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Point de vue. Financer autrement les études supérieures - Arnaud Chéron, Ouest France, 9 octobre 2014

jeudi 9 octobre 2014, par Hélène

Note de la rédaction de SLU : La prétendue crise financière permet de ressortir les vieilles lunes.
1) L’évidence selon laquelle la "production" d’une main-d’oeuvre disposant de "savoirs propices aux innovations et à leur diffusion" favoriserait le "potentiel de croissance" de l’économie (favoriser la fameuse "économie de la connaissance" quoiqu’elle produise serait naturellement une bonne chose : OGM, nucléaire, nanotechnologie ; Il suffirait que les sciences humaines et sociales s’investissent encore un peu plus dans la promotion de leur acceptabilité ...)
2) le coût des études supérieures en période de crise (accumulation de capital humain comme ils disent ...)
3) et l’on ressort les prêts étudiants (dont le principal avantage est de "produire" une main d’oeuvre soumise aux lois du marché parce qu’accablée par le poids de sa dette ...)

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Comme chaque année, la rentrée étudiante a remis à l’ordre du jour du débat public la question des droits d’inscription, des frais de vie pour les étudiants, et de leur financement. Ce sujet est d’importance car, on le sait, le potentiel de croissance d’une économie repose avant tout sur sa capacité à produire une main-d’oeuvre disposant de savoirs propices aux innovations et à leur diffusion. Augmenter l’accès des jeunes à l’enseignement supérieur est donc une priorité dont la réalisation peut s’avérer difficile dans un contexte budgétaire tendu.

En France, le financement de l’enseignement supérieur est principalement assuré par l’État, qui prend en charge l’essentiel des coûts de formation en maintenant des droits d’inscription très faibles. Pourtant, contrairement à ce qui est escompté, ce modèle est loin de garantir une démocratisation de l’enseignement supérieur : les diplômés d’origine sociale plus favorisée sont surreprésentés à tous les niveaux de diplôme, plus fortement encore au niveau Bac + 5. De même, à l’étranger, les expériences de suppression de droits d’inscription menées par certains pays (l’Australie entre 1973 et 1988, l’Irlande depuis 1996), qui visaient explicitement à démocratiser l’accès à l’enseignement supérieur, ne se sont pas accompagnées d’une participation plus soutenue des étudiants issus de milieux défavorisés.

À l’inverse, l’augmentation des droits d’inscription peut être utilisée comme un levier pour dégager des ressources complémentaires à destination des formations. Mais il faut s’assurer que cela ne joue pas négativement sur les conditions d’études (ce qui serait le cas, par exemple, si pour acquitter leurs droits d’inscription les étudiants étaient contraints de travailler), ni sur la sécurité financière de l’ancien étudiant durant sa carrière professionnelle. Le cas des États-Unis, avec un niveau très important de dettes d’études et une tendance à l’augmentation des situations de défaut de paiement des anciens étudiants, ne fournit pas, à ce titre, un modèle de financement souhaitable.

Dès lors, existe-t-il en France une alternative qui ne tombe dans ces travers et qui ne soit pas pour autant synonyme de désengagement de l’État ? Oui, en combinant une augmentation raisonnable des droits d’inscription avec une mise en place en parallèle d’un prêt à remboursement contingent au revenu (PARC), dispositif expérimenté avec un certain succès, par exemple en Australie depuis 1989.

Avec un PARC, un individu emprunte pour financer ses études. Lors de la période de remboursement, le montant des annuités dépend du revenu courant de l’ancien étudiant, l’État jouant le rôle de garant. Si cette alternative relève bien d’une logique de financement différente, elle présente l’intérêt de garantir l’accès aux études supérieures indépendamment des ressources de l’étudiant, et de moduler leur contribution selon la nature des formations suivies et leurs facultés contributives. Il est possible, pour ne pas dire urgent, de repenser notre modèle de financement de l’enseignement supérieur.

Arnaud Chéron, (avec Pierre Courtioux) Pôle de recherche en économie de l’EDHEC Business School