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L’UNEF s’oppose à la fusion des universités rennaises - Tribune de Marion Coquerel et Chloé Jarnoin, WorldZine, 6 juin 2014

dimanche 8 juin 2014, par Mariannick

C’est en 2013 que les présidents des universités Rennes 1 et Rennes 2 ont annoncé à leur communauté universitaire, personnels et étudiants, que « la voie de la fusion est pour nous la voie à privilégier (…). Si elle est décidée par nos instances en 2014, la décision doit nous conduire en 2016 vers un établissement unique ». Le 14 mars 2014, Rennes 2 votait « oui » à la poursuite de cette fusion, confirmant donc la réalisation du projet à l’horizon 2016.

Seule ombre au tableau : certains syndicats étudiants sont opposés à cette fusion : parmi eux, l’UNEF. Pour mieux comprendre leur point de vue, des militantes de l’UNEF ont accepté de rédiger une tribune exclusive dans WorldZine pour nous expliquer cette prise de position.

À lire ici.


« La situation déjà catastrophique des universités s’aggrave »

Voilà deux ans que François Hollande et le parti socialiste gouvernent, malgré les promesses de faire de la jeunesse leur priorité, les conditions de vie, de travail et d’études des jeunes ne cessent de se dégrader. Impossible de passer une journée sans entendre dans les médias les mots « austérité », « chômage » ou « crise économique ». A la crise économique le gouvernement répond par l’austérité. L’Enseignement Supérieur et la Recherche (ESR) n’est pas en reste. Le budget dont dispose l’ESR, s’il n’est globalement pas en baisse, augmente moins vite que l’inflation.

Ainsi la situation déjà catastrophique des universités s’aggrave d’année en année. En 2013, dix-neuf universités sur soixante étaient en déficit, pour celles qui ne le sont pas encore l’équilibre ne tient qu’à un fil. C’est dans ce contexte dramatique qu’intervient la restructuration menée par l’actuel ministre de l’Education National, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, Benoit Hamon, dans la droite ligne du travail amorcée par sa prédécesseur Geneviève Fioraso.

Mise en concurrence des universités et regroupement : une seule et même logique ! Depuis 2007, année de la mise en place de la LRU (Loi Relative aux libertés et responsabilités des universités, cette loi prévoit principalement que toutes les universités accèdent à l’autonomie dans les domaines budgétaire et de gestion de leurs ressources humaines et qu’elles puissent devenir propriétaires de leurs biens immobiliers), les universités sont autonomes financièrement.

Cette re-structuration a permis à l’État de se désengager de manière différenciée et progressive de nos universités. Les facs gèrent elles­-mêmes l’en​semble de leur budget : masse salariale, entretien, locaux, assurances, sécurité… Or, les coûts augmentent, et l’Etat ne les compense pas. Ce désengagement financier contraint les universités à puiser dans leurs réserves d’une année sur l’autre, aggravant ainsi leur situation.

« Un coup de plus porté aux diplômes nationaux »

Les nouvelles lois-cadres répondent à des objectifs clairs : la libéralisation de l’enseignement supérieur et de la recherche, et le rapprochement entre les bassins d’emplois et les lieux de formation. La bonne blague ! Pour ce faire, cette loi amène à une restructuration du paysage universitaire : ainsi Geneviève Fioraso, ex-ministre de l’ESR affichait la volonté de passer de 80 universités françaises, à 30 pôles universitaires dans les prochaines années.

L’une de ces lois, adoptée par le Sénat au 22 juillet 2013, donne trois possibilités pour mettre en place ces regroupements à l’échelle académique ou inter-académique, en clair à l’échelle régionale. Ces regroupements pourront prendre trois formes : la fusion, la communauté d’université et d’établissement (COMUE) ou L’association à un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel.

Sous un idéal de “coopération”, ces trois propositions ne servent qu’à encadrer la mise en concurrence des universités françaises ! Ici, le but est de limiter le nombre de facs et à terme le nombre de formations similaires. C’est donc une régionalisation et une “rationnalisation” de nos formations qui s’annoncent ! La régionalisation, c’est un coup de plus porté aux diplômes nationaux et un pas supplémentaire vers l’individualisation des parcours.

C’est donc dans ce triste contexte, où l’aspect économique prime sur l’aspect humain et sur la transmission de savoir, que s’inscrit la fusion des universités de Rennes 1 et de Rennes 2. Ces regroupements sont autant de chambres de commerce chargées de cadrer la concurrence entre des universités qui ressemblent de plus en plus à des entreprises.

« Ni le personnel, ni les étudiants n’ont eu leur mot à dire »

Cette fusion, annoncée en septembre dernier par les présidents des deux universités concernées, messieurs Gombert et Cathelineau, semble sortir de nulle part et ni le personnel, ni les étudiants n’ont eu leur mot à dire au cour de ce processus. Pourtant, nous sommes les premiers concernés par sa mise en place. Aujourd’hui encore la sous-représentation des étudiants dans les commissions de préparation montre bien une volonté de nous tenir à l’écart de ce projet.

Le deuxième problème que nous voyons, c’est le contexte dans lequel est faite cette fusion. Des universités autonomes financièrement ne peuvent prendre en charge avec les mêmes budgets les salaires du personnel et la gestion de la faculté.

En effet, avant la loi LRU les personnels étaient payés par l’Etat. La fusion des deux universités rennaises ne résoudrait donc en rien la question des budgets et du financement. Nous le voyons déjà, les solutions qui sont trouvées partout en France sont la rationalisation des budgets (répartition des budgets de manière inégalitaire en favorisant les filières qui rapportent au détriment des autres).

« Nous continuerons à mener la bataille »

Cette logique amène deux choses. La première est la suppression des filières dites « non-rentables ». La deuxième est de regrouper dans un minimum de cours un maximum d’étudiants de différentes filières. Tout cela met à mal nos conditions d’études, qui sont déjà bien dégradées, avec des TDs-TPs surchargés, des salles non rénovées, etc.

A l’heure actuelle, le principe de fusion a été voté, et des commissions de préparation se font entre nos deux universités. Cependant, bien que cette fusion ait été actée, elle ne sera pas effective avant 2016, c’est pourquoi nous continuerons à mener la bataille pour améliorer les conditions d’études et de réussite des étudiants.

Ce n’est pas aux étudiants de payer la crise. Ce n’est pas à la jeunesse de faire les frais de l’austérité. Plus que jamais nous devons exiger un réinvestissement massif de l’État dans l’enseignement supérieur et la recherche, la garantie d’un service 100% public pour une université émancipatrice, ouverte à tous, basée sur la transmission des savoirs et la formation de tous les étudiants !

Tribune rédigée par Marion Coquerel et Chloé Jarnoin, membres de l’UNEF à la faculté de droit et de science politique de Rennes 1.