Accueil > Revue de presse > Une école d’ingénieurs, avec ou sans prépa ? Olivier Rollot, Le Monde.fr, 17 (...)
Une école d’ingénieurs, avec ou sans prépa ? Olivier Rollot, Le Monde.fr, 17 octobre 2010
lundi 17 octobre 2011, par
Pour lire cet article sur le site du Monde
Alors que pas moins de 200 écoles d’ingénieurs sont aujourd’hui habilitées à remettre le titre d’ingénieur par la Commission des titres d’ingénieur (CTI), il existe de nombreuses façons de les intégrer. Si celles qui demeurent les plus demandées – Polytechnique, Centrale, AgroParisTech, etc. – recrutent avant tout sur prépa –, elles sont de plus en plus ouvertes à d’autres profils déjà diplômés, qu’il s’agisse de titulaires d’un BTS, d’un DUT ou d’une licence. "Cette diversité dans le recrutement nous permet aujourd’hui d’avoir une vraie pluralité d’étudiants et d’enseignants, avec par exemple plus de 30 % de boursiers", commente Gilles Trystram, le directeur d’AgroParisTech, la plus grande école de sciences du vivant française.
Ce que confirme Bernard Remaud, le président de la CTI : "Nous avons entrepris depuis quelques années d’élargir notre recrutement à des profils différents de ceux des prépas, plus ancrés dans la pratique, que sont les élèves de DUT, voire de BTS, sans parler des universitaires, que nous recrutons après la licence." De plus, la dichotomie classique qui mettait les écoles post-prépa loin devant celles recrutant après le bac tend à s’estomper. L’école post-bac qu’est INSA Lyon se positionne ainsi maintenant dans le "top ten", toutes écoles confondues. "Grâce notamment à la qualité de notre recherche et à nos vingt laboratoires, dont beaucoup sont mixtes, que ce soit avec de grands instituts de recherche, comme le CNRS ou l’Inria, ou avec l’université Lyon 1 ou encore Centrale Lyon", commente Eric Maurincomme, son directeur.
Enfin, la montée en puissance de l’apprentissage ouvre les portes des écoles à un plus large public. Pas moins de 165 des 500 diplômes délivrés par les écoles accréditées sont aujourd’hui ouverts en apprentissage.
APRÈS LA PRÉPA, UNE PLACE, MAIS LAQUELLE ?
"Les écoles d’ingénieurs ne sont pas si sélectives. Entrer en prépa, c’est avoir 95 % de chances d’intégrer une école d’ingénieurs." Qui dit cela ? Yves Demay, le directeur d’une des toutes meilleures écoles d’ingénieurs françaises, l’ENSTA de Paris (Ecole nationale supérieure de techniques avancées), membre de ParisTech. Effectivement, il y a aujourd’hui de la place pour tous les élèves des prépas scientifiques dans les grandes écoles. Mais cela ne signifie évidemment pas que tous intègrent celle de leurs rêves.
Un petit tour du côté du concours commun polytechnique est à ce titre édifiant. Y cohabitent la très prestigieuse Ensimag de Grenoble (spécialisée en informatique), comme l’ENSGTI de Pau (génie des technologies industrielles) ou encore l’ENSIP de Poitiers, qui sont beaucoup moins renommées. "Postuler dans une école post-bac, c’est avoir la garantie d’intégrer une école qui vous plait quand vous ne savez pas forcément où vous serez intégré après les concours post-prépas, défend de son côté Bertrand Bonte, président du bureau Geipi-Polytech, qui représente quelque 25 écoles d’ingénieurs universitaires post-bac. La prépa reste incontournable, si on veut accéder aux dix meilleures écoles parisiennes."
L’Ensimag (Ecole nationale supérieure d’informatique et de mathématiques appliquées) est une grande école universitaire membre de Grenoble INP.
L’Ensimag (Ecole nationale supérieure d’informatique et de mathématiques appliquées) est une grande école universitaire membre de Grenoble INP.ENSIMAG
VOTRE PLACE DANS L’ENTREPRISE, C’EST AUSSI VOUS QUI LA FAITES
"Bien sûr, tous les élèves n’entrent pas à Polytechnique, bien sûr tous n’obtiendront pas le même niveau de rémunération, mais personne n’est largué après sa prépa", répond Yves Demey. "Je le dis sans détour, à choisir entre les ENSTA Paris et Bretagne, il faut mieux choisir Paris, confie Francis Jouanjean, le directeur de l’ENSTA Bretagne située à Brest. Mais ensuite, tout reste possible dans l’entreprise. Certains de nos diplômés font de grandes carrières qui n’ont rien à envier à celles des diplômés des meilleures grandes écoles parisiennes."
Un diagnostic que confirme Gérard Pignault, directeur de CPE Lyon, l’une des très bonnes écoles d’ingénieurs classées post-bac, et président à la commission Recherche & transferts de la conférence des grandes écoles : "Aujourd’hui, les choses sont beaucoup moins figées qu’avant dans l’entreprise. Quand on me dit qu’il est impossible d’aller tout en haut de l’échelle sans être passé par les plus prestigieuses écoles, je rappelle des exemples, comme celui de Jean-Charles Tricoire, PDG de Schneider Electric, l’une des plus grandes entreprises électriques, qui sort de l’ESEO d’Angers."
PRÉPA OU ÉCOLE POST-BAC ?
Si certains élèves se détournent des prépas, c’est aussi qu’ils ont peur d’y travailler trop intensément, de se gâcher la vie pendant deux ou trois ans. Un diagnostic que réfute totalement Joël Vallat, le proviseur du célèbre lycée Louis-le-Grand, à Paris : "Il faut casser cette image de bagne. Nos élèves travaillent beaucoup, beaucoup plus qu’en terminale, mais ils font aussi de la musique ou jouent des pièces de théâtre". De plus, là encore, contrairement à une réputation tenace, ces élèves travaillent ensemble. "Il y a une forte émulation, pas de concurrence, assure Joël Vallat. Résultat : nos anciens élèves nous disent garder de meilleurs souvenirs de leur prépa que de la grande école qu’ils ont intégrée ensuite."
Tout est en fait une question de profil, selon la majorité des directeurs d’écoles. "Je conseillerais plutôt les prépas à des élèves à la fois moins sûrs de leur choix et aimant la compétition, explique Gérard Pignault, alors que notre classe prépa intégrée correspond à des étudiants qui sont déjà bien fixés sur leur avenir."
En résumé, les bons élèves de terminale qui préfèrent aller dans une école post-bac veulent généralement privilégier leur rythme de vie, leur environnement de travail et l’ambiance avec leurs camarades. "De plus, ils trouvent dans les écoles post-bac des cours plus concrets au sein de nos laboratoires. C’est ce qu’ils attendaient depuis longtemps, pour passer à une approche plus pratique des cours", assure Alexandre Recchia, délégué général du concours Avenir, qui regroupe quatre grandes écoles d’ingénieurs post-bac.
"Entrer en prépa, c’est avoir 95 % de chances d’intégrer une école d’ingénieurs", confie Yves Demay, le directeur de l’ENSTA de Paris, membre de ParisTech.
"Entrer en prépa, c’est avoir 95 % de chances d’intégrer une école d’ingénieurs", confie Yves Demay, le directeur de l’ENSTA de Paris, membre de ParisTech.ENSTA ParisTech
APRÈS LE BAC, PLUSIEURS FORMULES
Les écoles post-bac ont beau se détacher du modèle prépa, leur cursus n’en est pas moins quasiment toujours conçu sur le même modèle : deux années de cours, dans ce qu’on appelle généralement une "prépa intégrée", suivies des trois années du cursus ingénieur à proprement parler.
Mais les choses évoluent et certaines écoles se rapprochent du modèle LMD (licence-master-doctorat). C’est le cas de l’Efrei près de Paris, une école dont le cursus se décompose entre trois années de licence et deux années de master. "Cela permet également à nos étudiants d’acquérir une licence de sciences et technologies, mention mathématiques et informatique, en partenariat avec l’université de Paris-Est Marne-la-Vallée", se félicite Jean Meunier, son directeur.
Quant aux cycles préparatoires communs, ils permettent d’intégrer plusieurs écoles. C’est notamment le cas dans les Polytech, comme à l’université de Nantes, dont le président, Yves Lecointe, se réjouit de pouvoir proposer à ses "étudiants en sciences de suivre peuvent pendant deux ans des cours supplémentaires en sciences de l’ingénieur et avoir ensuite accès aux douze écoles du réseau Polytech".
LES ADMISSIONS SUR TITRE : APRÈS UN PREMIER DIPLÔME
De plus en plus d’étudiants préfèrent aussi commencer leurs études par une licence universitaire ou un cursus professionnalisant, type DUT ou BTS, en le complétant ou non par une licence professionnelle. Une stratégie qui leur permet d’intégrer une école d’ingénieurs par le biais de ce qu’on appelle les "admissions sur titre", ou encore les "admissions parallèles". "Au total, la moitié de nos élèves nous rejoignent après le bac dans le cadre de notre prépa intégrée, 30 à 35 % après une prépa, par le biais du concours commun polytechnique, et 15 % sont admis sur titre, généralement après un DUT, mais aussi parfois après un BTS", explique ainsi le directeur de CPE Lyon.
Autre exemple, à l’Efrei, la moitié du recrutement a lieu après le bac et l’autre, en troisième année, avec 60 % d’élèves issus de prépas pour 40 % d’IUT. "En troisième année, nouveaux entrants et internes, ceux qui sont entrés dès le bac, suivent un cursus séparé correspondant à leurs qualités propres et se rejoignent en quatrième année une fois au même niveau partout", commente Jean Meunier.
Et même une très bonne école comme AgroParisTech intègre quelques titulaires d’un DUT génie biologique (option industries alimentaires), à côté de ses 60 % d’élèves issus de prépa. "Par rapport aux élèves de prépas, nous les remettons à niveau en maths ou en langues. Par contre, ils ont un esprit beaucoup plus pratique que les élèves de prépas", commente Gilles Trystram.
Deuxième école d’ingénieurs française en termes d’effectifs, l’ESTP rénove son campus aux portes de Paris .
Deuxième école d’ingénieurs française en termes d’effectifs, l’ESTP rénove son campus aux portes de Paris .ESTP
UN DUT, UNE LICENCE, VOIRE UN BTS
Mais attention, si le DUT est un sésame pour beaucoup d’écoles, les titulaires d’un BTS ont beaucoup plus de mal à s’intégrer. Il est même souvent nécessaire à leurs titulaires de suivre une année de prépa supplémentaire, dite ATS, pour intégrer une grande école d’ingénieurs. A l’Efrei, les titulaires d’un BTS entrent en deuxième année, quand ceux qui possèdent un DUT vont directement en troisième. "En IUT, on rencontre beaucoup d’étudiants qui avaient le niveau pour entrer en prépa et n’ont guère de mal à nous rejoindre, commente Francis Jouanjean, dont l’école, l’ENSTA Bretagne, recrute ces profils pour son cursus en alternance. C’est beaucoup plus difficile pour les titulaires d’un BTS, auxquels nous donnons un tutorat spécifique."
Même diagnostic pour Gérard Pignault, qui recrute lui-aussi quelques BTS pour son cursus en apprentissage : "Ce sont des élèves qui ont plus de mal dans l’abstraction, et nous prenons par exemple soin de leur dispenser les notions de maths indispensables dans le cadre d’exercices pratiques, plutôt que théoriques".
Posséder un BTS ou même un DUT est insuffisant pour intégrer les plus renommées des écoles d’ingénieurs. Une licence, voire une première année de master, est ainsi nécessaire pour entrer à X ou à Centrale autrement qu’avec une prépa. Mais attention, la licence ne permet pas de passer directement en deuxième année, mais seulement en première. "Parmi les 136 élèves que nous avons intégrés cette année, cinq viennent de l’université, tous les autres de prépas, commente Yves Demay. Nous sommes prêts à en prendre plus, mais la population étudiante capable de suivre notre cursus n’est pas assez nombreuse."