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Le PPP de l’université Paris-Diderot est en péril - Lucie Delaporte, Mediapart, 5 juillet 2013

vendredi 5 juillet 2013, par Hélène

La décision d’annuler les permis de construire de deux bâtiments de l’université Paris-Diderot, déjà construits et investis par les étudiants, fait vaciller un partenariat public-privé où les irrégularités se sont multipliées.

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La décision était attendue avec anxiété depuis près d’un mois. Conformément aux conclusions du rapporteur public, le tribunal administratif de Paris a décidé l’annulation des permis de construire de deux bâtiments construits en partenariat public privé (PPP) à l’université Paris-Diderot. Un séisme pour un chantier de près de 300 millions d’euros qui engage la fac pour trente ans. Et une situation d’autant plus ubuesque que les deux bâtiments visés, Olympe de Gouges et Sophie Germain, sont déjà livrés et fréquentés depuis le début de l’année…

Il y a trois ans, plusieurs associations dont Diderot Transparence et Treize Ecolo avaient saisi le tribunal administratif, estimant que le groupe Udicité (une holding qui regroupe plusieurs filiales de Vinci) s’était affranchi des règles de sécurité incendie spécifiques aux établissements recevant du public (ERP). Le constructeur avait jusque-là argué que certaines parties du bâtiment étaient réservées au personnel et relevaient donc d’une législation moins contraignante. Un argument catégoriquement rejeté par le tribunal aujourd’hui (lire le jugement ici). «  Il ressort des pièces du dossier, et notamment des plans ainsi que des explications des défendeurs, que les niveaux supérieurs du bâtiment M5B2 (Olympe de Gouges – ndlr) comportent des locaux destinés à accueillir des personnes admises dans l’établissement en plus du personnel de l’université ou assimilé, en particulier des secrétariats, des salles de réunion, des salles des conseils, une bibliothèque (…) et une salle de documentation. » En clair, une université reçoit des étudiants qui doivent pouvoir librement circuler en allant, par exemple, à la bibliothèque. Alors qu’Udicité avait avancé que ces parties des locaux n’étaient accessibles qu’aux personnes munies d’un badge, le tribunal a jugé cette circonstance « sans incidence sur la qualification de ces locaux comme recevant du public ».

Après ce coup de tonnerre, ce PPP, tant vanté par Valérie Pécresse lors de sa signature en 2009, vacille.

«  Juridiquement, les bâtiments n’existent plus », assure Michel Parigot, représentant l’association Diderot transparence qui porte le dossier depuis plusieurs années. La destruction n’étant pas envisageable compte tenu des motifs invoqués, quels scénarios sont dès lors possibles ? « Les responsables étant tous honnêtes et de bonne foi, les choses vont se passer ainsi : le président de l’université, responsable de la sécurité des usagers de par la loi, estimant qu’on ne peut pas mettre leur vie en danger, prend des mesures provisoires de limitation d’accès et de renforcement de la sécurité et demande immédiatement à Vinci de mettre le bâtiment aux normes. Vinci, grand constructeur responsable, qui fait évidemment passer les questions de sécurité avant les bénéfices, fait plancher immédiatement ses ingénieurs pour trouver des solutions techniques et les mettre en œuvre le plus rapidement possible. Mais mon petit doigt me dit que cela ne va pas se passer ainsi. » Selon lui, des cabinets d’avocats planchent déjà depuis des semaines sur la manière « de continuer à contourner la réglementation en toute impunité ».

Dans un communiqué publié mercredi l’université Paris-Diderot assure que « l’analyse des conclusions du tribunal administratif et de ses conséquences est en cours par les différents acteurs concernés par ce dossier, l’université, la préfecture de la Région Île-de-France et le groupement Udicité », mais «  ne peut que s’étonner de la décision prise par le tribunal administratif de statuer à l’annulation de l’arrêté en date du 28 avril 2010 par lequel le préfet de la région d’Île-de-France, préfet de Paris, a délivré à Udicité les permis de construire ». L’établissement souligne par ailleurs, avoir «  pris toutes les dispositions en son pouvoir pour assurer la sécurité des étudiants et de son personnel, sécurité nullement remise en cause à ce jour, le tribunal administratif ne s’étant aucunement prononcé pour la fermeture ou la destruction des locaux existants ». Saisi sur la validité des permis de construire, le tribunal n’avait cependant pas à se prononcer sur la fermeture ou non de bâtiments qui, de toutes façons, n’auraient pas dû être construits ainsi.

À Vinci, on prend acte de la décision du tribunal et on estime, droit dans ses bottes, que « le bâtiment est déjà aux normes puisque la décision porte sur l’usage des bâtiments », indique à Mediapart le porte-parole de Vinci, Maxime Naouri. Quelles suites l’entreprise compte-t-elle donner à ce jugement qui, théoriquement, annule l’existence de ces bâtiments ? «  Nous allons étudier cette décision avec l’université. Nous avons respecté toutes les réglementations en vigueur en fonction du programme établi par l’université. »

La faute de l’université alors ? Car c’est sans doute le point le plus stupéfiant de ce dossier, comme le révélait Mediapart, selon un avenant au contrat, adopté par le conseil d’administration en septembre 2010, l’université s’engage à prendre en charge à partir de 500 000 euros les frais de construction et de démolition en cas d’annulation des permis. Un partenariat public-privé gagnant-gagnant pour Vinci !

À l’époque, les membres du conseil d’administration de l’université n’avaient même pas eu droit à lire ledit contrat qu’ils étaient pourtant aimablement invités à amender. « Confidentiel », selon Vinci.

Les PPP se sont largement répandus ces dernières années dans un monde universitaire financièrement aux abois. Un récent rapport, commandé par la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche Geneviève Fioraso, a pourtant pointé les risques de ces montages juridiques souvent décidés à la va-vite, sans évaluation réelle des implications financières à long terme pour les établissements. « Contrairement à une idée reçue, le recours au contrat de partenariat suppose un acheteur public particulièrement aguerri et doté de solides moyens en matière de maîtrise d’ouvrage et de gestion immobilière, ce que sont encore loin d’être bien des établissements », soulignait-il. On ne saurait être plus clair.