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Contribution de l’Assemblée Générale de l’INSTITUT COCHIN aux Assises de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche - A. Trautman, SLR, 4 octobre 2012

jeudi 4 octobre 2012, par Mariannick

Cette contribution a été préparée dans les départements scientifiques de l’Institut, élaborée à partir des débats de l’Assemblée Générale du 26 septembre, et validée par le conseil de direction du 3 octobre 2012. Différentes catégories de personnels (statutaires et non statutaires, chercheurs, ingénieurs et techniciens, doctorants) sont intervenues dans ces débats.

Nous attendons de ces Assises de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (ESR) de vrais changements, reflétant une volonté politique concrète de soutien à la recherche. D’une manière générale, nos propositions sont en accord avec le texte du C3N, concernant les principales questions qui préoccupent les chercheurs et enseignants-chercheurs français :

- l’évaluation menée par l’Agence d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (AERES)

- le Crédit Impôt Recherche (CIR)

- la politique de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR)

- la création des Initiatives d’excellence (IDEX)

- les primes d’excellence scientifique (PES)

- l’emploi dans la Recherche et l’emploi des jeunes docteurs

Nos propositions tiennent compte du contexte économique national. Les moyens nouveaux que nous demandons sont systématiquement compensés par des économies faites sur d’autres parties du budget que l’État consacre au soutien à la recherche publique ou privée.

AERES

Nous demandons que l’évaluation des unités CNRS ou INSERM soit confiée à ces organismes de recherche. Le système d’évaluation résultant aura les avantages suivants : 1) Permettre un couplage nécessaire entre l’évaluation des structures et celle des personnels. 2) Effectuer une évaluation comparative nationale, avec un suivi sur plusieurs années, contrairement à la pratique de l’AERES. 3) Simplifier le système d’évaluation, qui a crû de façon aberrante ces dernières années, jusqu’à en devenir obsédant, et perturbant pour l’activité de recherche. 4) Alléger les responsabilités de l’AERES, ce qui permettra de réduire ses effectifs, et de faire des économies importantes, y compris en termes d’heures-chercheur passées à rédiger ou à évaluer une multiplicité de projets et rapports. L’AERES pourra alors se consacrer à l’évaluation des unités qui ne sont pas évaluées par ailleurs. On peut attendre une amélioration certaine de la qualité de l’évaluation, par l’adoption d’un tel rétrécissement du périmètre de l’AERES.

Notre proposition : réduction majeure du périmètre d’intervention de l’AERES ; l’évaluation des UMR CNRS doit être confiée au Comité National, et celle des Unités INSERM à cet Organisme.

ANR

L’avis largement majoritaire des personnels de l’Institut Cochin réunis en Assemblée Générale le 26 septembre 2012 est que cette agence fonctionne mal : - le taux de réussite aux appels « blancs » (les principaux appels d’offres auxquels la très grande majorité des équipes de l’Institut Cochin répond) est beaucoup trop bas (12% environ) pour qu’il n’y ait pas un "effet loterie", impliquant beaucoup de frustration et de perte de temps ; - la qualité globale des rapports d’évaluation est très en-dessous des normes appliquées par d’autres agences aux niveaux national et international.

Le plus simple serait que l’ANR disparaisse et que son budget (environ 700 millions € par an) abonde le budget des Organismes de recherche. Ces derniers pourront utiliser ce complément budgétaire pour augmenter les financements de base des laboratoires [1], pour augmenter le recrutement de personnel statutaire quand l’ANR a augmenté d’un facteur 4 le nombre de CDD sans aucune anticipation quant aux postes de statutaires, contribuant à augmenter dramatiquement le processus de précarisation des jeunes chercheurs. (quand l’ANR ne recrute que sur CDD, et très massivement). Les Organismes pourront lancer des appels à projet sur des domaines jugés prioritaires par les pouvoirs publics et le Parlement. Les organismes de recherche seront les mieux placés pour financer à la fois des post-docs en CDD et des postes statutaires de façon coordonnée.

Notre proposition : face au constat de son dysfontionnement, l’ANR doit disparaître et son budget actuel sera reventilé sur les Organismes de recherche qui pourront mener une politique de recherche et d’emploi cohérente.

Crédit d’impôt Recherche (CIR)

Nous sommes parfaitement conscients du fait que le CIR n’est pas inscrit au budget, mais il pèse néanmoins dans l’équilibre budgétaire global de notre pays. Nous savons que le CIR relève de plusieurs ministères, et très peu de celui de l’ESR. Il s’agit néanmoins d’argent public que l’Etat consacre à la recherche, en l’occurrence privée. Les sommes consacrées au CIR ont crû énormément en quelques années (440 millions € en 2004, 5 milliards en 2011). L’évaluation scientifique est quasiment absente de ce dispositif alors qu’il permet le versement de plusieurs milliards d’Euros à des grandes entreprises . Comment croire par exemple à l’efficacité des 130 millions € versés à Sanofi en 2011 pour soutenir sa recherche alors même qu’il réduit massivement ses effectifs de recherche ? Pour comparaison, une telle somme est proche des budgets d’intervention (hors salaires) de l’INSERM ou de l’Institut des Sciences biologiques du CNRS.

Dans cette période de difficultés budgétaires, personne ne peut comprendre que les pouvoirs publics choisissent de privilégier un système hautement discutable par rapport à un système qui a fait ses preuves, et nous vaut une reconnaissance internationale.

Le CIR doit par contre permettre de continuer à soutenir la recherche dans les PME. Le CIR devra être concentré sur les petites entreprises innovantes , mais devrait être conditionné à l’embauche de docteurs et augmenté dans le cas de collaborations effectives avec le secteur public.

Notre proposition : réduction de l’enveloppe du CIR qui devra être ciblé sur les PME et incitations à l’embauche de jeunes docteurs pour mieux soutenir la recherche publique.

IDEX

Le projet IDEX correspond à l’immobilisation (au titre du Grand Emprunt) d’environ 7 millliards €, dont moins de 300 millions (les intérêts de ces 7 milliards) seront versés annuellement à leurs bénéficiaires. C’est une somme assez importante globalement, qui devrait accroître d’environ 1% le budget des établissements concernés, salaires compris. C’est pour ce bénéfice somme toute limité que les établissements concernés s’engageront dans la voie d’une restructuration majeure : formation de méga-universités (de 120.000 étudiants pour l’IDEX SPC qui nous concerne), avec une gouvernance très resserrée, trop éloignée des acteurs de la recherche et de l’enseignement supérieur. Cette strate nouvellement créée ne nous parait pas justifiée. Outre des économies, son annulation permettrait une simplification réelle du paysage de l’ESR, réclamée par tous.

Notre proposition : Disparition des IDEX qui, sous couvert de soutien à l’« l’excellence scientifique », ne contribuent qu’à un clivage de la communauté scientifique, là où collaborations et échanges doivent être encouragés.

Prime d’excellence scientifique (PES).

La justification de la PES (comme des contrats d’interface INSERM) est douteuse : faire bénéficier quelques individus du résultat d’efforts toujours collectifs, car faits par des équipes. L’attribution des PES répond à des critères contestables.

Notre proposition : Suppression de la PES qui méconnaît le travail de l’équipe, la structure de base de l’activité de recherche, au profit d’individualités.

Plan pluri-annuel pour l’emploi.

Il nous apparaît indispensable que l’État donne une visibilité à ses projets en matière d’emploi dans l’ESR. Cette visibilité est réclamée par tous ceux qui travaillent dans ce domaine, quel que soit leur statut. Il n’est pas envisageable de développer ce secteur sans investir de façon importante dans l’emploi scientifique. Dans la période récente, cet emploi s’est développé essentiellement sur des postes précaires (CDD). Si l’emploi statutaire n’est pas développé, les jeunes se détourneront des activités liées à la recherche. Il ne faut donc pas seulement maintenir le niveau d’emploi actuel, il faut absolument le développer. Ce développement est parfaitement possible : la création de 1000 postes supplémentaires chaque année coûterait 70 millions d’euros. Cette somme représente un faible pourcentage du budget annuel de l’ANR (700 millions €) et surtout du CIR (5000 millions €).

C’est sur les ITA que repose une bonne partie de la mémoire, du savoir-faire dans les équipes. De ce point de vue, le recrutement croissant d’ITA en CDD est une aberration. Il faut augmenter le recrutement d’ITA sur postes statutaires, non seulement sur les plateformes technologiques, mais aussi dans les équipes.

Pour les chercheurs et enseignants-chercheurs, il faut un dispositif qui permette de recruter à l’issue d’un stage post-doctoral de 3-4 ans (après l’obtention du Doctorat en biologie), et mettre un terme au système actuel d’empilement sans fin des CDD, qui mettent trop de jeunes vers 35-40 ans en très mauvaise posture sur le marché de l’emploi. La présence dans les laboratoires de jeunes chercheurs ayant une position permanente et pouvant donc se consacrer entièrement à la mise en place d’un projet de recherche à long terme est très important pour le dynamisme et le renouvellement de la recherche ainsi que pour la transmission du savoir.

Notre proposition : La création de postes supplémentaires de chercheurs, enseignants-chercheurs, ingénieurs et techniciens est vitale pour l’avenir de l’ESR dans notre pays. Elle est parfaitement réaliste et doit être annoncée dans un Plan pluri-annuel pour l’emploi.

Durée de la thèse.

Nous proposons que la durée du Doctorat, du moins en biologie, soit de 3 + 1 années, c’est-à-dire de 3 ans en principe, sans limitation de la part des Écoles Doctorales (ED) à l’attribution d’une 4e année afin de permettre à celles et ceux qui le souhaitent et en ont les capacités de valoriser pleinement leur travail, notamment par une publication dans une revue internationale de haut niveau, un objectif très rarement atteint en 3 ans. Le Doctorat demande un investissement personnel considérable et repose également sur un travail en équipe : à ce double titre, il doit constituer un atout majeur pour un recrutement en entreprise.

Notre proposition : réévaluation de la durée de la thèse en biologie (de 3 +1 ans) et revalorisation du doctorat vis à vis du monde de l’entreprise.

À lire sur le site de SLR