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Lettre spéciale « contribution de la CPU aux assises nationales de l’ESR » n°91 - 19 septembre 2012

jeudi 20 septembre 2012, par M. Homais

Préambule à la contribution de la CPU en vue des Assises Nationales de l’Enseignement supérieur et de la Recherche

Le texte est un préambule aux propositions précises et concrètes que la CPU présentera comme contribution aux Assises nationales de l’enseignement supérieur et de la recherche, à l’issue du travail de concertation qu’elle a engagé entre ses membres pendant son université d’été les 29 et 30 août 2012.

Lors de son audition par le Comité de pilotage des Assises le 31 août, la CPU a clairement exprimé qu’elle ne pouvait s’inscrire dans le calendrier proposé et qu’elle conduirait sa réflexion dans une temporalité qui lui est propre, tout en étant compatible avec la prise en compte de ses propositions dans le cadre du processus national.

Ce premier texte précise les fondamentaux de la CPU quant à sa vision d’ensemble du service public français d’enseignement supérieur et de recherche, les valeurs auxquelles il doit se référer, les principes directeurs qui doivent guider ses évolutions, les méthodes pour conduire de nouvelles politiques d’enseignement supérieur et de recherche.
Les propositions de la CPU seront rendues publiques à la mi-novembre et feront l’objet d’un nouveau texte qui sera adressé au comité de pilotage des Assises et lui sera présenté lors d’une seconde audition.

C’est autour d’universités autonomes et socialement responsables que doit se renouveler l’organisation du service public national d’enseignement supérieur et de recherche

Dans la continuité de l’éducation, l’enseignement supérieur et la recherche sont une composante fondamentale de la politique pour la jeunesse voulue par le Président de la République, à laquelle les universités veulent apporter toute leur contribution. A cet égard, la CPU est pleinement consciente de l’importante responsabilité qui pèse sur les universités : elles jouent un rôle essentiel non seulement dans l’innovation, la croissance et le développement socio-économique de notre pays, mais aussi et surtout dans la construction d’une société de la connaissance. Elles doivent assumer leur responsabilité sociale et l’ambition d’améliorer la démocratisation de notre service public d’enseignement supérieur : c’est un impératif de justice sociale et de responsabilité civique pour l’élévation du niveau de qualification supérieure de notre population ; c’est aussi une nécessité économique pour nos entreprises et nos services publics. L’enjeu est d’atteindre l’objectif de 50 % d’une classe d’âge au niveau de la licence proposé par l’Union européenne.

Des universités au cœur du dispositif

Mais, contrairement aux standards internationaux, les universités françaises ne sont pas les seuls acteurs de la recherche et des formations supérieures. En effet, malgré les nombreuses réformes structurelles qui ont affecté et modifié notre dispositif national, il reste profondément marqué par une double dualité : Universités-Organismes pour la recherche ; Universités-Écoles pour la formation.

Or, en raison de leur poids dans la démographie étudiante, de la densité de leur maillage territorial, de la diversité et de l’importance de leurs missions, parce qu’enfin les universités sont le seul acteur de l’enseignement supérieur et de la recherche qui soit en interaction avec tous les autres, elles jouent non seulement un rôle essentiel de formation - de bac+1 à bac+8 - et de recherche, d’insertion professionnelle de leurs étudiants, d’accueil de tous les publics, mais aussi un rôle économique, social, sociétal, culturel majeur dans leurs territoires, au plan national et au niveau du rayonnement international, notamment par la recherche pour le développement. C’est donc sur les universités que repose la chance de développement, d’adaptation et de mise aux standards internationaux de notre enseignement supérieur et de notre recherche. Les universités doivent être au cœur du dispositif, qui doit s’organiser autour d’elles et permettre les coopérations avec tous les autres acteurs et opérateurs. Les universités doivent être les opérateurs centraux d’un service public national d’enseignement supérieur et de recherche renouvelé.

L’enjeu, pour notre pays, est de donner aux universités françaises les moyens de jouer tout leur rôle dans la dynamique d’internationalisation des universités, en termes de coopération entre elles et avec les autres universités en Europe et dans le monde, mais aussi en termes de compétition pour l’attractivité internationale des étudiants, des enseignants et des chercheurs.

L’université est une et indivisible. Par essence à la confluence de la formation et de la recherche, elle est l’opérateur principal et pivot de l’enseignement supérieur et de la recherche sur un site. Elle doit pouvoir exercer ce rôle de façon autonome dans le cadre d’une gouvernance équilibrée, entre efficience et démocratie universitaire (collégialité). L’université n’est pas le seul opérateur, mais elle est au cœur du système d’enseignement supérieur et de recherche (y compris du système post-bac). L’université inscrit son action et son autonomie dans le cadre d’une régulation de l’Etat qui garantit ses missions de service public.

Assurer les conditions de réussite et d’insertion des étudiants

• Le premier devoir de notre enseignement supérieur est la réussite et l’insertion professionnelle de tous les étudiants.
• Notre système d’enseignement supérieur doit avoir pour ambition l’accueil de tous les publics. L’absence de sélection doit s’entendre à l’entrée dans l’enseignement supérieur et pas seulement à l’université, grâce à l’organisation de parcours adaptés à la diversité des publics, associés à des outils d’orientation effectifs, et permettant de porter une exigence de réussite pour chacun.
• Les universités sont des opérateurs à part entière des politiques de formations tout au long de la vie (formation initiale et continue) et doivent être placées au centre du dispositif des formations supérieures.
• Le lien entre enseignement supérieur et recherche est constitutif de la nature de l’université, à tous les niveaux de formation.
• Nos formations doivent conduire à des diplômes nationaux, dont la qualité et le niveau sont garantis nationalement. Ces diplômes sont reconnus, pour les niveaux licence, master et doctorat, comme des diplômes d’insertion professionnelle et de formation humaniste, scientifique et citoyenne. Les droits d’inscription des étudiants aux diplômes nationaux sont fixés nationalement.
• Les universités sont les principaux responsables de la délivrance du doctorat. Ce diplôme est la référence internationale qui assure que son titulaire est un professionnel de la recherche et de l’innovation. Ce diplôme doit désormais être reconnu dans les conventions collectives et dans le statut de la fonction publique.
• Les universités sont des opérateurs à part entière de recherche, d’innovation et de valorisation, dans un partenariat équilibré avec les organismes de recherche qui ont un rôle essentiel à jouer. Elles doivent, en partenariat avec les opérateurs nationaux et les collectivités territoriales, être l’un des principaux moteurs d’écosystèmes de l’innovation indispensables au renouveau social et économique de notre pays.
• Les universités doivent disposer des moyens leur permettant d’assumer leurs missions de service public, grâce à un effort de rattrapage budgétaire permettant de les hisser aux meilleurs standards européens. Les procédures d’attribution des moyens doivent être transparentes et équitables, inciter à un fonctionnement efficient et permettre aux universités de faire des choix stratégiques, et le cas échéant faciliter les coopérations interuniversitaires. Cela exige une visibilité pluriannuelle de l’évolution des moyens, et une péréquation pour réduire les inégalités entre les différents acteurs et opérateurs.

Établir la démocratie universitaire

• Dans le cadre du service public national d’enseignement supérieur et de recherche et de l’autonomie qui leur est reconnue, grâce à l’implication et à l’appui des collectivités territoriales, les universités ont un rôle majeur à jouer pour le développement des territoires dans lesquels elles sont insérées, et, plus largement, elles sont pleinement conscientes de la responsabilité sociétale qui leur incombe. Il convient, en particulier, de poursuivre, et sans doute accélérer le rapprochement entre universités, écoles et organismes de recherche pour une mise en cohérence du potentiel de formation et de recherche sur un territoire, sur la base de la volonté des acteurs et avec le concours coordonné des pouvoirs publics, nationaux et territoriaux.
• L’autonomie dans la gouvernance et la gestion des universités, revendiquée par la CPU, s’inscrit dans un cadre statutaire national, commun à l’ensemble des universités, fixant de grands principes d’organisation, à l’intérieur desquels doit pouvoir s’exprimer la très grande diversité des situations, des caractéristiques, des histoires et des stratégies des établissements. Cette autonomie implique que les orientations et les décisions des universités doivent être prises par leurs instances. Les universités autonomes sont responsables de leur stratégie, de leur gestion et de leur organisation, de leur structuration interne, de la subsidiarité des responsabilités entre le niveau global (celui de l’université) et le niveau local. Lorsque leur projet est de se regrouper dans un établissement unique, elles doivent pouvoir donner une autonomie relative à certains de leurs membres et favoriser un fonctionnement fédéral explicite avec partage des responsabilités.
• Les universités autonomes ont la responsabilité d’accompagner les carrières de leurs personnels, selon des droits et des procédures inscrits dans le cadre national du statut de ces personnels. Les procédures de gestion des personnels, en particulier enseignants et enseignants-chercheurs, doivent faire l’objet d’une gouvernance collégiale. Les moyens nécessaires à l’exercice de ces responsabilités devront évoluer en fonction du principe de la compensation des charges transférées, qui doit inclure l’actualisation de la masse salariale. C’est une condition indispensable pour faire de l’autonomie des universités un levier positif pour les personnels, les étudiants et la recherche.
• Les universités forment des communautés scientifiques composées d’étudiants, de personnels administratifs et d’encadrement, d’enseignants-chercheurs et chercheurs, égaux en dignité ; chacun de ces acteurs a vocation à contribuer à l’administration des universités, au travers de ses représentants.

Une nouvelle méthode pour la conduite des politiques nationales d’enseignement supérieur et de recherche : responsabilité des acteurs de la communauté universitaire et confiance de l’État.

L’exigence d’une évaluation nationale

• En tenant compte des responsabilités nouvelles exercées par les universités, le temps est venu de retrouver la maîtrise du développement et des transformations indispensables de notre système d’enseignement supérieur et de recherche, de lui redonner la cohérence et la lisibilité qui lui manquent. Cela ne peut se faire qu’autour des universités, et avec elles, au prix d’une évolution très profonde des modes d’intervention de l’État.
• La contrepartie de la responsabilité reconnue aux acteurs de l’enseignement supérieur et de recherche est l’exigence d’une évaluation nationale transparente et homogène des activités d’enseignement supérieur et de recherche par une agence , experte, indépendante, publique, conforme aux standards internationaux.
• Au niveau de chaque établissement comme au niveau national, pour les universités comme pour les autres acteurs et opérateurs, territoriaux ou nationaux, l’élaboration et la conduite des politiques d’enseignement supérieur et de recherche doivent reposer sur des données objectives, transparentes, fiables et certifiées dans tous les domaines d’activité.
• Ces données doivent permettre des analyses dont les méthodes soient connues et puissent être contradictoires. Elles doivent permettre des comparaisons nationales ou internationales, pour aider chaque acteur à construire ses politiques dans la meilleure connaissance de cause possible. Elles doivent enfin pouvoir donner matière au développement de travaux de recherche sur notre système d’enseignement supérieur et de recherche afin d’en améliorer la connaissance et la compréhension.
• Il s’agit de faire confiance à la communauté scientifique pour appliquer au domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche les qualités et les exigences de rigueur, d’objectivité, que l’on s’accorde généralement à lui reconnaître dans les autres domaines de la connaissance.

Pour de nouvelles méthodes de conduite des politiques publiques

• La CPU n’attend pas seulement comme débouché des Assises, des mesures législatives ou réglementaires, mais une véritable rupture dans les méthodes de conduite des politiques publiques en matière d’enseignement supérieur et de recherche, en utilisant toute la palette des outils disponibles qui ne se résument pas à la loi ou à la réglementation. Les présidents d’université savent d’expérience que l’adoption de la loi n’est pas une fin en soi. Sa mise en œuvre doit avoir pour finalité et pour effet d’améliorer la qualité de nos formations, de l’insertion professionnelle des étudiants, de notre recherche, au meilleur niveau international, et redonner aux acteurs des universités la fierté d’y contribuer.
• Les mesures législatives qui s’avèreraient nécessaires à l’issue des Assises ne doivent pas figer les situations, mais proposer des cadres souples qui permettent les évolutions et les adaptations que les acteurs de la communauté universitaires estimeront utiles et pourront s’approprier, dans lesquelles ils pourront se reconnaître, dans leur très grande diversité.
• La conception, la mise en œuvre et l’évaluation des autres outils des politiques d’enseignement supérieur et de recherche (systèmes d’information, procédures, systèmes d’allocation de moyens, procédures d’évaluation, de certification ou d’habilitation, ou d’assurance qualité, les démarches de contractualisation entre l’Etat et chacun des opérateurs, ou avec des opérateurs mutualisés, etc. – l’énumération ne peut pas être exhaustive –), lorsqu’ils ont une dimension nationale et ne relèvent pas de la responsabilité de chaque opérateur autonome, doivent aussi traduire la confiance qui doit être faite aux représentants de la communauté universitaire et des établissements plutôt qu’aux administrations. A ce titre, l’attention doit être beaucoup plus portée sur les objectifs, l’atteinte des résultats, plutôt que sur les procédures et les modalités.

Au nom des présidents d’université rassemblés, la CPU peut prendre l’engagement que les acteurs de nos établissements, avec l’aide et le soutien de l’État, sauront se montrer à la hauteur de la confiance que la Nation est prête à placer dans ses universités.