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Sorbonne Paris Cité : Bruno Andreotti Candidat - Histoires d’Universités, le blog de P. Dubois, 26 mars 2015

jeudi 2 avril 2015, par Hélène

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Bruno Andreotti est candidat à la présidence de Sorbonne Paris Cité (élection le 8 avril 2015).

Ce spécialiste des milieux granulaires est professeur de physique à l’Université Paris Diderot, et chercheur à l’ESPCI ParisTech, dans le laboratoire Physique et Mécanique des Milieux Hétérogènes (PMMH, UMR 7636), équipe de recherche The Morphodynamics Lab.

Questions posées à Bruno Andreotti, le 25 mars 2015

Les élections au CA de la COMUE Sorbonne Paris Cité ont eu lieu le 11 mars. Vous étiez tête de liste Nous sommes l’Université ! en claire opposition avec les tenants de la COMUE. Quels étaient les principaux points de divergence avec la liste des tenants de la COMUE ?

La ComUE a été imposée sans débat comme forme de regroupement, à la fois par Mme Bonnafous-Dizambourg, de la DGESIP, et par les présidents de nos établissements, autour de M. Salzmann. Cette élection constitue la première occasion officielle de présenter notre projet alternatif : une unique université confédérale en Ile-de-France, constituée par une mise en réseau horizontale de petits établissements à taille humaine, sur le principe des « grids ».

La ComUE a suscité pour l’essentiel trois types de réaction au sein de la communauté universitaire. L’indifférence, d’abord, massive. L’hostilité, ensuite, majoritaire, au fait de se voir imposer deux nouvelles strates de mille-feuilles bureaucratique. La résilience, enfin, de ceux qui choisissent de jouer avec les nouvelles règles imposées pour se positionner favorablement dans la course aux moyens. La ComUE ne dispose d’aucun soutien réel ; la liste présidentielle est plus une liste légitimiste qu’une liste qui croit aux vertus de la ComUE.

Les résultats ont été serrés. Sont-ils une victoire pour votre liste ?

C’est avant tout une défaite sévère de la liste présidentielle, qui obtient 9 voix sur deux collèges, quand les opposants à la ComUE en obtiennent 10 sur trois collèges. Vu de la lune, cela peut sembler serré, en effet, mais nous avons obtenu deux fois plus de voix et de sièges que ce que le décompte des soutiens explicites nous laissait escompter. Il faut comprendre qu’une véritable « machine de guerre » a été déployée pour qu’aucune représentation démocratique ne puisse exister. En utilisant des arguties juridiques, on nous a imposé un scrutin indirect dont les grands électeurs ont été désignés selon des procédures ad hoc dans chaque établissement. Alors que les listes anti-ComUE ont été majoritaires en voix, hors du secteur santé, lors des élections de Paris 3, 7 et 13, les listes légitimistes ont réussi à s’attribuer les deux tiers des grands électeurs. En amont, le scrutin indirect a une histoire qui démontre l’importance qu’il revêt pour certains. Il y a eu une tentative de falsification d’un amendement EELV déposé au Sénat, l’expression « scrutin direct » se transformant mystérieusement en « scrutin direct ou indirect ». La sénatrice qui avait déposé l’amendement s’en est heureusement aperçu. Il y a eu ensuite usage d’un cavalier législatif, anticonstitutionnel, le fameux cavalier 27 bis changeant les règles de constitution des conseils des ComUE dans une loi agricole, entre veau, vache, cochon et couvée.

Vous êtes désormais élu au CA. Allez-vous vous présenter à la présidence de la ComUE ?

Évidemment oui : j’ai déposé ma candidature. Plus que jamais, il s’agit de porter un projet qui ait le soutien de la communauté universitaire.

Pourquoi en êtes-vous venu à vous engager dans la politique universitaire ?

Je suis avant tout un universitaire, enseignant et chercheur. Contrairement à M. Merindol, issu de la technostructure et parachuté politiquement à la présidence de SPC, cela fait 18 ans que j’exerce mon métier dans l’un des établissements de la ComUE. Comme beaucoup de collègues, j’ai d’abord opté pour le repli au sein de « niches écologiques » : préserver les collaborations de recherche et les équipes d’enseignement. Il ne se passe cependant pas une semaine sans que cette niche se rétracte, au fil des régressions des libertés académiques. Aujourd’hui, je suis déterminé à résister à ce processus par les moyens qu’il faut. Le deuxième élément, c’est ce beau projet d’une confédération francilienne, qui a pris corps pendant le mouvement universitaire de 2009, au fil des discussions avec les collègues. Pour l’anecdote, V. Berger, l’actuel conseiller du chef de l’Etat, nous avait emprunté le projet pour le défendre auprès de Valérie Pécresse sous l’appellation P0, et s’en prévaloir. Le troisième élément est un déclencheur direct. Le premier projet Idex de SPC, baptisé Open Science, était un projet d’enseignement et de recherche, structurellement confédéral. Il n’avait donc fait aucune vague. Le second projet a littéralement évacué l’enseignement et la recherche pour devenir un projet de fusion (un projet politique, donc) et d’adjonction de couches décisionnaires au plus loin de la communauté universitaire. Il a été concocté en secret et voté en aveugle par les CA. Lorsqu’il a enfin été rendu public (dans une version expurgée qui n’est pas celle que le jury Idex a reçu), j’ai découvert stupéfait que mon UFR y avait été promise à la destruction, sans que quiconque, hormis les rédacteurs du projet (dont l’identité est toujours tenue secrète), ait été mis au courant et à fortiori consulté.

Si vous êtes élu, allez-vous demander un audit indépendant : quelles valeurs ajoutées du PRES, devenu COMUE en matière de recherche, d’innovation, de réussite des étudiants… ?

L’évaluation rigoureuse des politiques publiques, et la sanction immédiate de tout échec, est un point qui me tient à cœur. Il y a urgence à ce que la démonstration (bien évidente à la vérité) soit faite de l’absence complète de valeur ajoutée et de la gabegie de moyens (budget et postes). Le jury Idex aurait dû conduire ce type d’évaluation, mais on sait son dogmatisme en la matière : sous l’influence de M. Aghion, son obsession consiste à imposer des réformes de structures pour déposséder les universitaires de leur droit de regard sur l’enseignement et la recherche. Il devient de plus en plus évident que les ComUE franciliennes ne font que détruire les réseaux de coopération en matière de recherche et de formation. La coopération entre établissements n’aura été qu’un cheval de Troie pour imposer une réforme structurelle néfaste.

Si vous êtes élu, quels changements immédiats allez-vous proposer au Conseil des membres ?

Si je suis élu, la priorité sera donnée à un « choc de simplification » » : il faudra rapidement se débarrasser de l’empilement de structures technocratiques. Je proposerai de redonner aux composantes et aux unités de recherche des moyens de travailler. Il s’agira de répartir de la manière la plus juste et la plus transparente les moyens alloués directement à SPC par le Ministère (Idex, contrat quadriennal, postes). Concrètement, donc, ce sera la fin des appels à projets endogames et la fin des recrutements (de chargés de mission grassement payés) pour nourrir la superstructure au détriment des composantes. Il s’agira ensuite d’encourager les coopérations entre composantes, entre laboratoires, entre formations aux niveaux régional, national et international, sans tenir compte des frontières artificielles que l’on cherche à nous imposer. En particulier, il faudra défendre les masters co-habilités à l’échelle francilienne et restituer l’étage doctoral aux établissements. Plus généralement, tout sera mis en œuvre pour réaffirmer les libertés académiques, pour aider les universitaires à les reconquérir.

L’autre priorité sera de promouvoir des programmes d’amélioration de la vie étudiante (réseau de santé étudiante, carte culture, logements étudiants, représentation des doctorants, guichet unique pour les doctorants) à la seule échelle véritablement pertinente : la région.

Si vous êtes élu, participerez-vous aux prochains CA et Conseil académique de chacun des établissements pour discuter le changement de la stratégie de coopération ?

Oui, mais pas seulement. Pour promouvoir l’université confédérale francilienne (la Sorbonne, enfin !), il faudra établir un dialogue avec la communauté universitaire, d’une part, et avec les instances dirigeantes (présidences d’universités et de ComUE, ministère, région Ile-de-France et Mairie de Paris, présidence de la République). Je veux croire que le président de la République se saisira de ce projet ambitieux pour renouer avec la communauté universitaire, malmenée continûment au cours des deux dernières mandatures.

Si vous êtes élu, mobiliserez-vous les établissements pour changer la loi, pour que la COMUE SPC puisse adopter le regroupement de type « Association » ?

C’est inutile. Au moment du projet de loi, nous avons proposé des amendements à la représentation nationale pour faire inclure la possibilité confédérale. Ces amendements ont été soutenus au Sénat avec une majorité très large. La possibilité d’association confédérale et l’exception francilienne sont déjà dans la loi. Le verrou réel, c’est la volonté politique du chef de l’Etat, volonté qui, seule, à ce jour, puisse mettre fin aux intrigues de la DGESIP.

Que vont devenir les licences si la COMUE persévère dans sa stratégie de centralisation ?

On peut craindre le pire : que la ComUE s’approprie progressivement les meilleurs groupes de recherche et les formations sélectives, délaissant la licence à une couronne d’établissements paupérisés et amputés de leurs meilleurs atouts. Le fait que la ComUE ait déjà volé l’étage doctoral aux établissements accrédite ce scénario. Comme candidat, je refuse de me placer dans le rôle de celui qui gérera la misère pour limiter la casse. J’enseigne en première année de licence, où nous nous remettons sans cesse en cause pour expérimenter. Nos expériences sont bien loin des amulettes du genre Mooc que l’on agite en haut lieu comme remède magique aux problèmes. Il y a énormément de choses à expérimenter pour redresser la situation en licence (l’année 0, le dédoublement de tous les cours à chaque semestre, les oraux, le travail en petit groupes, la mise à disposition d’ouvrages, etc.). A petite échelle, nous avons des résultats très encourageants. Pour passer à grande échelle, il faut des moyens : ceux là même qui sont prélevés par la ComUE, etc.

Je connais parfaitement le projet d’Institut d’Enseignement Supérieur. Pour ma part, je n’ose évoquer la nécessité, pourtant urgente, d’une réforme radicale du premier cycle et des classes préparatoires, tant les réformes depuis 10 ans ont été néfastes.

Et les classements internationaux ?

Le projet d’université confédérale francilienne s’appuie sur des principes simples. D’abord, enlever toute frontière pour les collaborations, les moyens, les bourses de thèse et les chercheurs, eux-mêmes. Ensuite, passer à une double signature : le nom du laboratoire ou de l’équipe de recherche, et l’université confédérale. Voilà un signe fort adressé aux fétichistes des classements internationaux : doubler Harvard dans les classements. En sciences exactes, les forces de Paris Saclay, de l’UPMC, de l’Ecole Normale Supérieure, de Paris Diderot seraient rassemblées au lieu d’être morcelées et leurs réseaux de collaborations détruits.

Si vous n’êtes pas élu président, siègerez-vous au CA et pour quoi faire ?

Je ferai mon possible, mais le fait que les élus ne constituent que la moitié du CA ne joue pas en notre faveur. Imaginons donc que je ne sois pas élu. Nous allons demeurer une force importante dans ce CA, force qui s’appuie sur la communauté universitaire. Nous avons passé deux ans à développer nos moyens de communication et à constituer des réseaux. A la première alerte majeure, nous pourrons mobiliser des forces importantes. Par ailleurs, si les présidents persistent dans leur stratégie d’opacité et d’autoritarisme, en procédant à des votes savamment verrouillés, ils s’alièneront progressivement tous les élus et nous pourrons emporter certains votes. Si au contraire cette stratégie s’avère être un échec, nous démissionnerons avec fracas. Ma conviction profonde, c’est que ce système féodal monté par un petit groupe clanique qui se prétend de gauche n’a aucune base, et va donc s’effondrer d’ici deux ans, quand tout le monde va se rendre compte des effets désastreux de ce regroupement ubuesque.