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Initiatives d’excellence : les sommets du délire ! Sncs Hebdo 12 n°4 du 22 mars 2012

mardi 10 avril 2012, par PCS (Puissante Cellule Site !)

Toujours plus « excellents », toujours plus vite : dans les IDEX finalement « retenues », on ne se retient plus ! À Saclay, à Toulouse des plans de « gouvernance » fleurissent, concoctés sans doute dans « d’excellents » cabinets. La prétention des dénominations choisies - on ne va plus avoir des facultés, on va avoir des « schools » - pourrait faire rire ... Mais les liquidateurs de la démocratie universitaire veulent presser le mouvement. Ils cherchent à faire prendre aux établissements entraînés dans ces aventures des engagements irréversibles, avant le premier tour de l’élection présidentielle. Cette précipitation signe leur mauvaise foi.

Les accapareurs qui se sont déjà taillé des fromages, gros ou petits, dans les EX, ont raison d’avoir peur ! Car le monde de la recherche et de l’enseignement supérieur n’acceptera pas que soient ainsi passés par-dessus bord les principes de la représentation et de la démocratie universitaires. Personne n’acceptera que des engagements pour une décennie soient pris dans la précipitation. Ceux qui poussent à de telles manœuvres, au besoin en cherchant grossièrement à dissimuler les décisions unanimes d’assemblées représentatives, se disqualifient ipso facto comme possibles responsables dans l’enseignement supérieur. Le grand délire des EX ne peut être que le prélude à leur fin.

Le dévoilement, le 3 février 2012, de la dernière fournée d’« Initiatives d’excellence » a libéré tous les fantasmes de ceux qui, les ayant conçus comme leurs rentes, s’y sont préparé pléthore de refuges douillets. On savait que Saclay avait déjà quatre chefs (cf. SNCS-Hebdo 11 n°13). À Toulouse un communiqué triomphal accompagne un dossier proprement terrifiant( [1]).

Cet IDEX exemplaire promet en effet à la grande Université de Toulouse (UT) la sextuple surveillance d’un Comité d’orientation stratégique, d’un Groupe d’experts scientifiques, d’un Conseil de surveillance, d’un Sénat académique, d’un Comité exécutif et d’un Conseil d’université (quand même). Sous la férule, en outre, d’un Directeur général exécutif, les Toulousains n’auront qu’à bien se tenir ! L’excellence sera « illustrée » par un Sénat académique restreint (le SAR) « composé au sein de la communauté des meilleurs professeurs et chercheurs du site » et qui sera naturellement l’arbitre suprême de l’excellence : Ô grand SAR, peux-tu nous dire si tu vois l’excellence ? » - Je le peux. - Il le peut ! (...) Il est sensationnel !( [2])

Et c’est déjà parti : « Afin d’anticiper ce processus et en partenariat avec Thomson Reuters, le PRES de Toulouse a établi dernièrement la liste des chercheurs les plus performants », donc le plus bêtement du monde : en comptant les publications ! Tout ça pour quoi ? « ... être au Top 100 du classement ARWU (...). L’UT, forte de ses 94000 étudiants, sera deux fois plus grande que les universités les plus prestigieuses au monde. » Le bel objectif que voilà ! Une grenouille vit un boeuf ... Mais le classement ARWU, vous l’avez reconnu ? C’est le classement de Shanghaï ! Même les fanatiques de la bibliométrie n’osent plus l’appeler par son nom.

Ne nous moquons pas trop des Toulousains : probablement la plus grande différence entre leur IDEX et les autres est qu’il camoufle moins bien ses intentions. Partout sont à l’oeuvre des auto-proclamés « excellents » qui, parce qu’ils ont fait de la surenchère dans le libéralisme sauvage, se prennent maintenant pour les penseurs de l’université du futur. Toutes ces IDEX qui ont recueilli les faveurs d’un jury soi-disant indépendant (mais surtout celles du gouvernement) ne se sont illustrées qu’en promettant le démontage des établissements existants, l’élimination du principe électif et le remplacement du recrutement statutaire des enseignants-chercheurs par des « tenure tracks » (en français : des trajectoires de précarité au moins jusqu’à 40 ans).

L’élimination du CNRS du paysage fait aussi partie du plan, comme l’ont montré à une communauté scientifique ébahie les fameuses « planches de l’IDEX » de Saclay. Toute la politique des ressources humaines - recrutement des chercheurs compris - est en effet censée passer sous la coupe de la « nouvelle université intégrée ». À l’un d’entre nous demandant au directeur de l’Institut de physique du CNRS de passage à Orsay ce que devenait, dans cette optique, le principe du recrutement par un concours national sur la base de projets librement élaborés, le directeur en question répondait tout de go en février que « le temps des projets établis tout seul dans sa cave était terminé, qu’il fallait qu’on réalise qu’on avait inventé l’électricité » ! La direction du CNRS, hélas, abdique devant les IDEX ! Tout ce que le président Fuchs trouve à recommander, à propos de la structuration de l’IDEX, au dernier conseil de la FCS de Saclay, c’est qu’on conserve le mot « schools » mais en le mettant « entre guillemets » (sic) ... À continuer sur cette pente, c’est bientôt au nom du CNRS même, en guise de linceul, qu’on pourra mettre des guillemets.

Les démolisseurs veulent hâter le processus car la résistance s’amplifie. À Orsay le congrès de l’université Paris-sud (réunion des trois conseils) a voté le 8 mars à l’unanimité une motion refusant toute précipitation et exigeant qu’aucun engagement ne soit signé qui n’ait été approuvé par le conseil d’administration. Cela aurait dû aller de soi, mais les pirates IDEXiens semblent même compter pour rien les garanties réglementaires. Un de ces flibustiers n’a pas hésité à informer son conseil de laboratoire de ce même vote en le présentant comme un « oui » à l’IDEX !

Les promoteurs des IDEX prétendent voir grand, mais leurs constructions insensées ne sont que petit bricolage. Ils veulent faire de « grandes universités » ? Il faut faire une grande Université, à l’échelle du pays entier : l’Université démocratique ! Celle-là aura comme partenaires naturels des organismes de recherche restaurés dans leurs missions et dans leurs moyens. Agissons pour que se présente vite la possibilité de les reconstruire. En premier lieu c’est un devoir de faire échec, par tous les moyens, au plan insensé qui se dévoile de signature précipitée, avant les élections, d’engagements irréversibles.


[2Le Sâr Rabindranath Duval, P. Dac & F. Blanche (1957).