Accueil > Revue de presse > Assez de “l’autonomie” ! - Philippe de Lara, Educpros, 22 janvier (...)

Assez de “l’autonomie” ! - Philippe de Lara, Educpros, 22 janvier 2012

dimanche 22 janvier 2012, par Mariannick

Je ne crois pas être le seul universitaire à être agacé et même franchement inquiet du consensus des trois principaux partis politiques de notre pays sur la soi-disant « autonomie des universités » : l’UMP et le président sortant, le PS et son candidat, et enfin les journalistes, tous s’accordent pour citer l’autonomie des universités (en précisant immanquablement : « attendue-depuis-20-ans-par-la-communauté-universitaire ») comme LA réforme réussie du quinquennat : indispensable, consensuelle, ayant déjà porté ses fruits. « L’autonomie des université ça me va ! » ajoute (si l’on peut dire) François Hollande, tandis que ses conseillers se battent les flans pour avoir l’air de proposer une autre politique. La majorité présidentielle, jouant sur la magie du mot « autonomie » (il est vrai qu’il n’en faut pas plus pour séduire le parti des médias) finit par se persuader que, là au moins, elle a réussi. Les seules critiques qui atteignent le seuil de visibilité sont la demande de moyens et les larmes de crocodile versées sur l’injustice du dualisme entre les écoles qui sélectionnent et les universités qui ne le peuvent pas. Les mêmes qui s’acharnent sur les Prépas ne feront rien pour permettre aux universités de mieux encadrer les jeunes à la sortie du bac. C’est à peu près tout ce qui a été retenu (ce qui ne veut pas dire compris) du « manifeste des refondateurs », auquel j’avais participé : on est très loin de la vue d’ensemble du système d’enseignement supérieur à laquelle nous appelions.

[…]

Qui peut lire le décret nouvelle licence et les documents de travail sur les référentiels des nouvelles licences générales sans partir d’un grand éclat de rire et perdre tout respect pour cette administration et les « experts » qui l’inspirent ?

L’association QSF publiera bientôt une analyse de ces référentiels. Voici en attendant un échantillon :

« C’est l’étudiant et non plus l’enseignant qui doit être au centre du système » [je croyais que c’était plutôt le savoir, mais j’ai dû me tromper]

« Les examens doivent donc vérifier non seulement que les connaissances sont acquises, mais aussi que les résultats attendus ont bien été atteints. C’est à partir des résultats d’apprentissage, et non pas des connaissances, que peuvent être identifiées les compétences acquises » [italiques ajoutés]

Le DGP (directeur général de la Palice) définit ainsi les « RDA » (Résultats d’apprentissage attendus : mais oui, ils l’ont fait ! j’en suis tout stasi) d’un cours d’histoire de L3 sur la religion grecque :

« 1. Connaître les principales caractéristiques de la religion grecque

2. Être capable d’analyser dans ses grandes lignes un récit mythique

3. Être capable de décrire les principaux monuments d’un sanctuaire et leur fonction

4. Être capable de comprendre la place et la fonction du sacré dans les sociétés

5. Être capable de replacer la religion grecque dans l’histoire des religions occidentales

6. Être capable de réunir une documentation appropriée, tant au niveau des sources primaires que de la bibliographie

7. S’exprimer dans une langue écrite et orale correcte. »

Portes ouvertes soigneusement enfoncées me direz-vous, mais là ne s’arrête pas l’audace référentielle : il est précisé que l’évaluation des RDA 1 et 3 seront évalués par QCM, tandis que 4, 5, 6 et 7 seront évalués par une dissertation ou, mieux, un exposé préparé en groupe. « Les R.A. 1 à 3 sont proprement disciplinaires ; les R.A 6 et 7 son typiquement transversaux ; les R.A. 4 et 5 sont mixtes. ».

Le référentiel précise les « Compétences transversales ou génériques induites » par cet enseignement :

- esprit d’analyse et de synthèse (R.A 2, 4 et 5)

- capacité de travail en groupe ( les exposés doivent être préparés en groupe )

- goût et aptitude à la recherche (R.A 6)

- aptitude à rassembler et analyser des informations provenant de sources différentes (RA 6)

- intérêt pour le culturellement différent (R.A 1, 4 et 5)

- engagement éthique : tolérance, respect des opinions d’autrui (R.A. 4 et 5)

- capacité à communiquer (R.A 7)

Tout est prévu donc au pays des RDA, et l’imagination pédagogique n’a qu’à bien se tenir.

Lire la suite ici

En conclusion :
Je traiterai un jour prochain de la professionnalisation, la vraie, pas celle du décret nouvelle licence, et de la façon dont on s’efforce sournoisement de supprimer les concours de l’enseignement en rendant impossible leur préparation et répulsive l’entrée dans le métier. Qui veut noyer son chien…