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Les candidats de droite promettent une université sélective et payante - Nathalie Brafman et Camille Stromboni, Le Monde, 25 novembre 2016

Tous les candidats à la primaire de la droite veulent accentuer l’autonomie des facs, quitte à en finir avec les « tabous »

jeudi 27 octobre 2016, par Hélène

Ce que le PS rêve de faire ....

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Sélection, augmentation des droits d’inscription… Une victoire des Républicains à l’élection présidentielle de 2017 pourrait se traduire par d’importants changements pour l’université. Ces deux sujets qui semblaient jusque-là intouchables sont au cœur des projets des candidats à la primaire de la droite pour l’enseignement supérieur. Tous prônent un acte II de l’autonomie des facs, après la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (dite loi LRU ou loi Pécresse) de 2007.

«  L’autonomie n’a pas permis de lever tous les tabous  », admet Bruno Le Maire, dans le pavé de 1 000 pages qui expose son programme. Il en est ainsi du tabou de la sélection. Sur ce sujet explosif, absent des programmes de la droite en 2007 et en 2012, les candidats (Jean-Frédéric Poisson est le seul à n’avoir pas répondu à nos sollicitations) se montrent totalement décomplexés, estimant qu’il faut en finir avec l’ouverture de l’université à tous. Alors que le gouvernement Valls tente, cet automne de faire adopter au Parlement une loi permettant aux universités de sélectionner à l’entrée du master, assortie d’un droit à la poursuite d’études pour les étudiants, les candidats de la droite revendiquent avant tout cette liberté pour les établissements de sélectionner en deuxième cycle, sur dossier ou examen. Nicolas Sarkozy, Jean-François Copé ou encore Nathalie Kosciusko-Morizet vont même plus loin, défendant cette sélection dès l’entrée en licence, convaincus que cela suffira à enrayer des taux d’échec massifs. Moins d’un jeune sur trois obtient sa licence en trois ans.

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Pour Nicolas Sarkozy, il faut faire confiance aux universités en leur donnant «  la liberté d’être maître du recrutement de leurs étudiants  ». La situation n’est plus tenable avec des «  moyens considérables consacrés à un système qui échoue », souligne-t-on dans son équipe de campagne. Il est loin le temps du « plan licence », porté par sa ministre de l’époque, Valérie Pécresse, pour développer les dispositifs pour la réussite en premier cycle dans les facs.

«  Il faut arrêter cette hypocrisie et assumer la méritocratie ! », renchérit Jean-François Copé, qui va plus loin. Le maire de Meaux (Seine-et-Marne) veut instaurer le processus sélectif pendant l’année de terminale, avec examen du dossier scolaire, épreuves d’admissibilité écrites sur des sujets déterminés par les universités et des épreuves orales. « Je préfère une sélection sur le mérite et le travail plutôt que par l’échec et l’argent  », argue de son côté Nathalie Kosciusko-Morizet.

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A l’heure où 30 000 étudiants supplémentaires rejoignent les amphis universitaires chaque année, quid des jeunes bacheliers qui resteront à la porte de la fac, dernière filière non sélective du système ? Alain Juppé, Bruno Le Maire et François Fillon se démarquent légèrement en prônant plutôt une orientation « renforcée  ». François Fillon envisage ainsi la mise en place de prérequis à l’entrée des filières universitaires en tension, afin de mettre fin au système « ubuesque » du tirage au sort, qui existe principalement en sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps) pour départager les trop nombreux candidats.

« On crée de l’échec  »

Pour les deux principaux syndicats étudiants, l’UNEF et la FAGE, l’idée de sélectionner à l’entrée de la licence est une attaque contre la «  démocratisation de l’enseignement supérieur  ». «  La sélection, c’est le choix facile, dénonce Jimmy Losfeld, président de la FAGE. Il est évident qu’elle se fera sur l’origine sociale des étudiants. »

Lilâ Le Bas, la nouvelle présidente de l’UNEF, ne veut pas en entendre parler, rejetant en bloc orientation active, prérequis ou toute autre manière d’introduire une quelconque forme de sélection. «  Lorsqu’on oriente de façon impérative, on crée de l’échec  », dit-elle. Selon elle, c’est le manque de moyens des universités qui est la cause de l’échec en licence.

Un second dossier promet de provoquer une levée de boucliers des organisations étudiantes. Les candidats à la primaire de la droite brisent un autre tabou : la fin du modèle de quasi-gratuité de l’université française – 184 euros en licence, 256 euros en master et 391 euros en doctorat. Instaurer la liberté pour chaque établissement de déterminer les droits d’inscription dans ses formations est pour eux la dernière brique de l’achèvement de l’autonomie.

L’augmentation de ces droits fédère contre elle, de manière quasi unanime, la communauté universitaire. Même la Conférence des présidents d’université, favorable pourtant à des avancées sur le terrain d’une orientation plus prescriptive, rejette une telle idée. «  L’enseignement supérieur ne sera plus un service public », s’indigne Jimmy Losfeld. « C’est le meilleur moyen pour accroître les inégalités sociales », ajoute la présidente de l’UNEF.

Les responsables de droite y mettent tout de même un préalable : l’Etat fixerait un plafond au-dessus duquel les universités ne pourraient aller, pour éviter des dérapages. Alain Juppé et François Fillon n’envisagent, eux, cette augmentation qu’au niveau du master, pas en licence. Jean-François Copé préconise une modulation selon les revenus des parents, tandis que NKM veut voir cette liberté assortie d’une obligation d’accueillir un taux minimum de boursiers pour chaque université.

Des garde-fous sur un dossier d’autant plus miné que le modèle économique des universités est remis en question. Face au boom démographique et aux charges des établissements toujours plus lourdes, alors que le budget alloué par l’Etat est stable, les déficits et les plans d’économie s’enchaînent. «  L’Etat ne pourra pas faire tous les efforts budgétaires pour éponger un tel afflux d’étudiants », souligne Nathalie Kosciusko-Morizet. «  L’université est l’un des seuls secteurs épargnés par les restrictions depuis plusieurs années », glisse-t-on dans l’équipe de Nicolas Sarkozy.

L’ancien président, de même qu’Alain Juppé, prévoit de supprimer 300 000 postes de fonctionnaires, quand Bruno Le Maire propose 500 000 suppressions et François Fillon pousse jusqu’à 600 000. Les secteurs de la sécurité ou de la santé étant exclus de ces coupes par la plupart des candidats de droite, l’éducation nationale sera forcément centrale. Reste à savoir quel régime sera réservé à l’université.