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Universités : Frédérique Vidal enterre un peu plus le logiciel APB - Faïza Zerouala, Médiapart, 29 septembre 2017

vendredi 29 septembre 2017, par Laurence

À l’occasion de la rentrée universitaire, la ministre de l’enseignement supérieur a de nouveau évoqué les chantiers urgents auxquels elle doit faire face, la réforme de l’accès à l’enseignement supérieur en tête avec une refonte du système d’affectation post-bac, APB.

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Jusqu’au bout, la plateforme admission post-bac (APB) restera une épine dans le pied du ministère de l’enseignement supérieur. Ce jeudi 28 septembre, le jour même de la conférence de presse de rentrée de Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a mis en demeure le ministère au sujet de la plateforme admission post-bac (APB) à propos de laquelle elle signale « plusieurs manquements  ».

L’autorité s’alarme par ailleurs du manque d’information sur le traitement des données ainsi que sur le mode de fonctionnement de l’algorithme qui répartit les bacheliers dans les différentes filières d’enseignement supérieur. La CNIL demande notamment au ministère de « cesser de prendre des décisions concernant des personnes sur le seul fondement d’un algorithme et de faire preuve de plus de transparence » dans l’utilisation de la plateforme. L’État dispose de trois mois pour se mettre en conformité avec la loi mais ne risque pas de sanction pécuniaire.

Avec ce drôle de chevauchement de calendrier, Frédérique Vidal a été obligée de répéter ce qu’elle avait déjà annoncé auparavant. Oui, la plateforme APB telle qu’elle existe depuis 2009 a vocation à disparaître, dès 2018, pour faire place à un système amélioré. Il faut dire que la plateforme fait l’objet d’une somme de critiques sévères mais justifiées, au regard du cafouillage estival engendré et cette interminable litanie des naufragés, sans affectation.

D’ailleurs, 3 729 bacheliers (dont 1 146 bacheliers technologiques et 2 503 bacheliers professionnels) sont toujours dans l’attente d’une place alors même que la rentrée universitaire a déjà eu lieu. La ministre assure que les recteurs continuent de travailler pour trouver des solutions à chacun, d’autant que 135 000 places ne sont pas pourvues en licence générale et en BTS public et privé. Sans compter que l’usage de plus en plus fréquent du tirage au sort pour départager des candidats est décrié pour son caractère injuste et aléatoire par définition. La semaine dernière par exemple, le tribunal administratif de Bordeaux, saisi par trois prétendants en L1 de sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS), l’une des filières dites en tension, a jugé la pratique illégale et a demandé l’inscription de ces trois recalés.

Enfin, il est nécessaire de changer le système parce que – et la CNIL ne dit pas autre chose – son mode de fonctionnement demeure opaque. En 2016, l’association Droit des lycéens puis la mission Etalab avaient pressé le ministère de rendre public le code source du logiciel. Après plusieurs mois de bras de fer juridique et un avis de la Cada, le ministère, alors dirigé par Thierry Mandon, avait fourni un document rendant, en partie, public l’algorithme.

C’est pour toutes ces raisons que la ministre a directement répondu à la CNIL en déclarant que « le gouvernement se conformera strictement à cette mise en demeure. Cela suppose donc de modifier la loi, puisque nous ne pouvons pas, en l’état des textes, faire autrement que tirer au sort. À l’issue de la concertation qui s’est engagée, nous devrons donc poser un nouveau cadre et lui donner une assise juridique solide ».

De fait, Frédérique Vidal a dû exposer la réforme de l’accès à l’université, son chantier prioritaire depuis son arrivée à la tête de ce ministère. La refonte profonde d’APB est actée : « L’échec d’APB, ce n’est pas un échec technique, c’est un échec politique  », a redit la ministre.

Celle-ci a confirmé la création d’un nouveau système d’admission à l’enseignement supérieur, différent d’APB, jusqu’à son nom, pour la rentrée 2018. Pour désamorcer les réserves concernant l’opacité du système et son traitement des données personnelles, elle a évoqué la mise en place d’un garde-fou : « La plateforme qui sera appelée à succéder à APB sera adossée à un comité d’éthique qui inclura des scientifiques de haut niveau. Ce comité veillera à ce que les règles de la plateforme soient transparentes. » Elle a ajouté que ce nouveau site sera piloté par « un service à compétence nationale », rattaché au ministère. Le projet sera présenté en novembre, « pour informer les lycéens et leurs familles dès le retour des vacances de la Toussaint ». Seulement, le calendrier est serré.

Il est de coutume pour le site d’ouvrir le 20 janvier et de terminer les répartitions mi-septembre. Pour la ministre, étendre cette procédure sur dix mois est «  anxiogène  ». Il est donc question de resserrer cette période. Plusieurs pistes sont enfin envisagées pour améliorer l’orientation et désengorger certains cursus : inventer de nouvelles formations, décloisonner les filières ou encore restreindre le nombre de vœux – au nombre de 24 actuellement – à formuler dans le futur APB. La ministre l’a assuré, presque sans plaisanter, il n’est pas non plus question de revenir au dossier papier d’autrefois, dont le dépôt générait des files d’attente interminables.

Les réponses définitives seront dévoilées à l’issue de la concertation engagée avec les acteurs de la communauté éducative depuis mi-septembre, qui entre dans sa dernière ligne droite. Les propositions des groupes de travail constitués seront connues à partir du 19 octobre. Frédérique Vidal s’est déjà engagée à mettre fin au tirage au sort, pratiqué à l’entrée des licences universitaires où le nombre de places est insuffisant par rapport aux demandes. Elle souhaite aussi instaurer des « prérequis », dont les modalités précises restent à définir. « Vous ne pouvez pas commencer à lire si vous ne connaissez pas l’alphabet. Il en va de même pour l’entrée dans l’enseignement supérieur », a-t-elle déclaré pour illustrer son propos. La ministre, qui préfère le terme « attendus », a insisté sur la nécessité de mieux orienter les bacheliers pour combattre la « sélection par l’échec  ». Il faut donc informer les futurs étudiants sur les bases à maîtriser avant de s’engager dans tel ou tel cursus. Les stages de remédiation font aussi partie des alternatives envisagées. La perspective d’une sélection s’éloigne même si la ministre dit ne pas y être opposée dans l’absolu, tout en précisant qu’il n’est pas question de cela pour le moment.

La ministre a également assuré que la rentrée s’est bien déroulée. Et ce malgré la hausse du nombre d’étudiants à l’université de 1,4 %, soit 38 100 inscrits supplémentaires comparé à 2016. En cause, le baby-boom des années 2000. Reste aux universités à les accueillir convenablement. Ce qui n’est souvent pas possible, faute de moyens.

Le ministère se gargarise d’avoir arraché « un beau budget » pour 2018. Cet été, l’annonce de la coupe de 331 millions d’euros dans le budget de l’enseignement supérieur avait suscité la colère du monde universitaire, acculé à plus de précarité. Aujourd’hui, Frédérique Vidal souligne la hausse de 707 millions d’euros, soit 2,6 %, par rapport au budget initial de 2017. La répartition se fait comme suit : 13,4 milliards d’euros, soit une hausse de 194 millions pour l’enseignement supérieur, 2,7 milliards, soit une hausse de 11 millions pour la vie étudiante et 8,4 milliards, soit une hausse de 501 millions alloués à la recherche.

Le ministère de l’enseignement supérieur met aussi en avant une hausse de crédits disponibles pour les universités de 234 millions d’euros. Un budget supplémentaire à répartir sur deux postes : la gestion du patrimoine immobilier (59 millions d’euros) et le fonctionnement des universités (175 millions d’euros). La ministre a expliqué que cela devrait permettre aux universités d’alléger la charge qui pèse sur elles et de pouvoir financer les avancements de carrière des personnels et la masse salariale.

Seulement, si le coup de pouce est salué, ces montants sont jugés insuffisants par les différents acteurs de la communauté éducative, notamment les syndicats d’enseignants et d’étudiants. Ils estiment que pour absorber le boom démographique, les universités auraient besoin a minima de deux milliards d’euros par an pendant cinq ans.

Des critiques que Frédérique Vidal connaît déjà et a voulu désamorcer. La ministre, durant sa conférence de presse, interpellée sur son propre passé de présidente d’université (à Nice-Sophia Antipolis) a raconté que « par définition, les présidents d’université ne sont jamais contents de leur budget » car ils en veulent «  toujours plus pour mener des projets  ».