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Déclaration des représentants FERC CGT au CTM du 5 juillet 2012

samedi 7 juillet 2012, par Mariannick

Madame la Ministre,

L’enseignement supérieur et la recherche n’ont pas été épargnés par les réformes réactionnaires. Ils ont été un terrain d’expérimentation privilégié, à l’échelle nationale, pour mettre en place un nouveau système profondément inégalitaire fondé sur la sélection et la ségrégation avec des armes telles que « l’excellence », l’orientation et l’insertion professionnelle.

L’annonce du cadrage budgétaire par le gouvernement nous inquiète car elle laisse prévoir de nouvelles restrictions pour notre secteur qui a déjà beaucoup souffert et ne serait pas en mesure de répondre aux besoins, y compris en ce qui concerne les personnels.

Ce secteur a subi de nombreuses mutations : Pacte pour la Recherche, loi Libertés et Responsabilités des Universités (LRU) et des Agences qu’elles ont institué : AERES, ANR, Stratégie Nationale de Recherche et d’Innovation (SNRI).

Ces textes ont débouché sur la transformation en cours des organismes de re cherche (les EPST) en agences de moyens, principalement des ressources humaines. Dans les faits, une grande partie du financement des laboratoires a été transféré des crédits récurrents des EPST au financement d’appels à projets par l’ANR. Les financements par l’ANR sont un outil majeur pour générer l’emploi précaire dans l’ESR. Le CNRS et l’INSERM ont aussi été désaisis de leurs prérogatives en matière d’évaluation des unités de Recherche au profit de l’AERES, agence qui marginalise dans les faits la communauté scientifique , y compris les personnels.

Ces textes ont débouché également dans la mise en place des Alliances et Consortium ainsi que dans la réorganisation régionale de l’enseignement supérieur et de la recherche d’abord autour des PRES puis resserrés sur une dizaine de grands pôles dits « d’excellence », conduisant l’université et la recherche à se concentrer sur les IDEX qui aspirent l’essentiel des moyens. C’est ainsi qu’on assiste à la fusion des universités, mais aussi de centres de recherche, voir les centres d’Orléans et de Tours par exemple à l’Inra ou même des abandons d’unités (Carmaux) C’est ainsi que se déploient les Fondations de Coopérations Scientifiques dont la gouvernance échappe totalement à l’ensemble des salariés.

Cette politique s’est accompagnée de la diminution drastique des crédits récurrents des unités et des laboratoires de recherche au profit d’un financement par projets alors que dans le même temps, l’Etat favorisait les entreprises par le Crédit Impôt Recherche et le Grand emprunt sans pour autant que cela se traduise par un essor tant de la recherche non finalisée que de la recherche appliquée.

Le ressort est le même pour le Plan Campus, la mise en place de partenariats Public / Privé et des RCE creusant l’endettement des universités et de l’Etat sur le long terme pour le plus grand profit des organismes financiers et des grands majors du bâtiment et des travaux publics qui ne sont plus soumis à la concurrence des marchés publics.

Cette politique a pour conséquence la mise en cause de l’égalité d’accès aux formations de l’enseignement supérieur pour tous les bacheliers et sur tout le territoire, la fragilisation des diplômes nationaux ainsi que la dégradation de l’offre de formation universitaire. Notons notamment l’impossibilité de mettre en oeuvre le décret d’août 2011 de licence en conséquence des mesures budgétaires. Cette politique favorise une sélection sociale qui porte atteinte à la gratuité de l’Enseignement Supérieur, garantie d’une égalité d’accès du plus grand nombre.

Cet aspect est renforcé par l’ absence de politique sociale à destination des étudiants, 10e mois de bourse non budgété, allocation d’autonomie qui reste à déterminer, chute des subventions des Crous qui conduit l’ARF a demander l’expérimentation du transfert de compétence « logement étudiant » aux régions.

Cette politique nuit au développement des universités et d’une recherche publique (fondamentale ou finalisée) non lucrative dans des organismes nationaux de recherche, une recherche qui doit contribuer au développement des connaissances et répondre aux besoins de toute la population, sur l’ensemble du territoire, hors de la pression des intérêts privés.

Accompagnée de la RGPP et de la destruction du statut national pour certains corps de fonctionnaires, notamment les BIATOS, cette politique provoque sur l’ensemble des personnels concernés, le développement de la précarité, des recrutements de plus en plus tardifs dans la catégorie A+ et des jeunes docteurs, notamment en SHS et le bio-médical, le blocage des carrières, la fusion des corps, l’individualisation des rémunérations par la PFR et la PES, la dégradation généralisée des conditions de travail.

Nous constatons aussi que les directions d’établissements tendent à continuer, comme si de rien n’était, la mise en oeuvre des politiques néfastes dictées par le précédent gouvernement, ainsi des contrats d’objectifs, État-INRA par exemple, les plans d’action RGPP des organismes et le dégraissage massif des CDD. Il nous semble plus qu’urgent que le Ministère gèle, a minima, ces opérations qui nous apparaissent aujourd’hui caduques.

Pour répondre à l’aspiration de la majorité des collègues, qui s’étaient massivement exprimés lors du mouvement de 2009 et qui ont également manifesté leur rejet des orientations mises en oeuvre dans l’enseignement supérieur et la recherche, le nouveau gouvernement doit impérativement rompre avec cette politique de destruction programmée de l’enseignement supérieur et de la recherche qui ont été durement meurtris ces dernières années.

Pour commencer à restaurer la confiance avec la communauté universitaire, ce gouvernement doit très vite prendre des mesures qui inversent le processus de démantèlement du Service public d’enseignement supérieur et de recherche :

• Abrogation de la loi LRU
• Arrêt des fusions de centres de recherche et d’universités et plus globalement de toutes les mesures liées à la RGPP et à la loi mobilité.
• Un plan de reconstruction des universités se substituant à l’Opération Campus.
• Transfert des crédits ANR restants vers les organismes et les universités pour redonner immédiatement l’oxygène nécessaire au fonctionnement des unités et laboratoires. Cela permettrait aussi de lever les gels d’emplois et la création de postes dès 2012, avant la disparition de cette agence.
• Arrêt immédiat du dégraissage préventif des non-titulaires avec maintien de tous les agents en poste et levée des barrières à la prise en compte de tous les bénéficiaires potentiels pour les dispositifs actuels de CDIsation et de titularisation (notamment contractuels multi employeurs et catégories A+). Au-delà de l’application de la législation actuelle, la CGT revendique la mise en place au plus vite d’un véritable plan de titularisation étant donné l’exclusion de la majorité des non-titulaires du dispositif créé par la loi de mars 2012.
• Règlement de la situation des personnels des CROUS au statut dérogatoire.
• Suppression de la PES, qui est du seul ressort du MESR, et réaffectation des moyens libérés dans les organismes et les universités mais aussi suppression de la PFR.
• Augmentation significative de la rémunération des personnels des CROUS lors de la négociation salariale qui doit s’ouvrir en septembre.
• Restauration des prérogatives du comité national de la recherche scientifique en matière d’évaluation des unités mixtes , en reconsidérant sa composition.
• Abandon de toute procédure d’évaluation des personnels universitaires et notamment celle instaurée pour les enseignants-chercheurs par le décret de 2009 qui doit être effectivement abrogé.

Ces mesures d’urgence indiqueraient également aux personnels une volonté effective de rupture avec la politique mise en place par Sarkozy, Pécresse et Wauquiez. Mais, elles n’ont pour nous de sens que dans un cadre plus général qui permette le développement de la recherche et de l’enseignement supérieur public. Et ce n’est pas le passage en force du texte sur les agents non titulaires qui répond à leurs attentes.