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Les ravages de la LRU (245), A propos de l’Université Toulouse Le Mirail, Blog de Bernard Gensane, 11 décembre 2011

mardi 20 décembre 2011

A lire sur le blog de Bernard Gensane

Quelques mandarins des universités de Toulouse, pilotés par les hommes de l’ombre de l’homme du Fouquet’s, sont en train de faire disparaître de la carte universitaire l’Université Toulouse le Mirail. Cela se fait dans la plus grande opacité, en dehors de toute démarche démocratique. Comme à son habitude, le SGEN-CFDT est complice de ce forfait.

On lira ci-dessous le cri d’alarme d’un enseignant-chercheur de Toulouse le Mirail, membre du SNESUP.

"Cher collègue,

Elu SNESup (FSU) au Conseil d’administration de l’UTM, il est de mon devoir de vous adresser le document joint et le commentaire ci-dessous pour vous alerter de l’extrême gravité des décisions que vient de prendre la direction de notre université sous le couvert fallacieux du projet IDEX. Il en va en effet de l’avenir même de notre établissement, des disciplines de lettres, langues, arts et sciences humaines et sociales, qui sont les raisons d’être de notre identité d’enseignants et de chercheurs et, plus largement, de la démocratie universitaire.

Je vous invite instamment à en prendre connaissance, à le diffuser autour de vous et à ne pas hésiter à faire part de votre sentiment au président Filâtre.

La direction SGEN-UD de l’UTM a délibérément caché à la communauté universitaire la mise à mort en 2012 de notreuniversité et a trompé les élus aux conseils sur ses véritables projets

Ni la communauté universitaire, ni ses élus aux conseils n’ont pu avoir accès aux documents du projet IDEX envoyés cette semaine au ministère par le PRES. Ce projet a été préparé dans le plus grand secret par les présidents des universités toulousaines, aidés de quelques universitaires triés sur le volet.

En dépit des demandes réitérées des élus SNESup aux CA des 8 et 22 novembre et au Congrès du 10 novembre, le texte du projet (70 pages en anglais !) et son digest (= résumé indigeste en jargon vaguement inspiré du français) récupéré sur le site de l’UT1, sont restés délibérément soustraits à tout examen critique. Pire, c’est un power point à contenu changeant qui a accompagné chaque fois les propos lénifiants du président. Le seul document diffusé – après une heure de débat et à quelques minutes du vote du CA – a été un texte sans rapport réel avec le projet officiel. Pour en juger vous-même, j’ai joint ce texte en annexe du résumé. Rassurés sur les « avancées démocratiques » (sic) obtenues par l’UTM, Pierre-Yves Boisseau et les élus SGEN-UD ont donc, sans élever la moindre objection, approuvé un projet dont ils ignoraient le contenu (officiellement tout au moins).

Ce sont des procédés de dissimulation qui témoignent d’un profond mépris de la représentation élue des personnels et des étudiants. Ils méritent d’être dénoncés avec vigueur comme ceux qui en sont les auteurs ou les complices.

Il est vrai qu’ils ne font qu’anticiper ce qui nous attendrait dès les prochains mois, si notre communauté universitaire laissait mettre à mort notre établissement. Car c’est de cela qu’il s’agit !

Une usine à gaz dirigée par un Père Ubu formaté à la Hight School of Toulouse Economics

Disons-le tout net. Le projet de fusion des établissements dans une « Université de Toulouse » est piloté depuis l’Elysée par B. Belloc, actuel conseiller de Sarkozy et ex-président d’UT1. Son relais local est B. Sire, qui dirige cet établissement. La rédaction de la partie « gouvernance » a été confiée à J. Tirol, manager de l’officine néo-libérale Hight School of Toulouse Economics, fleuron autoproclamé de la recherche « scientifique » à l’UT1. Que tout ce beau monde veuille, avant les présidentielles, liquider le peu de structures démocratiques que la LRU n’a pas détruit en 2006, cela peut se comprendre. Mais au nom de quoi l’UTM devrait-elle se faire hara-kiri – ce qui est à la fois bête et méchant ?

Pour voir tomber sur le Mirail la manne de l’IDEX ? Beau miroir aux alouettes : un fonds placé en bourse et qui rapporterait 30 millions par an, toutes universités confondues… si les traders qui le géreront ne font pas des folies et si la bourse ne s’effondre pas : on peut rêver ! Un brin optimiste, le président espère en récupérer 5 millions. Outre que ce ne représente que 3% de notre budget, il suffit de lire ce sur quoi porte l’IDEX pour voir qu’aucun domaine de LLASHS n’est prévu dans le projet qui sollicite un financement.

Pour améliorer le fonctionnement de l’enseignement supérieur à Toulouse ? Je laisse le président et sa majorité SGEN-UD s’en expliquer auprès des collègues épuisés par le passage aux « responsabilités et compétences élargies », par la réforme des concours d’enseignement, par la refonte des maquettes… et qui s’apprêtent à tout jeter à la corbeille pour préparer celle de la nouvelle licence (20% d’enseignement en plus à moyens humains constants). Plus d’université, plus d’UFR, mais un Collège (qu’elle promotion pour l’UTM !) à la fois « disciplinairement homogène » et « transversal » (ah, la « transversalité », un mot aussi magique que « l’excellence » dans la bouche d’un futur idexman !). Quid des IUT, des écoles, de l’IUFM ? Faut-il se soucier de tels détails ? Rien n’a été préparé, étudié, tout a été bâclé dans la précipitation ? Qu’importe, dès 2012, le grand chambardement commence et, à marche forcée, chacun devra apporter son tuyau dans la gigantesque usine à gaz de l’Université de Toulouse.

Et gare à qui traînera le pas : les sanctions sont prévues contre les récalcitrants. Dès 2012, « ce pacte sera intégré comme préambule aux statuts de chacun des membres d’UT dans les mêmes termes, de manière à en rendre son application irréversible et uniforme ; son non-respect entrainant [« entraînant » s’écrit encore avec un accent circonflexe] une réaction graduée de la part d’UT qui peut aller de la recommandation, au gel des moyens, et jusqu’à l’exclusion du membre. » Il y a des limites au libéralisme mais – heureusement – la chaise électrique n’est pas envisagée !

Quant à la démocratie, il faut être naïf et surtout ignorant de l’histoire de ce courant de pensée pour croire que libéralisme et démocratie sont une seule et même chose. Les rédacteurs de l’IDEX sont d’ailleurs clairs sur le sujet : les « meilleures normes internationales » de « gouvernance optimisée » n’ont pas prévu qu’on puisse élire le « Directeur Général Exécutif (DGE) disposant de larges pouvoirs exécutifs », ni le « Conseil de Surveillance », « limité à 12 personnes, dont 7 sont extérieures » désignés début 2012 « selon une procédure originale qui garantit que leur qualité sera à la hauteur des enjeux » La concordance des temps me semble un peu malmenée mais l’essentiel est que le vulgum pecus des universitaires toulousains se sente honoré d’être pris en main par une élite venue d’ailleurs et qui ne sente pas la Province ! Ce (tout) petit monde dirigera tout : choix budgétaires et répartition des enveloppes entre les « collèges », formations de 95.000 étudiants, diplômes, recherche, gestion et recrutement des personnels (15.000 personnes), administration du patrimoine immobilier…

Finies les libertés académiques séculaires, liquidées les lois Faure et Savary, enterrée l’éphémère « autonomie » de l’UTM octroyée par Pécresse... Dans une ambiance « France-Télécom », le meilleur des mondes néolibéral du DGE de l’UT aura des allures de royaume du Père Ubu.

« L’écosystème de l’innovation » : une machine à décerveler la princesse de Clèves…

Et la recherche dans tout ça ?

Confondant réponse à un appel à projet et définition d’un établissement universitaire, les promoteurs de l’IDEX ne tiennent compte que des recherches appliquées, à débouchés à court ou moyen terme dans le tissu industriel local. Singulière atrophie de l’excellence scientifique !

Impasse complète sur la recherche fondamentale dans toute sa dimension et particulièrement sur ce qui se rapporte au vaste champ de la vie intellectuelle que l’on baptisait les « humanités »… au temps où le franglais technocratique ne s’était pas encore imposé comme lingua franca des rédacteurs de textes officiels.

Piégée au cœur de « l’écosystème de l’innovation », version moderne de la machine à décerveler du Père Ubu – encore lui ! – il y a fort à craindre que la princesse de Clèves ne trouve pas de niche où survivre. Entre Standard and Poor’s et l’AERES, entre triple A et A+, que pèsera l’immense champ de nos disciplines qui ne peuvent se monnayer dans « l’économie de la connaissance » ? D’ailleurs, chacun pourra remarquer qu’il en est question une seule fois dans le texte, en toute fin de document, au titre d’un « Collège sciences humaines et sociales », qui ne daigne même plus faire allusion aux lettres, langues et arts. Les collègues concernés apprécieront le sérieux de la défense de nos intérêts par D. Filâtre lors de la rédaction de ce document. Ils pourront imaginer le sort qui les attend dans la prochaine UT si la coalition SGEN-UD conduite par P.-Y Boisseau garde les rênes de l’établissement en 2012 !

En perdant la maîtrise de notre budget, celle de nos formations et diplômes, celle du recrutement des enseignants-chercheurs et BIATOS et en donnant un blanc-seing à des personnes extérieures à notre univers intellectuel et scientifique – mais rompues aux techniques du management libéral et obnubilées par la rentabilité immédiate de leurs investissements – c’est un pan majeur du patrimoine universitaire toulousain qui sera sacrifié...

Il était de mon devoir d’élu de vous en alerter.

Il est du nôtre, collectivement, de refuser d’être les otages d’un tel coup de force."

Toulouse, le 9/12/2011
Didier Foucault
PR d’histoire – laboratoire FRAMESPA
Elu SNESup (FSU) au CA de l’UTM

Un collègue m’écrit ceci :

"Ahurissant ! Ils sont en train de nous jouer au niveau de Toulouse la même musique qu’au niveau de l’Europe, des décisions supranationale prises par des instances qui n’ont aucune légitimité démocratique et qui engagent les populations sans même leur demander leur avis. J’ai surligné quelques passages qui me paraissent éloquents, mais on pourrait tout surligner. Nous avons vraiment du souci à nous faire au niveau aussi bien de notre recherche que de nos formations. Côté recherche, c’est très clair, toute recherche qui ne s’inscrira pas dans les 3 axes du PRES est quasiment condamnée à vivoter dans le meilleurs des cas. Côté formations, c’est à peu près le même topo. Ne seront validées par UT (qui a droit de vie et de mort sur les offres de formation du site) que les formations ayant une dimension internationale "reconnue", autant dire que nous sommes globalement peu concernés car ça vise évidemment celles qui pourront s’articuler aux axes du PRES, c’est-à-dire qui seront suffisamment porteuses en matière de développement de l’innovation (au sens industriel du terme). Faites les comptes !

J’en passe et des meilleures sur le plan du fonctionnement démocratique pour seulement souligner que le dispositif est prévu pour être irréversible, et que les futurs Collèges (à quelques poils près les universités actuelles, sauf UT2 divisée en 2 et les écoles d’ingé regroupées en un seul collège) qui ne seront pas sages seront punis (je n’exagère pas). Ceux qui remplaceront les actuels présidents, pourvus du titre de doyen, ne seront plus élus mais nommés par l’UT, on ne précise pas comment.

Il y aurait beaucoup à dire sur ce texte et il faut le dire, dire notamment que la façon dont est rédigé le texte montre très clairement que tout est déjà décidé contrairement aux mensonges de notre actuel président. Il n’y a rien à négocier et rien n’est prévu pour la négociation, ce qui est dans la logique complète du projet puisque la seule instance où siègeront en nombre ultra limité les représentants du personnel et des usagers (1 enseignant, 1 BIATOSS, 1 étudiant, sur 12 dont 7 extérieurs !) est seulement consultative. Ne parlons pas du Sénat Académique restreint où ne siègeront que les "meilleurs" professeurs et chercheurs du site.

Diffuser le texte de Didier est une bonne chose, car il dénonce déjà avec pertinence les dangers de telles dispositions, même si je pense qu’il est à réactualiser à la lumière de ce document, mais on ne peut pas en rester là. Il faut absolument mobiliser la communauté universitaire pendant qu’il est encore temps de façon à essayer de rendre impossible les décisions des présidents délégitimés par leur comportement.

C’est notre avenir immédiat qui est en jeu, pas un futur plus ou moins indéfini ! Et ne nous leurrons pas, rien ne permet de penser qu’un éventuel changement de majorité en avril prochain (je parle des élections nationales puisque, le texte prévoit que même un changement de majorité locale ne pourra rien). Je pense que ce serait quelque part pour nous criminel d’attendre car nous n’engageons pas que notre avenir immédiat. Il est à peu près certain que le projet de fusion sur Toulouse est un des pires sur le plan national, mais il n’y a pas de fatalité. "