ? Pas tout à fait… En 2011, parmi les 16.000 suppressions de postes prévues dans le public, on compte 8.967 enseignants du primaire contre 4.800 enseignants de collège et de lycée. « On a lancé l’objectif d’atteindre 80 % d’une classe d’âge au niveau bac [en 1985, NDLR]. Depuis, les efforts se portent sur le second degré, notamment le lycée », rappelle Claude Lelièvre, historien de l’éducation.

Le collège ponctionné

Le second degré, avec près de la moitié du budget de l’Éducation nationale qui lui est dédiée, est donc privilégié. Mais on constate des inégalités en son sein même. Entre 2007-2008 et 2009-2010, le collège a été particulièrement touché proportionnellement aux lycées professionnels ou généraux et technologiques*. Près de 40 % des postes d’enseignants en moins dans le second degré sur cette période ont touché le collège (6.115 postes sur 15.348 au total) contre 36,4 % (-5.591) pour le lycée général et technologique et 23,7 % (-3.642) pour le lycée professionnel.

Avec des conséquences sur le terrain. « À la rentrée 2011, on perd 2 classes alors que l’on prévoit 23 élèves en moins. Pour 2 jeunes en moins en 5e, on supprime une classe entière. Idem pour 8 élèves en moins en 4e », témoigne Marylène Chignard, professeur de maths du collège Marie-Mauron de Pertuis. Résultats : « une augmentation du nombre d’élèves par classe et la disparition d’une 3e spécifique donc l’intégration d’élèves en grande difficulté avec les 29-30 autres. Et encore, l’inspection académique n’a pas du tout pris en compte la construction de 143 logements livrés en 2011-2012 dans le secteur de l’école et la hausse programmée des effectifs qui va de pair », ajoute-elle.

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Enseignements d’exploration, TP et soutien font aussi les frais des suppressions de postes au lycée

Au lycée, qui dit empiètement sur les marges de manœuvre, dit empiètement sur les cours en petits groupes (ou « dédoublements »). « Dans certains établissements du secteur, les enseignements d’exploration de seconde se déroulent en classe entière. Pour notre part, nous avons réussi à nous débrouiller avec notre part d’autonomie : les enseignements d’exploration scientifiques et technologiques – MPS (méthodes et pratiques scientifiques), sciences et laboratoire, et création et innovation technologiques – ont lieu en groupe », témoigne Bruno Bobkiewicz, proviseur du lycée Le Corbusier à Aubervilliers et secrétaire académique du SNPDEN (syndicat national des personnels de direction de l’Éducation nationale).

Mais les choses ne se passent pas toujours aussi bien. « Au lieu d’enseigner à une classe entière à 30, et à une classe en ½ groupe à 15 en terminale ST2S (sciences et technologies de la santé et du social), on me donne 2 heures de cours en classe entière à 30 élèves (voire 32) », raconte Emma Avery, professeur d’anglais au lycée polyvalent du Golf de Dieppe.

« On réduit la partie grasse »

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Les académies les plus touchées par les suppressions de postes

Entre 2007-2008 et 2009-2010, les académies qui ont perdu le plus d’enseignants du second degré (en valeur absolue) sont les académies de Lille (- 1451), Versailles (- 1431), Créteil (- 1282), Bordeaux (- 940), Grenoble (- 849) et Nancy-Metz (- 839)*. Celles-ci sont également particulièrement touchées en 2011. Mais si l’on tient compte des chiffres relatifs (le nombre de suppressions de postes par rapport au nombre total des enseignants), la hiérarchie change légèrement. Les 6 de tête deviennent : Reims (-6,2 %), Lille (-5,8 %), Amiens (-5,7 %), Bordeaux (-5,5 %), Nancy-Metz (-5,5 %) et Grenoble (-4,9 %). Créteil et Versailles arrivent juste derrière (respectivement -4,6 % et -4,4 %).

Réajuster selon les effectifs

Le réajustement par rapport à l’évolution de la démographie s’impose comme le principal motif de ces coupes. Ainsi, les académies de Reims, Nancy-Metz ou Lille font également partie des académies qui perdent le plus d’élèves (en chiffres relatifs) : -3 % sur la période étudiée. «  Des académies ont plus de postes que nécessaires au prorata du nombre d’élèves », admet Guy François, principal du collège Maxime-Deyts de Bailleul et secrétaire départemental du nord du SNPDEN (syndicat national des personnels de direction de l’Éducation nationale).

Mais parfois, l’argument ne tient pas. Dans l’académie de Bordeaux, par exemple, on compte 5,52 % de professeurs en moins pour 1 % d’élèves en plus entre 2007-2008 et 2009-2010. Idem dans celle de Poitiers où l’on compte 3,61 % de professeurs en moins pour 1 % d’élèves en plus.

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