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Alliance tactique entre la ministre de l’enseignement supérieur et l’UNEF - Isabelle Rey-Lefebvre, Le Monde, 20 avril 2013

samedi 20 avril 2013, par Mademoiselle de Scudéry

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L’UNEF, premier syndicat étudiant de France tenait congrès à Toulouse, du 11 au 15 avril, la 83e édition après cent six ans d’existence. Son président, Emmanuel Zemmour, avait prévenu : "Ce sera un congrès d’alerte, les étudiants s’impatientent !" Dès son discours d’ouverture, le ton est offensif, s’adressant à François Hollande : "Monsieur le Président, vous disiez faire de la jeunesse votre priorité. On ne vous en demandait pas tant. Ce que l’on vous demande, ce sont des réponses concrètes à nos galères."

Les "galères", selon l’UNEF, ce sont 200 000 étudiants qui s’endettent pour financer leurs études, 300 000 jeunes qui n’ont plus le soutien de leur famille et ne savent plus quoi sacrifier, les repas, la santé ou le logement, et les enfants des milieux populaires qui ne profitent plus de l’ascenseur social.

Une étude de l’économiste Philippe Askenazy montre que 70 % des bacheliers d’aujourd’hui poursuivent des études, contre 85 % il y a vingt ans, en 1993. "Faites l’allocation d’autonomie, faites-la maintenant", martèle Emmanuel Zemmour, rappelant l’engagement n° 39 du candidat Hollande. C’est une revendication phare de l’UNEF qui milite pour l’indépendance financière des jeunes, vis-à-vis de leur famille.

La ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Geneviève Fioraso, est venue à Toulouse, ce qui ne s’était pas vu à un congrès de l’Unef depuis les années 1990. Elle a fait son entrée alors que les 700 délégués entonnaient la chanson révolutionnaire La Jeune garde en guise de bienvenue, tirée du carnet de chant glissé dans la pochette du congressiste.

"RÉSISTANCES"

Elle a plaidé pour son projet de loi, présenté mercredi 20 mars en conseil des ministres, centré sur la réussite des étudiants, notamment par une meilleure orientation, une rénovation pédagogique et une simplification de l’offre de formation, et a annoncé l’ouverture, d’ici à la fin 2014, d’une trentaine de centres de santé sur les campus.

"Je n’esquive pas la question des moyens et je partage votre analyse sur le système d’aide sociale, conçu dans les années 1950 et qui ne répond plus à la situation des étudiants, aujourd’hui, a-t-elle concédé. Mais vous n’ignorez pas que des résistances existent sur les réformes fiscales des aides étudiantes, y compris au sein de la gauche." La ministre fait référence à la nécessité, pour créer cette allocation, de repenser les aides existantes, bourses, allocations logements, en supprimant par exemple la demi-part fiscale dont bénéficient les parents d’un étudiant de 18 à 25 ans.

Cet avantage profite, pour l’instant, aux familles aisées et aux classes moyennes, qui risquent de le perdre, sans compensation. "Je reste déterminée à créer cette allocation d’autonomie sous conditions de ressources, mais j’ai besoin de la durée du quinquennat", a insisté la ministre. L’UNEF ne mâche pas ses mots, mais en pratique se montre assez conciliante, en accordant un sursis à sa ministre qui prend le risque de réitérer une promesse difficile à mettre en oeuvre. Les premières discussions devraient débuter mi-mai, après la remise d’un rapport de la mission d’évaluation des aides sociales étudiantes.

Quant à la rentrée 2013, l’UNEF prévient : "Nous voulons des mesures, notamment que le gouvernement rende aux étudiants les 200 millions d’euros prélevés, en octobre 2012, dans les aides familiales", rappelle M. Zemmour, évoquant le coup de rabot infligé à la demi-part fiscale pour les parents d’étudiants.

L’UNEF reste un vivier de cadres du Parti socialiste – François Hollande en était un animateur à Sciences Po, et le prédécesseur de M. Zemmour, Jean-Baptiste Prévost, vient de rejoindre le cabinet de la ministre. Geneviève Fioraso, en terre amie à Toulouse, entourée d’élus tous socialistes, a donc passé avec le syndicat un accord d’assistance mutuelle pour faire adopter, avant l’été, la loi d’orientation de l’enseignement supérieur et de la recherche, et arracher des mesures budgétaires à Bercy.