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Le départ de Panthéon-Assas signe l’échec du groupement Sorbonne Universités - Le Monde, Isabelle Rey-Lefebvre, 12 septembre 2013

vendredi 13 septembre 2013, par PCS (Puissante Cellule Site !)

Rien ne va plus à Sorbonne Universités. L’université Panthéon-Assas, avec sa très renommée fac de droit, menace de claquer la porte du regroupement, dans lequel elle était associée, entre autres, à ses deux voisines, la Sorbonne (Paris-4) et Pierre-et-Marie-Curie (Paris-6). L’ensemble, incluant une école d’ingénieurs, une autre de management (Insead) et divers organismes de recherche, avait, à l’origine, en 2010, belle allure avec 63 000 étudiants, 12 000 doctorants, des projets ambitieux comme des licences multidisciplinaires et des doubles cursus, des recherches mêlant sciences et société...

Trois ans plus tard, les résultats sont pourtant maigres, en dépit d’une dotation dans le cadre du grand emprunt de près de 135 millions d’euros par an : "Ces sommes dorment sur des comptes", s’insurge Guillaume Leyte, président d’Assas nouvellement élu qui ne voit plus sa place dans cet attelage. Son conseil d’administration devrait acter le retrait de Sorbonne Universités vendredi 13 septembre – et songe déjà à d’autres alliances.

QUERELLES D’EGO ET DIFFÉRENDS IDÉOLOGIQUES

Cet échec s’explique autant par des querelles d’ego que des différends idéologiques, des incompatibilités de cultures entre établissements et une réelle lourdeur de gestion commune.

Ce cas qui n’est pas le seul sème surtout le doute sur la viabilité des pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES), créés par la loi sur la recherche de 2006 et fortement encouragés par la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche de l’époque, Valérie Pécresse. Il s’en est créé une vingtaine dans toute la France, dix en Ile-de-France, certains aboutissant même à des fusions en une seule et unique université, comme à Strasbourg, Aix-Marseille ou Nancy-Metz (Lorraine).

Pour faire émerger une douzaine de pôles à vocation internationale, le gouvernement auquel appartenait Mme Pécresse avait mis beaucoup d’argent sur la table avec le Plan campus (5 milliards d’euros) et le grand emprunt (7,7 milliards d’euros). Ce sont les intérêts de ces capitaux, placés, qui financent les opérations.

Le gouvernement actuel reprend le chantier à sa manière : il entend créer une trentaine de pôles, désormais appelés Communautés d’universités et d’établissements, réunis sur une base géographique. Les acteurs ont le choix de fusionner, se fédérer, s’associer, voire de combiner ces trois modes. Ils décident seuls des services et compétences à mettre en commun. Il peut simplement s’agir pour les chercheurs de signer leurs publications d’un même nom – "Université de Lyon" –, ce qui a un effet bénéfique immédiat dans les classements internationaux.

"IL FAUT BEAUCOUP DÉLÉGUER"

"Il faut partir des PRES, qui ont impulsé une dynamique, reconnaît Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Mais nous voulons leur donner plus de légitimité et d’autorité." La nouvelle loi prévoit que leurs instances dirigeantes seront élues, pour éviter qu’elles se résument à un "club de présidents" ; les régions, financeurs décisifs des projets immobiliers, seront associées ; l’Etat conclura avec chaque communauté un contrat de site quadriennal et financera son effort de mutualisation. "Ce que je souhaite, c’est que tous ces acteurs locaux se réunissent trois fois par an et parlent stratégie de formations et de recherche. Mais il faut y parvenir progressivement", précise Mme Fioraso.

Le cas de Bordeaux illustre l’intérêt et les difficultés d’un tel projet. Trois des quatre universités de la ville vont fusionner (Bordeaux-1, 2 et 4) après avoir longuement mûri ce qu’elles envisagent de mettre en commun et le mode de prise des décisions à tous les niveaux. La "Nouvelle université de Bordeaux" (NUB) mutualisera son service international, ses bibliothèques et ses outils numériques.

"Le risque, c’est de centraliser les pouvoirs, d’engorger le conseil d’administration et de rallonger les processus de décision : il faut beaucoup déléguer, explique Claude Dupuy, vice-président de Bordeaux-4, spécialiste des organisations. Une fusion coûte de l’argent, il ne faut pas en espérer des économies. Notre but, c’est de permettre aux étudiants, notamment en médecine, de changer d’orientation, et de faciliter les recherches transdisciplinaires."

Mais ce projet s’échafaude sans l’université de sciences humaines Bordeaux-3, l’Institut d’études politiques et l’Ecole polytechnique, pourtant concernés, ne serait-ce que par les services interuniversitaires, de santé, de sports, de gestion des campus, déjà communs. "Nous redoutons un éloignement des centres de décision, une déshumanisation et aurions préféré une structure fédérale mais nous observons avec intérêt l’expérience de la NUB", avance Jean-Paul Jourdan, président de Bordeaux-3.

Isabelle Rey-Lefebvre

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