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Etudiants étrangers : une ressource pour financer l’université ? - Isabelle Rey-Lefebvre et Nathalie Brafman, Le Monde Education, 27 novembre 2014

samedi 29 novembre 2014, par Mr Croche

L’éducation n’est pas une marchandise ?

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La France séduit les étudiants étrangers. Selon les chiffres publiés par l’Unesco, elle se classe troisième pays du monde pour l’accueil d’étudiants étrangers, derrière les Etats-Unis et le Royaume-Uni, et au coude-à-coude avec l’Australie. A la rentrée 2013, ils étaient 295 084 jeunes à venir étudier dans notre pays, soit 11 % de plus qu’en 2008.

Mais quel est l’apport économique de ces jeunes ? C’est à cette question que l’Agence Campus France a souhaité répondre. Mercredi 26 novembre, cet organisme, chargé de la promotion de l’enseignement supérieur, de l’accueil et de la gestion de la mobilité internationale des étudiants et des chercheurs, a publié une étude inédite jugeant la balance plus que positive pour la France.

Côté dépenses, à raison de 10 000 euros par an et par étudiant, la scolarité des étrangers coûte environ 3 milliards d’euros à l’Etat. Côté recettes, les 4 200 étudiants ayant répondu à l’enquête ont indiqué avoir dépensé 920 euros par mois pendant leur séjour de vingt-deux mois en moyenne, soit un total de 3,260 milliards d’euros. Ils ont aussi payé des frais de scolarité. Ils sont certes quasi gratuits à l’université (184 euros pour une licence et 256 euros pour un master), mais ils peuvent grimper rapidement lorsqu’on étudie dans une école de commerce. En moyenne, 1 910 euros par an ont été déboursés par chaque étudiant étranger – pour leurs frais de scolarité –, soit 563,5 millions d’euros.

Campus France n’a pas oublié les recettes à l’occasion des séjours de parents ou amis (466,7 millions d’euros). Enfin, les billets d’avion et d’autres transports (1 234 euros en moyenne par étudiant et par an) rapportent aux transporteurs français 364 millions d’euros. L’addition atteint 4,6 milliards d’euros, bien plus que les 3 milliards d’euros engagés par l’Etat.

« Rien n’est tabou »

Mais peut-on aller encore plus loin, en facturant aux étudiants étrangers le coût réel de leurs études ? Cette ressource pourrait renflouer les budgets des universités. Une telle mesure concernerait 90 000 étudiants, puisqu’il faut en exclure ceux de l’Union européenne, pour cause d’égalité de traitement entre eux, et ceux arrivés dans le cadre d’un échange, pour cause de réciprocité.

« En France, les droits universitaires très faibles posent un problème d’équité budgétaire, estimait Jean Tirole, Prix Nobel d’économie, lors d’un débat, le 19 novembre dernier, au ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. A l’Ecole d’économie de Toulouse [TSE], nous accueillons beaucoup d’étudiants étrangers et cela revient, d’une certaine manière, à subventionner le monde entier, avec parfois des effets nocifs. » En effet, à 184 euros, ces droits d’inscription peuvent aussi être « un signal de mauvaise qualité ». « A ce prix-là, les étudiants chinois pensent qu’ils n’auront pas de bons professeurs », juge Christian Gollier, directeur de TSE. « Rien n’est tabou, on peut en parler, lui a répondu Geneviève Fioraso, secrétaire d’état à l’enseignement supérieur. Les Asiatiques qui viennent chez nous, et qu’on veut accueillir de plus en plus, ainsi que tous les jeunes des pays émergents, pourraient payer des droits différenciés, parce que leurs familles n’ont pas contribué à l’effort collectif [à l’impôt]. »

Mais l’arme est à manier avec précaution : la Suède, par exemple, a vu le nombre des étudiants étrangers s’effondrer de 80 % depuis 2011, lorsqu’elle a décidé de leur facturer leurs études au prix coûtant. « 87 % des étudiants étrangers en France sont originaires de pays aux revenus moyens ou faibles, 83 % déclarent que leur venue a impliqué des efforts financiers », dit Antoine Grassin le directeur de Campus France.

Pour Geneviève Fioraso, « l’apport des étudiants étrangers n’est pas qu’économique, il est aussi culturel. Ils reviennent de leur séjour avec une image positive des Français, sont plus enclins à acheter nos produits, à travailler avec la France et à y revenir en touristes ».