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La ministre et le milliard - Communiqué de SLU, 6 avril 2018

vendredi 6 avril 2018

Dans un tweet hâtif, le mercredi 4 avril, la Ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche fait mine de se demander comment les enseignants-chercheurs qui refusent de trier les étudiants pourront regarder les étudiants après que le gouvernement a eu l’extrême générosité de mettre à la disposition des universités 1 milliard d’euros…

Passons sur les leçons de morale déplacées de la part d’une ministre qui n’a pas pris en compte une seule des remarques critiques sur sa réforme, lors des séances de « concertation » qui ont précédé la rédaction du texte. Passons aussi sur le fait que l’attaque relève de la provocation un peu malhabile de la part de quelqu’un à qui il serait loisible de demander comment elle peut, elle, regarder les étudiants et les enseignants-chercheurs en face après avoir mis en place les nouvelles procédures au pas de course avant même que le texte n’ait été voté par le Parlement, au risque de créer la pagaille – et l’insécurité pour des centaines de milliers d’étudiants - avec un nouveau dispositif d’inscription fragile techniquement et politiquement.

Contentons-nous de revenir au fameux « milliard » qui serait octroyé aux universités par le gouvernement et dont l’évocation relève d’un curieux mélange de simulation et de dissimulation que la seule brièveté du medium ne suffit pas à expliquer (ou alors il ne fallait pas recourir à ce medium…).

Tout d’abord on remarquera que tous les acteurs de la réflexion sur le budget de l’enseignement supérieur – syndicats, associations, experts, parlementaires– s’accordent sur la nécessité d’injecter a minima un milliard par an dans l’ESR pour simplement en maintenir les conditions actuelles de fonctionnement. L’état de délabrement matériel de bonne part de l’université française, le recrutement en baisse constante des enseignants-chercheurs comme des membres du personnel administratif, l’augmentation (prévisible…) du nombre d’étudiants transforment cette revendication en un simple constat. La ministre en dégainant son « milliard » aurait-elle enfin pris conscience de l’état des lieux ? Non, évidemment, car ledit milliard, promis et non engagé, concerne l’intégralité du mandat présidentiel et serait donc mobilisé au fil de ces cinq années et non pour une ! Le milliard équivaudrait donc à 200 millions par an ce qui, pour une centaine d’établissements du supérieur, auxquels il faut au moins ajouter les sections de BTS, apparaît nettement moins glorieux.

En deuxième lieu, la fierté offensive manifestée par la ministre est d’autant plus déplaisante que le milliard sur cinq ans est censé financer les nouveautés induites par la récente réforme alors que – on l’a dit – la même somme serait nécessaire annuellement pour préserver l’état matériel peu reluisant de l’université française avant même ladite réforme.

En troisième lieu la ministre se garde bien de dire évidemment qu’il est prévu (jusqu’au prochain revirement ?) que la moitié de la somme évoquée soit distribuée sous la forme d’appels à projets dans le cadre des « grands investissements d’avenir ». Or, le jury international qui les sélectionne tend à privilégier les projets issus des universités qui ont le plus de moyens pour construire les candidatures… le plus souvent, donc, celles qui ont le moins besoin d’être soutenues… Bref, la moitié du milliard de la ministre va abonder le budget de quelques universités déjà bien dotées.

Last but not least, la ministre souligne implicitement dans son message l’effort fait par le gouvernement, dans une situation budgétaire que l’on nous décrit comme tendue, en faveur de ces universitaires qui décidément ont bien du mal à lui en être reconnaissants. Rappelons donc que sans mettre à mal les équilibres budgétaires, présentés comme sacro-saints, il serait très aisé de recourir à une partie de l’argent dépensé par l’État dans le cadre du crédit impôt-recherche (CIR), soit actuellement plus de 6 milliards (une somme décuplée depuis dix ans !) qui constitue une aubaine fiscale scandaleuse pour certaines grandes entreprises – qui plus est attribuée sans aucune des conditions minimales que la collectivité serait en droit d’attendre, voire de réclamer (embauche de jeunes chercheurs, taille de l’entreprise, nature des recherches réalisées etc.).

Soyons fous : faisons ruisseler un petit tiers du CIR sur les universités, Madame la ministre !

Sauvons l’Université ! 6 avril 2018

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SLU 6avril18