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Quel modèle pour la recherche universitaire ? Les Echos, 30 avril 2012

mardi 1er mai 2012

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Il faut reconnaître un modèle français d’organisation du paysage universitaire, fidèle à nos valeurs, respectueux de notre histoire, ouvert au monde et tourné vers l’avenir. » Dans la liste des appels lancés aux candidats à la présidentielle, celui de la Conférence des présidents d’université (CPU) mérite la médaille d’or de la langue de coton emphatique et incantatoire. Dans un document publié en mars dernier (voir « Les Echos » du 27 mars 2012), la CPU dresse une liste de vingt recommandations destinées à « aider les candidats aux élections présidentielle et législatives à mesurer les enjeux et les évolutions à venir de l’enseignement et de la recherche ». Ce texte alambiqué tente un compromis délicat : rapprocher les points de vue des partisans et des opposants à la loi sur l’autonomie des universités (LRU). En fait, cinq ans après son adoption, la LRU déclenche toujours des réactions épidermiques dans un paysage hexagonal bousculé par une « avalanche de textes et de réformes » menés tambour battant par Valérie Pécresse, alors ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

Bien avant le premier tour de la présidentielle, plusieurs conseillers de François Hollande proches de la mouvance Sauvons la recherche avaient clairement annoncé la couleur en exigeant une « réforme en profondeur de la LRU ». Parmi les principaux griefs figurent le « refus des inégalités territoriales », le risque de « déserts universitaires et scientifiques » et la préférence pour « une logique de coopération se substituant à une logique de compétition ». Ces opposants réclament également une révision du fonctionnement de l’agence d’évaluation des organismes de recherche (Aeres), un recentrage du crédit d’impôt recherche vers les entreprises qui en feront un « bon usage ». Les plus radicaux, proches de Jean-Luc Mélenchon, réclament de surcroît une remise à plat des partenariats public-privé et la mise au rancart de l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance les appels à projet et pilote les investissements d’avenir. Mais, selon l’ancien président de la CPU Jean-Charles Pomerol, fin exégète des motions de synthèse universitaires, « les anti-LRU parlent fort mais ils sont minoritaires ». Le nouveau président de l’université Pierre-et-Marie-Curie (UPMC), Jean Chambaz, ne s’attend pas non plus à une remise en question importante, compte tenu « d’un environnement économique tendu ». Prudente, la CPU conserve deux fers au feu. Elle estime ainsi que « l’autonomie permet de développer des stratégies d’excellence en vue d’acquérir un véritable rayonnement international ». Parallèlement à cette ambition un brin libérale, les universités doivent « maintenir toute absence de sélection à l’entrée » et offrir « une exigence de réussite pour chacun ». En résumé : oui à l’excellence, non à l’élitisme. Le prochain ministre de la Recherche avisera.

La querelle du financement

De nombreux chercheurs hexagonaux préfèrent toujours les budgets récurrents reconductibles plutôt que les appels à projets. Mais comme le rappelle le rapport des députés Claude Birraux (UMP) et Jean-Yves Le Déaut (PS), les financements récurrents représentent toujours « la grande majorité des financements, même s’ils ont baissé de 10 % dans certains laboratoires en 2011 ».

Peu familiarisés avec la comptabilité à coûts complets, les chercheurs français oublient souvent de prendre en compte la caractéristique essentielle du système français : les crédits récurrents couvrent les salaires. Pour mettre tout le monde d’accord, les deux élus font une suggestion astucieuse : « C’est au Parlement de trouver l’équilibre entre les financements sur appel à projets et les financements récurrents. »

Les classements universitaires sont une autre polémique sans fin. Tout en étant contesté, le classement annuel de Shanghai est devenu une référence dominée par les campus anglo-saxons. A la demande de François Fillon, le Haut Conseil de la science et de la technologie (HCST) s’est lancé dans une analyse fine de ces bilans. Grâce aux fusions des universités de Lorraine et d’Aix-Marseille, la France classerait en 2012 4 établissements dans le Top 50 mondial, contre 2 précédemment.

Reste une inconnue de taille : le financement de la recherche publique. Selon une enquête de l’UE, les pays les plus touchés en 2011, sont l’Italie (- 20 %), les Pays-Bas (- 20 %) et le Royaume-Uni (- 40 %), alors que la Finlande (+ 12 %), la France (+ 3 %), et l’Allemagne (+ 2 %) maintiennent le cap. Grâce à leur « initiative d’excellence » et à leur « pacte pour l’innovation et la recherche » financés à la fois par Berlin et les Länder, nos voisins d’outre-Rhin vont injecter cette année environ 90 milliards d’euros dans la R&D publique et privée, contre environ 51 milliards pour l’Hexagone. Au train actuel, en 2015, l’Allemagne pourrait investir deux fois plus que la France dans la R&D, une dépense supposée être le meilleur remède pour innover, créer des emplois et sortir de la crise.

A. P.