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Recherche : quand est-ce qu’on se lève et qu’on se barre ? - Tribune de Pérola Milman, Libération, 6 mars 2020

samedi 7 mars 2020, par Mariannick

Compte-rendu d’un conseil de Laboratoire. Deux heures où le mot argent remplace le mot recherche. Où les moyens deviennent la fin, et de la fin, on n’en parle plus.

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C’était la semaine dernière. C’était avant les césars. C’était avant Despentes. J’étais au conseil de labo, il a commencé à 10 heures. A midi, le sujet de la discussion n’avait pas changé : on parlait budget. La fac risquait de revenir sur son soutien financier annuel pour la salle blanche. Le surplus que le laboratoire avait, grâce aux impôts prélevés des nombreux projets qu’il accueille, et qu’il souhaitait redistribuer parmi ses membres, était sous menace. Il était question qu’il serve à combler le trou, ce nouveau trou qui vient tout juste d’apparaître à la suite des changements administratifs à l’université. Car il faut entretenir la salle blanche. « C’est grâce à la salle blanche qu’on a pu attirer untel ici, avec son ERC, ça aide énormément le labo », a dit le directeur. Deux heures à parler budget, à tenir de tels propos, où le mot argent remplace le mot recherche. Où les moyens deviennent la fin, et de la fin, on n’en parle plus.
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Une semaine après, je relève un peu la tête. Je lis Despentes. Je revois Haenel. Je pense à ces derniers mois, à cette tribune signée de 200 chercheurs exceptionnels qui s’autoproclament « la communauté scientifique », qui pensent que la taille de leur… médaille suffit pour nous faire avaler un texte digne d’un élève de CM2, qui ne sait que hurler : je veux du pognon ! Il est où mon argent de poche ? Je pense à ces dernières années, au long, lent et sûr parcours de nous tous vers l’acceptation de ce système violent, abusif, de compétition infructueuse, injuste et injustifiée. Je vois sa force, en regardant les césars, en regardant autour de moi les collègues qui s’arrachent pour un projet, pour un article publié. Elle impressionne, l’attraction de l’argent, la séduction du pouvoir, la force de la domination et surtout : la difficulté de la détruire. Et je me demande : quand est-ce qu’on se lève et qu’on se barre ?