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Réactions de collectifs de précaires, de précaires, de syndicats de l’ESR à la pétition « Moratoire sur l’application de la loi Sauvadet pour la recherche publique »

jeudi 28 février 2013

Mise à jour 28 février 2013
• Lettre de Grégoire Levasseur, précaire lui aussi.
• Communiqué de la CGT INRA, 27 février
• Collectifs, 21 février


Depuis plusieurs semaines on nous sollicite pour une pétition appelant à un « Moratoire sur l’application de la loi Sauvadet pour la recherche publique ».
On nous dit que cette pétition est « initiée par les jeunes des Cordeliers », « proposée par des précaires » et on voudrait nous faire croire que la vision présentée dans ce texte lénifiant exprime la pensée de tous les précaires de la recherche française qui seraient victimes d’une prise en otage par des syndicats aveugles voulant bêtement faire appliquer une loi stupide. On voudrait par l’usage de nombreux glissements sémantiques très douteux, mais dans l’air du temps, nous faire croire que le propos tenu est le seul cohérent.

Il est temps, plus que temps de démystifier cette supercherie (je ne suis pas le seul à me pencher sur la question, vous trouverez des liens vers d’autres réponses en fin de message).
Le premier paragraphe nous dit que « L’organisation actuelle de la recherche publique française a contraint à la multiplication des contrats à durée déterminée pour des techniciens supérieurs, des ingénieurs et des post-doctorants financés par l’Agence Nationale de la Recherche, par des contrats industriels ou des contrats européens. »
Où, par omission, l’on nous laisse à penser que l’organisation de la recherche serait le fait d’une auto-organisation inéluctable et parfaite et non le fait de choix politiques douteux et discutables. Où l’on essaye de nous faire croire que le financement sur projet de la recherche est concomitant à l’absence de recrutement pérenne par la recherche, et que le besoin de CDD annihile la nécessité de création de postes réguliers.
L’on trouve ensuite l’explication de la source de tous les maux : « Aujourd’hui, des milliers de précaires, personnels hautement qualifiés, sont menacés d’être mis à la rue. Pourquoi ? Parce que la loi Sauvadet de « résorption de la précarité dans la fonction publique » suppose que les personnes ayant déjà travaillé six ans en Contrat à durée déterminée (CDD) soient embauchées en CDI. Puis, que celles ayant déjà travaillé quatre ans se voient proposer de participer à des concours de recrutement réservés. En conséquence, les directions des organismes de recherche interdisent aujourd’hui aux directeurs de laboratoire de reconduire les CDD au-delà de trois ans, même s’ils disposent de financements, afin d’éviter d’avoir à les embaucher en CDI. De leur côté, les directeurs de laboratoires et chefs d’équipes ont pleinement conscience de la gravité du problème. La direction des organismes leur impose, en réalité, de se séparer de personnes compétentes car déjà formés depuis deux ou trois ans, pour les remplacer par d’autres jeunes, tout juste sortis de doctorat, d’école d’ingénieurs ou de BTS ou DUT. Ils devraient en permanence recruter des gens inexpérimentés qui n’ont jamais eu de contrat. Une fois formés et opérationnels, au bout de trois ans, ceux-ci devront quitter la fonction publique faute de pouvoir signer un nouveau contrat. Au-delà du drame des personnes congédiées, c’est la qualité de la recherche qui est mise en cause, par la destruction brutale d’équipes performantes. »
Oui vous avez bien lu, logique irréductible, syllogisme imparable, une LOI messieurs dames (quoi de plus antinaturel, quoi de plus horrible à nos yeux bien voyants de coreligionnaires (par naissance) néo-libéraux que cette manie de vouloir légiférer sur tout, réguler tout, réglementer tout, que de réminiscences de cet état quasi-soviétique qu’instaura le terrible De Gaulle !), une loi disais-je prétend empêcher la précarité de pousser sur le fumier (non, non, je ne parle pas des directeurs de laboratoires, ni des présidents des EPST) de la recherche publique ! En sorte que l’application de cette loi a pour conséquence immédiate de faire licencier l’ensemble des précaires ! Aucune autre exégèse possible ! On notera aussi que l’événement serait bien moins grave si la fonction publique se contentait de précariser uniquement du personnel peu ou pas qualifié, mais dans ce domaine ou l’état n’est pas beaucoup moins voyou, il laisse déjà d’autres jouer le rôle de l’exploiteur en sous-traitant tout son saoul...

Lire la suite de la lettre de Grégoire Levasseur en téléchargeant le pdf ci-joint

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réponse Levasseur

Une pétition émanant « d’un groupe de précaires » de Montpellier et de Paris, d’ailleurs désavouée par les Collectifs de précaires, circule actuellement dans les milieux de la recherche et notamment à l’INRA.

La CGT-INRA met en garde contre ce type de "pétition" qui, sous prétexte de défendre l’emploi des personnels précaires, prône en fait une précarité encore plus grande, avec notamment la possibilité de prolonger la durée des CDD au-delà de 6 ans sans titularisation ni CDIsation ou la création de « CDI de mission » ! Derrière des personnels en CDD qui veulent légitimement continuer de travailler, il y a une manœuvre de certains directeurs d’unités, notamment des sciences de la vie, qui veulent en réalité continuer de recruter à volonté des CDD corvéables à vie !

Lire la suite ici (SLR)


Depuis quelques jours, une pétition demandant un moratoire sur la Loi Sauvadet circule sur différentes listes de diffusion (« Pétition Moratoire sur l’application de la loi Sauvadet pour la recherche publique »). Cette pétition, à l’initiative du « Comité de précaires de Paris - Centre des Cordeliers » a été présentée lors de l’AG nationale du 18 février 2013 à Paris. Elle a dépassé les 2000 signatures, mais à en croire le texte lui-même et les commentaires laissés par certains signataires, il est à craindre que ce texte soit basé sur une mauvaise compréhension de la loi et que de nombreuses personnes aient en plus mal interprété ce texte.
Nous, collectifs de précaires, souhaitons aujourd’hui préciser que nous n’avions jamais entendu parler de ce « Comité des Précaires de Paris » jusqu’à ce 18 Février. Nous travaillons pourtant tous ensemble depuis des mois et cette précision nous semble importante car nous ne voulons pas paraître divisés sur la question de la précarité dans l’ESR.
Nous souhaitons également démontrer ici les dangers et l’absence de fondement de ce texte.

(1) Ce texte témoigne tout d’abord d’une très mauvaise compréhension de la loi Sauvadet et d’une méconnaissance des lois françaises existantes.

Il est dit dans leur texte " Aujourd’hui, des milliers de précaires (…) sont menacés d’être mis à la rue (…) Parce que la loi Sauvadet de « résorption de la précarité dans la fonction publique » suppose que les personnes ayant déjà travaillé six ans en CDD soient embauchées en CDI".

Avant de proposer une solution aussi lourde de conséquences qu’un moratoire sur une loi, il est tout de même nécessaire de se tenir au courant des lois en vigueur. Cela fait presque trente ans, depuis la Loi Le Pors (1984, Article 3-4-II), que le contrat à durée déterminée d’un agent de la fonction publique doit être conclu à durée indéterminée au bout de six années de fonction. Donc ce n’est pas la loi Sauvadet qui impose cette limite de six ans mais une loi vieille de 30 ans.

La Loi Sauvadet propose la transformation du CDD en CDI des agents ayant effectué 6 ans de CDD sur les 8 dernières années au 13 mars 2012 sur un même poste, ou la titularisation sur concours réservé de ceux ayant effectué 4 ans de CDD sur les 6 dernières années (dont 2 ans avant mars 2011). Elle propose donc de stabiliser la situation d’agents éligibles à un temps donné seulement, pour résorber une partie de la précarité dans la fonction publique, car trop de personnes sont employées en CDD sur des fonctions pérennes (et nous ne parlons pas ici de postdoctorants).

Point où la Loi Sauvadet est critiquable, mais qui semble échapper aux rédacteurs de cette pétition, c’est qu’au lieu de créer les emplois nécessaires à la titularisation de ces agents elle se contente de créer des modalités particulières de recrutement, mais sans prévoir les budgets supplémentaires nécessaires. Des problèmes se posent donc dans son application et les organismes de recherche et les universités refusent de l’appliquer.

Ce qui est effectivement dénonciable, c’est que, depuis plus d’un an, les organismes de recherche refusent systématiquement tous les renouvellements de CDD d’agents ayant 3 à 6 ans d’ancienneté dans l’ESR (parfois moins), afin de se prémunir du risque d’avoir à transformer ces CDD en contrats pérennes. Pourtant, la loi Sauvadet étant rétroactive (les agents CDIsables ou titularisables le sont déjà et les agents actuellement non éligibles ne le deviendraient pas même s’ils acquerraient de l’ancienneté) et la disposition de la loi Le Pors sur le CDD dans la fonction publique d’Etat étant toujours en vigueur et autorisant 3 ans de CDD renouvelable une fois, ces circulaires n’ont aucune raison d’être.

La politique des établissements est donc bien une réaction disproportionnée : en limitant les CDD sur contrats de recherche à 2 à 4 ans selon les EPST et en les radiant à l’approche de la date fatidique, les Directions Générales des EPST empêchent les contractuels de se présenter aux concours internes de promotion sur place et les condamnent au chômage, à l’exil ou à la reconversion forcée. Pourtant, ces agents sont qualifiés, compétents et possèdent un financement. Ces non-reconductions de contrat, qui ont débuté il y a plus d’un an, s’accélèrent actuellement et vont à terme concerner l’ensemble des 50 000 précaires travaillant dans l’ESR si aucune mesure n’est prise.

C’est donc le retrait immédiat de ces circulaires qu’il faut exiger des Directions Générales des EPST.

Mais demander un moratoire sur la Loi Sauvadet, c’est se tromper de cible. S’opposer à l’application de la loi Sauvadet, c’est refuser que la situation des 10000 personnes travaillant en CDD sur fonctions pérennes et estimées éligibles à la titularisation sur concours réservés soit stabilisée (sans compter les éligibles hors ESR). Exiger un moratoire sur le non renouvellement des CDD dans une pétition intitulée « Moratoire sur l’application de la loi Sauvadet » c’est, encore une fois, confondre la loi et les directives des EPST.

(2) Les revendications de cette pétition sont très postdoc-centrées et visent à entretenir la précarité dans l’ESR

Il ne faut pas oublier que la majorité des 50 000 précaires de l’ESR n’est pas constituée de postdocs mais d’agents administratifs, d’agents d’entretien, de bibliothécaires, de techniciens, etc. Déjà que nous ne sommes pas pour le cumul de CDD pour les postdoctorants (Cf phrase "les CDD dans la recherche constituent l’unique moyen de se former et de se qualifier en vue de postuler dans les meilleures conditions aux concours de recrutement"), le cumul des CDD pour ces personnes là est parfaitement intolérable.

Nous rappelons ici que seul un plan pluriannuel massif de création de postes pour toutes les catégories de personnels (chercheurs, enseignant-chercheurs, BIATSS, ITA) dans les EPST et les universités peut permettre de résorber la précarité.

Dire que cette revendication est utopique en temps de crise est un faux argument car les moyens financiers existent et c’est une question de choix politique : une partie de ces postes serait neutre financièrement car elle se substituerait à des CDD existants, et une partie du budget du Ministère (ANR, Grand Emprunt, Crédit Impôt Recherche…) doit être réorienté vers le fonctionnement et la masse salariale de l’ESR.

Voici un lien vers une page qui présente notre point de vue, nos revendications et la note que nous avions rédigée pour JY Le Déaut ("note de synthèse").
Et la pétition « l’Appel des 50 000 »

Collectif Aquitain des Contractuels de la Recherche - Collectif contre la précarité Pouchet/CNRS - Collectif des Jeunes Chercheurs des Alpes Maritimes - Collectif de précaires de l’INRA de Versailles - Collectif de précaires du CNRS de Gif-sur-Yvette – Collectif Sortir de la précarité EHESS –