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Enseignement supérieur, recherche, innovation.... Julien Gossa relit un vieux rapport, 27 novembre 2019

vendredi 29 novembre 2019, par Mariannick

Avec plein de morceaux de Macron à l’intérieur.

Enseignement supérieur, recherche, innovation. Quels acteurs ?

Henri Guillaume et Emmanuel Macron, Esprit, décembre 2007

[bleu]L’importance démocratique et économique de l’enseignement supérieur et de la recherche est aujourd’hui pleinement reconnue. En effet, si l’on attend toujours du monde académique qu’il forme les esprits et qu’il nourrisse le progrès des connaissances, il reçoit désormais un surcroît d’attention en raison de la prise de conscience du rôle du capital humain et de l’innovation technologique comme facteurs clés de la réussite d’une économie dans le monde contemporain.[/bleu]

« Réorganiser l’ESR afin d’accroître l’autonomie, les incitations et l’évaluation des acteurs. »

[bleu]Le constat de l’importance du financement budgétaire de la recherche publique se heurte quant à lui au sentiment justifié de paupérisation éprouvé par les chercheurs. Toutefois, cette situation ne s’explique pas par la faiblesse des ressources globales mais par le grand nombre de chercheurs français7, la rigidité de la masse salariale et la dispersion des crédits sur un trop grand nombre de laboratoires dont la qualité scientifique est variable. L’accroissement des effectifs et le saupoudrage des crédits ont donc mobilisé l’essentiel des dépenses publiques, empêchant ainsi d’équiper ou de donner des moyens de fonctionnement satisfaisants aux laboratoires et de rémunérer décemment des chercheurs qui pour certains appartiennent à l’élite scientifique de leur discipline.[/bleu]

Le problème de la recherche n’est pas la faiblesse du financement, mais le trop grand nombre de chercheurs, leur trop grande protection sociale, et plus généralement toute forme d’égalités.

[bleu]Que faire ?
L’innovation et la recherche ne peuvent voir leur situation s’améliorer qu’à la condition de développer trois grands axes d’actions : mieux inciter la recherche privée ; développer les liens public-privé ; avoir une politique de recherche et d’enseignement supérieur plus efficace afin d’améliorer la recherche de base qui est indissociable de l’enseignement.
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« Que faire ? »
- du privé,
- du public-privé
- de la performance dans le public (comme dans le privé).

[bleu]La réforme du crédit impôt recherche (Cir, qui consiste en la détermination du crédit en fonction du volume de la recherche et en un déplafonnement) renforcera massivement le financement par l’État de la recherche privée. Au total (mesures fiscales et aides directes), l’État prendra en charge, à terme, près de 25% de la dépense privée, soit environ le double de la moyenne de l’Ocde. Cette réforme présente l’avantage de rééquilibrer le soutien public entre secteurs en tenant compte de leur contribution effective à l’effort de recherche-développement. Mais dans le même temps, elle profitera surtout aux grandes entreprises et renforcera la concentration des crédits en leur faveur.[/bleu]

Privé : « La réforme du crédit impôt recherche profitera surtout aux grandes entreprises et renforcera la concentration des crédits en leur faveur. »
C’était donc parfaitement connu, et donc voulu.

Les auteurs sous-estiment cependant le coût (3Md€, en réalité ce sera 7 Md€).

[bleu]La seconde question concerne la stratégie à adopter vis-à-vis des grands groupes qui bénéficient déjà d’une part substantielle de l’aide publique. Le déplafonnement du Cir accentuera fortement cette concentration dans les prochaines années si le dispositif n’est pas modifié ultérieurement. L’interrogation est d’autant plus légitime que les grandes entreprises françaises ne semblent pas consentir un effort de recherche inférieur à celui de leurs concurrents étrangers. À l’exception des groupes travaillant pour la défense et pour les grands programmes technologiques, elles en assurent le financement sur leurs ressources propres dans des proportions voisines des entreprises étrangères. Le risque qu’un financement public trop généreux ne fasse que renforcer les effets d’aubaine n’est pas négligeable.[/bleu]

« Le risque qu’un financement public trop généreux ne fasse que renforcer les effets d’aubaine n’est pas négligeable. »

[bleu]Ces conclusions, si elles apportent un éclairage intéressant, ne suffisent pas à expliquer le paradoxe français : la stagnation depuis près de vingt ans de l’intensité de la recherche privée alors que le financement public s’est constamment situé parmi les plus élevés au monde. Ce paradoxe mériterait une analyse plus approfondie qui n’a pas été effectuée à ce jour et un examen sans concession des dispositifs mis en place au fil du temps, qui se caractérisent par la juxtaposition et la sédimentation de mesures, sans remise en cause périodique ni évaluation de leur impact global. Il paraît toutefois évident que ce n’est pas le montant global du soutien de l’État qui est en cause, mais son efficacité. La véritable priorité serait de se fixer des objectifs réalistes, de redéployer les financements publics entre secteurs et types d’entreprises, de simplifier radicalement le dispositif administratif.[/bleu]

Conclusion sur la recherche privée : ça coûte un pognon (public) de dingue, pour très peu d’efficacité.

Rien ne sera cependant fait pour changer cette situation, sinon l’aggraver un peu plus.

[bleu]La priorité est donc de faciliter cette recherche coopérative entre les grandes entreprises et les laboratoires publics mais, comme dans de nombreux pays, l’État ne doit financer que la contribution de la recherche publique au projet commun et réserver ses financements directs aux petites et moyennes entreprises. Ces dernières représentent, on l’a vu, une cible privilégiée.[/bleu]

Pour compenser la gabegie programmée du soutien à la recherche privée, les auteurs proposent d’intervenir à la frontière public-privé.

Souci, ça ne marchait pas non plus, et ça ne marchera toujours pas.

Ça n’empêchera pas, tout comme le CIR, de continuer à le financer de plus en plus, toujours sans aucun résultat tangible.

[bleu]De nombreuses structures d’interface visant à améliorer le transfert de technologie mis en place depuis une vingtaine d’années viennent compléter ce paysage : les centres régionaux d’innovation et de transfert technologiques (Critt), dont 131 sont financés dans le cadre des contrats de plan État-régions, les centres nationaux de recherche technologique au nombre de dix-huit. L’efficacité de ces structures est loin d’être évidente et un désengagement de l’État dans leur financement n’affecterait pas en réalité la compétitivité de notre économie.[/bleu]


Public-privé : Ça fait 15 ans qu’on essaye sans succès, il convient donc d’essayer encore 15 ans de plus (au moins).

Comme on l’a vu, les actions sur le privé sont inefficaces, il faudra donc agir sur le public.

D’abord avec un bâton, avec de la mobilité et de la modulation des services des enseignants-chercheurs.

[bleu]Les politiques indemnitaires des établissements pourraient constituer un levier pour inciter les chercheurs et enseignants-chercheurs à mener des activités de valorisation, en particulier en modulant pour ces derniers les obligations de service. [/bleu]

Ensuite avec une carotte, en concentrant les moyens sur les excellents et leaders.

[bleu]De plus, les projets communs entre laboratoires publics et entreprises doivent être facilités, en particulier en faisant émerger de nouveaux centres d’excellence en fédérant et en renforçant les laboratoires de recherche technologique existants. Enfin, il est proposé de faire émerger des sites leader en matière de propriété intellectuelle et de création d’entreprises, et dans chacun de ces sites de mettre en place des offices mutualisés de transfert de technologie professionnalisés et ayant atteint la taille critique nécessaire[/bleu]

C’est à peu près tout. Un peu d’OpenScience, mais rien de clair. Taper sur les fonctionnaires semble suffisant.

[bleu] Réorganiser la recherche et l’enseignement supérieur pour accroître les performances académiques.
L’organisation atypique de la recherche française et de son mode de financement, la séparation entre établissements d’enseignement supérieur, organismes de recherche et grandes écoles, entre enseignants-chercheurs et chercheurs constituent un handicap de plus en plus apparent. Il est difficile aujourd’hui de soutenir que la spécificité du modèle français n’est pas un obstacle à son rayonnement international. De plus, la France connaît une érosion de ses positions scientifiques. Celle-ci, mesurée à travers le nombre de publications comme le nombre de citations, se vérifie dans la plupart des domaines aussi bien à l’échelle mondiale qu’à l’échelle européenne
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Réorganisation de l’ESR
(parce que ça ne va pas du tout, et que ce n’est pas une question de moyens(tm) )

Comment qu’on fait ?

[bleu]1. On concentre les moyens sur peu d’établissements
Une dizaine d’universités autonomes, bien financées, bien évaluées.
Les exemples étrangers témoignent du rôle fondamental que joue l’enseignement supérieur dans les performances de recherche et la valorisation. Les grandes universités européennes qui ont réussi dans ce domaine présentent des caractéristiques communes : une masse critique en matière de recherche et un champ scientifique pluridisciplinaire ; des règles de gouvernance qui leur donnent la capacité de définir leur propre stratégie, notamment leur politique scientifique ; l’autonomie dans la définition et l’exécution de leur politique de recrutement ; ce qui leur permet d’attirer les meilleurs enseignants ; le libre choix de leurs étudiants ; un cadre de gestion souple et des instruments de pilotage efficaces.
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On retrouve toujours le même chiffre de 10 que dans les "travaux" d’Attali, auquel Macron a participé. C’est l’IDEX.

2. Autonomie pour ces établissements excellents

[bleu]L’autonomie est un levier – d’incitation déterminant aussi – dans la mesure où elle responsabilise les acteurs locaux en leur octroyant un budget et en les intéressant aux performances obtenues. Aussi l’autonomie doit-elle à terme aller plus loin que la loi du 10 août ne l’a prévu. En effet, il importe que l’embauche, la gestion des personnels et des carrières comme la sélection des étudiants puissent être faites par les universités. Une plus grande autonomie n’a de sens que si elle s’accompagne d’une évaluation plus exigeante et conduite au niveau national voire international. C’est la condition pour éviter le clientélisme. L’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Aéres), dont le fonctionnement est régi par le décret 2006-1334 du 3 novembre 2006, est chargée de procéder à l’évaluation des établissements, des unités de recherche et des formations supérieures. C’est cette agence qui devrait être le principal outil de l’évaluation des universités.[/bleu]

« Il importe que l’embauche, la gestion des personnels et des carrières comme la sélection des étudiants puissent être faites par les universités. »

Bien sûr, concentration des moyens + autonomie = moins de maillage territorial.

[bleu]Si le caractère élitiste des grandes écoles fait l’objet d’un large consensus, l’idée de différencier les universités suscite plus de remous. La logique d’aménagement du territoire, qui a parfois prévalu, a conduit à une dispersion des moyens qu’on retrouve également dans le trop grand nombre de pôles de compétitivité labellisés. Il faut réaffirmer avec force que l’enseignement supérieur et la recherche n’ont pas vocation à être le levier d’une politique d’aménagement du territoire, même si un maillage territorial au niveau de la licence demeure indispensable.[/bleu]

« Il faut réaffirmer avec force que l’enseignement supérieur et la recherche n’ont pas vocation à être le levier d’une politique d’aménagement du territoire »

Enfin, il convient de bien expliciter que lorsqu’on parle d’autonomie, il ne s’agit pas d’autonomie académique (mais seulement budgétaire).

[bleu]Enfin, il importe de souligner que les universités, quand bien même elles seraient autonomes et évaluées, n’ont pas vocation à piloter la recherche française. Les axes stratégiques doivent être définis au niveau du ministère voire de l’Union européenne et les grandes actions structurées par les organismes de recherche. Toutefois, les principaux campus (associant universités, grandes écoles, laboratoires, Iut, etc.) devraient progressivement pouvoir jouer un rôle décisif en matière de recherche.[/bleu]

Les axes stratégiques doivent totalement échapper aux universités, voire à la nation.

C’est bien ce que nous faisons.

Parmi les moyens de réduire cette autonomie académique, les auteurs proposent d’utiliser le financement par projet.

[bleu]Organiser la recherche autour des projets et non pas des structures.
Le deuxième axe de la politique proposée s’appuie sur une transformation significative du mode de financement de la recherche fondamentale. La recherche française est déjà largement financée sur fonds publics récurrents tandis que le financement par projet demeure limité. Le système actuel de financement des structures restreint les marges de manœuvre du ministère de la Recherche pour redéployer les moyens entre champs disciplinaires et entre équipes.
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« La recherche ne peut être organisée tout entière sur le modèle de la recherche libre »
Emmanuel Macron, 2007.

[bleu]Rigidités, absence de choix stratégique de la tutelle, financement des structures plutôt que des projets : autant de freins au dynamisme de la recherche publique française. Il importe donc que la recherche soit davantage financée par projet à l’image de ce qui ce pratique partout à l’étranger. Même si dans certains domaines le temps long est requis, la recherche ne peut être organisée tout entière sur le modèle de la recherche libre. La vie de la recherche est une vie de projets même si les organismes de recherche doivent conserver des unités propres qui poursuivent une recherche fondamentale orientée sur des axes stratégiques de long terme. Mais il faut permettre à des enseignants-chercheurs, une fois leurs projets retenus, d’obtenir des financements importants, des moyens humains supplémentaires et éventuellement la capacité de racheter des heures d’enseignement.[/bleu]

« La capacité de racheter des heures d’enseignement. » est particulièrement intéressante.
On y retrouve le chercheur auto-entrepreneur de sa carrière, déchargé de ses obligations s’il est capable de les financer lui-même.
« Des statuts de chercheurs pour des durées données de quatre à douze ans par exemple et avec des postes permanents pour les directeurs »

N’est-ce pas ce que nous visons avec la #LPPR ?

[bleu]La montée en puissance de l’Anr ne doit cependant pas conduire à promouvoir un modèle uniforme. Il importe de conserver des unités de chercheurs à temps plein, de mettre en place des statuts de chercheurs pour des durées données de quatre à douze ans par exemple et avec des postes permanents pour les directeurs, sur le modèle de ce que fait le Max Planck en Allemagne. Toutefois il est indispensable, pour développer les incitations et la performance dans le système de recherche français, de promouvoir une organisation de la recherche davantage pilotée sur la base d’un financement par projet.[/bleu]

M. Macron semble donc proposer, en 2007, d’adopter un modèle du survivant, dont le principal avantage est beaucoup de souplesse pour l’employeur et le principal désavantage est un lourd coût humain.
Cette lecture éclaire de façon satisfaisante la dégradation des conditions de travail des universitaires ces dix dernières années, et les réformes statutaires envisagées dans la #LPPR, justifiées par le mépris affiché des auteurs pour toutes les spécificités du système français.

[bleu]La compétitivité française d’aujourd’hui et plus encore de demain passe donc par une réforme en profondeur des politiques d’innovation et de recherche. Le défi présent est de concevoir à nouveau le système de recherche qui s’est structuré autour d’organismes ad hoc au cours duxxe siècle et qui, après avoir fait notre réussite, est en passe de devenir un handicap.
Plus encore, le véritable enjeu est de repenser la place de l’université. La mondialisation en fait le seul acteur reconnu de la formation comme de la recherche, alors même qu’en France l’excellence s’est toujours organisée hors de l’université, qu’il s’agisse des grandes écoles ou des organismes de recherche. Nécessité de revenir aux sources de l’université donc, de lui retrouver une place éminente, de la restaurer comme un espace central de la recherche et de l’enseignement.[/bleu]