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Des présidents d’université appellent ouvertement à une sélection à l’entrée - Marie-Christine Corbier, Les Echos, 7 octobre 2013

jeudi 17 octobre 2013, par Elisabeth Báthory

Les difficultés budgétaires des universités relancent la question de la sélection des étudiants en première année.
Un quart des filières de licence pratiquent aujourd’hui le tirage au sort pour contenir le flot d’inscriptions.

Le débat sur la sélection à l’université refait surface. Le syndicat étudiant UNI, classé à droite, l’a relancé en dénonçant voilà quelques semaines la pratique arbitraire du tirage au sort qui serait, selon lui, en plein essor. Plusieurs présidents d’université, réputés à gauche pour certains, ont depuis embrayé, n’hésitant pas à mettre les pieds dans le plat et appelant à sortir de cette ambiguïté.

De fait, la sélection à l’université existe mais se cache derrière les bi-licences ou le tirage au sort. Cette dernière pratique « existe depuis 1997, confie la ministre de l’Enseignement supérieur, Geneviève Fioraso. Ce phénomène n’est ni en hausse ni généralisé. Il ne concerne pas plus de 25 % des filières de licence », assure-t-elle. Le tirage au sort concerne les filières souvent saturées comme les STAPS (sciences et techniques des activités physiques et sportives), mais aussi le droit ou les activités culturelles. La pratique est légale. Mais elle fait grincer des dents. Et pose la question de « savoir si l’université doit accueillir tout le monde ou sélectionner », reconnaît le président de la Conférence des présidents d’université (CPU), Jean-Loup Salzmann, classé à gauche. Un avis partagé par le président de l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ), Jean-Luc Vayssière : « En droit, avec 300 étudiants dans un amphi de 200, le bâtiment va exploser, prédit-il. Je ne peux pas prendre la responsabilité de mettre des étudiants dans les escaliers... »

Faut-il plus de moyens pour accueillir davantage d’étudiants ? « A-t-on intérêt à augmenter le nombre de places d’accueil pour des filières aux débouchés compliqués ? » rétorque Geneviève Fioraso. La ministre plaide pour une information des lycéens en amont, afin qu’ils s’orientent en connaissance de cause.

« Difficile de faire pire »

« Au nom d’un idéal que nous partageons tous, celui de l’ouverture de l’université, nous arrivons dans le mur », juge la présidente de Montpellier 3, Anne Fraïsse, qui envisage de recourir au tirage au sort en 2014. « C’est difficile de faire pire comme sélection », regrette-t-elle, en réclamant « des étapes intermédiaires entre une sélection complète et une ouverture sans aucune surveillance. » « Il faut trouver un curseur entre les deux », affirme cette femme de gauche qui se dit « frappée que, sur une université qui compte 5.000 étudiants en première année, 500 aient entre 0 et 2 de moyenne générale. » Elle souligne qu’une circulaire rappelait il y a quelques mois aux présidents d’université leur devoir d’accueillir des étudiants qui redoublent « pour la troisième, la quatrième, voire la cinquième fois sans avoir eu de résultat ». « Pour les motifs de non-sélection, nous n’avons pas le droit de les refuser, poursuit Anne Fraïsse. Et après, on nous reproche nos mauvais résultats en première année ! Ces étudiants ont-ils leur place à l’université ? Est-on responsable des étudiants qui nous demandent une carte d’étudiant, et finalement pas grand-chose d’autre ? »

Jean-Louis Vayssière s’emporte lui aussi contre « la sélection par l’échec en fin de première année. En anglais, trois mois après la rentrée, il ne reste que la moitié des étudiants ». Il réclame des filières sélectives dès la licence, afin que l’université ne soit pas « privée de certains des meilleurs éléments ». Jean-Loup Salzmann, de son côté, insiste sur l’orientation des étudiants, qui doit être « plus prescriptive ». Il faut « pouvoir presque imposer, à des gens dont on sait qu’ils n’ont aucune chance de succès, d’aller dans une filière où ils seront mieux encadrés ». Mais le président de la CPU réclame aussi des moyens supplémentaires. « Aujourd’hui, le nombre d’étudiants augmente de 2 à 4 % par an, conclut-il. Si on veut passer de 43 à 50 % d’une classe d’âge au niveau licence [l’objectif gouvernemental, NDLR], il faudra augmenter massivement les cursus. »
Marie-Christine Corbier, Les Echos

Le tirage au sort, une pratique légale


L’article 612-3 du Code de l’éducation prévoit explicitement la pratique du tirage au sort depuis 1997.
Au milieu des années 1990, s’est posée la question de filières saturées. C’étaient les mêmes qu’aujourd’hui - STAPS, droit, filières culturelles, etc.
La jurisprudence du Conseil d’Etat a rejeté, à différentes reprises, la sélection sur entretien et la sélection sur dossier. C’est comme cela que s’est imposée la pratique du tri aléatoire, qui a ensuite été intégrée dans la loi et dans la procédure admission post-bac (APB), le portail sur lequel les lycéens de terminale indiquent leurs voeux d’orientation dans l’enseignement supérieur.

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