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Yves Lévy, patron de l’Inserm - Paul Benkimoun, Le Monde, 25 juin 2014

jeudi 26 juin 2014, par Elisabeth Báthory

Il en parle comme de sa « maison depuis trente ans ». A bientôt 57 ans, le professeur Yves Lévy a été nommé en conseil des ministres, mercredi 11 juin, président-directeur général de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Professeur des universités, praticien hospitalier, il dirige depuis 1996 le service d’immunologie clinique et de maladies infectieuses à l’hôpital Henri-Mondor (Créteil) et, depuis 1999, l’équipe « développement lymphoïde normal et dans l’infection par le VIH » au sein de l’unité Inserm 955.

A lire sur le site du Monde.

Silhouette svelte, mise soignée, élocution claire, Yves Lévy est une figure familière de la lutte contre le sida. Natif de Casablanca, au Maroc, il est arrivé en France avec ses parents en 1973 et a été naturalisé un an et demi plus tard. Après avoir renoncé à se tourner vers sa « passion », la littérature, il s’est orienté vers la médecine et a soutenu parallèlement une thèse de sciences en immunologie. Il s’est engagé tôt dans le combat contre le sida, après la fin de son internat, en 1986, à l’époque où l’infection par le VIH se répandait. Au sein de l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites (ANRS), il a été chargé, en 1993, des programmes de thérapeutiques innovantes, avant de coordonner la recherche vaccinale contre la maladie à partir de 2000.

La désignation du professeur s’est faite selon une procédure jusque-là inédite, prévue dans la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, dite loi Fioraso. Après appel à candidatures, six chercheurs ont été auditionnés par un comité d’évaluation composé des directeurs de l’administration centrale de chacun des deux ministères de tutelle de l’Inserm – santé et enseignement supérieur – et de deux personnalités, Edouard Couty, conseiller maître à la Cour des comptes, et Alim-Louis Benabid, prix d’honneur de l’Inserm en 2008. Les deux ministres de tutelle, Marisol Touraine et Geneviève Fioraso, ont ensuite choisi le futur PDG de l’Inserm sur la base de leur rapport. Enfin, la décision a été entérinée après audition du Sénat et de l’Assemblée nationale par les commissions compétentes au sein des deux institutions.

Réticences

Or, la désignation d’Yves Lévy a soulevé des questions et des réticences exprimées au sein des deux commissions parlementaires, qui ont cependant approuvé ce choix, mais aussi de la part de certains chercheurs. Le fait que la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ait choisi celui qui fut son conseiller a fait s’interroger la députée écologiste Isabelle Attard sur un potentiel conflit d’intérêts. L’élue reconnaissait toutefois que la règle qui interdit aux membres des cabinets ministériels de travailler pour les entreprises relevant du domaine de compétence de leur ministère ne s’applique pas à la fonction publique. Yves Lévy a quant à lui fait valoir qu’il est le premier président d’un organisme de recherche à ne pas avoir été directement nommé par le ministère de tutelle.

La sénatrice du Val-d’Oise Dominique Gillot évoquait un possible problème d’une autre nature : « L’Inserm est membre du groupement d’intérêt public que constitue l’Institut national du cancer (INCA), présidé par la professeure Agnès Buzyn, votre épouse à la ville. Que vous siégiez tous les deux au conseil d’administration de l’INCA ne vous expose-t-il pas au soupçon de conflit d’intérêts, notamment dans l’allocation des financements issus des investissements d’avenir entre l’Inserm et l’INCA, qui collaborent au sein de l’Institut thématique multi-organismes (ITMO), consacré au cancer ? »

Sur ce plan, Yves Lévy répond : « Comme celui de l’Inserm, le budget de l’INCA est décidé en amont au niveau ministériel et aucun des dirigeants de ces instituts ne peut modifier le budget de l’autre organisme et son affectation. »

« Vision internationale »

Certains scientifiques, qui n’ont pas souhaité s’exprimer publiquement, mettent en cause les qualités de chercheur d’Yves Lévy, l’accusant d’avoir « flatté le tableau de ses états de service » lors des auditions parlementaires. « Il n’a jamais dirigé d’unité de recherche Inserm », affirme l’un d’entre eux. Un point que contredit Yves Lévy : « En 2010, j’ai pris la suite de Jacques Banchereau à la tête de l’unité 899 de l’Inserm à Dallas (Texas), et ce jusqu’en octobre 2012, où j’ai rejoint le cabinet de Geneviève Fioraso. Quant à l’équipe que je dirige au sein de la grande unité 955 de l’Inserm, elle a une taille comparable à celle d’autres unités Inserm. »

De plus, dans le cadre des premiers projets financés par le grand emprunt, Yves Lévy est à la tête d’un « laboratoire d’excellence » consacré à la mise au point de vaccins contre le VIH, le virus de l’hépatite C et la tuberculose. Un « labex » constitué d’un réseau de 17 équipes et regroupant 150 chercheurs.

Pour le professeur Jean-François Delfraissy, directeur général de l’ANRS, qui le qualifie d’ami, « Yves Lévy est un vrai grand professionnel de la recherche et possède une vision internationale. Quand on lui confie un projet, il le mène jusqu’au bout ». Et d’ajouter : « S’il n’y avait pas eu Yves, l’ANRS n’aurait pas le programme national de recherche vaccinale contre le VIH dont elle dispose aujourd’hui. »

Un compliment sur l’action menée par le passé que l’intéressé commente ainsi : « Face au sida, il nous fallait comprendre la maladie et ses mécanismes pour espérer soigner les malades. Cette combinaison illustrait le lien consubstantiel entre recherche et clinique. » Une interaction qu’Yves Lévy considère comme un principe directeur pour réaliser les objectifs de l’Inserm.