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Risques de détournement du Crédit Impôt Recherche (CIR)- Sciences en marche au Sénat 20 mars 2015 par Refondation Ecole

samedi 21 mars 2015, par Mr Croche

Jeudi 19 mars à 11h45, une délégation de Sciences en marche (SeM) composée de P. Lemaire (CNRS, Montpellier), E. Riot (U. Reims) et F. Métivier (U. Paris Diderot & IPGP) a été entendue par la commission d’enquête parlementaire. L’entretien a duré une heure. Durant cette Audition, les représentants de Sciences en marche ont rapporté les résultats d’une analyse faite par SeM, à partir des données disponibles sur le site du MESR, et portant sur l’efficacité du dispositif depuis la réforme de 2008 jusqu’à l’année 2012.

Cette analyse révèle que entre 2008 et 2012 :
I) Concernant l’emploi des personnels de R&D :
i) 82 % ( 25000) des emplois créés par les entreprises en R&D sur cette période l’ont été par des entreprises de moins de 500 salariés, alors que ces entreprises n’ont bénéficié que de 37% de la créance (9Md€) ;
ii) 18% des emplois ( 5500) en R&D ont été créés par des entreprises de plus de 500 salariés qui ont bénéficié de 67% de la créance (15Md€) ;
iii) 80% des emplois créés par les PME l’ont été dans deux branches de services dont les activités de R&D sont en partie sujettes à caution ;
iv) Seules 8% des entreprises bénéficiaires du CIR ont eu recours au dispositif favorisant l’emploi des docteurs. Ce dispositif n’empêche donc en rien la progression du chômage et la désaffection progressive pour les études et la recherche chez toute une génération d’étudiants ;

II) concernant les dépenses de recherches :
i) les grandes entreprises détournent de façon persistante une part importante du CIR de son objectif d’accroissement des dépenses de R&D.
On peut ainsi estimer que 6Md€ sur les 15Md€ perçus n’ont pas été utilisés pour accroître, comme c’en était l’objectif, les dépenses de recherche des entreprises de plus de 500 salariés ;
ii) les PME à l’inverse ont bien investi l’argent reçu afin d’accroître leurs dépenses en proportion. Un surplus d’investissements de la part de ces entreprises est même probable ;

III) concernant les risques de fraudes :
i) la prolifération des cabinets de conseils, qui facturent jusqu’à 50% de la créance aux PME qu’ils aident à remplir leurs déclarations, et ne sont pas tenus responsables en cas de redressement fiscal est de nature à inciter à la fraude au détriment des PME.
iv) En 2007, soit un an avant la réforme, l’augmentation spectaculaire des recrutements de cadres de R&D déclarés par les entreprises à l’APEC ne correspond en rien à une augmentation du recrutement des chercheurs. Les dépenses de 2007 ayant servi au calcul de la créance de 2008, année de la réforme, il est probable qu’un nombre important de cadres (administratifs ou autres) ont été requalifiés en R&D afin d’accroître l’assiette des déclarations pour le CIR.

IV) concernant la Recherche publique et l’industrie :
i) la faiblesse du recrutement des docteurs, la non reconnaissance du doctorat par les conventions collectives sont autant de freins à une collaboration fructueuse entre les deux univers ;
ii) l’Allemagne, qui ne dispose pas d’un CIR, fait mieux dans tous les domaines (dépenses, emplois) que la France.

SeM a donc montré que l’efficacité tant vantée du dispositif apparaît restreinte aux PME et à elles seules.
Des comportements opportunistes ont conduit au détournement de plusieurs milliards d’euros de leur objectif, notamment par les grandes entreprises.
Les pertes de recettes pour l’Etat se sont faites au détriment du développement, voire du maintien d’une recherche et d’un enseignement supérieur de qualité en France.
Les représentants de SeM ont, à titre d’exemple et pour conclure, rappelé aux membres de la commission, qu’à ce jour, les universités françaises ne connaissent toujours pas leur budget pour l’année 2015 car le ministère des finances réclame 100M€ d’économies supplémentaires au MESR et met ainsi ce dernier dans une posture très délicate vis à vis des établissements d’enseignement supérieur.
Ils ont pointé le caractère dérisoire de cette somme par rapport aux montants évoqués précédemment.

PourSeM
P. Lemaire, E. Riot, F. Métivier, Elen Riot