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IDEX : Gillet et Aghion dans le jury “international”. Philippe Jacqué, le Monde, blog éducation, 17 mars 2011

jeudi 17 mars 2011

C’est une curiosité. Alors que les auditions pour les initiatives d’excellence (IDEX) sont en cours cette semaine, la constitution du jury international de vingt-cinq chercheurs commence a être connue. Avec deux surprises de taille, ce qui agace certains en coulisse.

C’est une curiosité. Alors que les auditions pour les initiatives d’excellence (IDEX) sont en cours cette semaine, la constitution du jury international de vingt-cinq chercheurs commence a être connue. Avec deux surprises de taille, ce qui agace certains en coulisse. Si le président du jury, Jean-Marc Rapp, l’ancien président de Lausanne et l’actuel président de l’Association européenne des universités, est reconnu et respecté en Europe, et en France, deux membres de ce jury international interpellent : Philippe Gillet et Philippe Aghion.

Le premier n’est autre que l’ancien directeur de cabinet, français, de Valérie Pécresse, la ministre de l’enseignement supérieur. Aujourd’hui vice-président de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), Philippe Gillet est un chercheur et un administrateur reconnu internationalement. Il a en particulier dirigé l’ENS Lyon. Ce chercheur connaît particulièrement bien les dessous du système universitaire français, puisqu’en tant que “dircab”, il a géré entre 2007 et 2010 toutes les bisbilles entre établissements et a assisté, suscité ou poussé les rapprochements actuels d’universités, dont les regroupements se retrouvent dans les IDEX.

Bref, sans faire de procès d’intention, on peut voir son rôle de deux manières :

Positivement : il va pouvoir décrypter pour le jury quel est l’état réel des forces universitaires françaises ou quel est l’état d’esprit ou le positionnement de chaque acteur. Des acteurs qu’il connaît par coeur pour les avoir cotoyés longuement.

Négativement : proche de la communauté universitaire lyonnaise, dont il est issu, il pourrait apparaître en “conflit d’intérêt” sur le dossier lyonnais. De même, beaucoup auront le sentiment que Philippe Gillet est aujourd’hui les yeux et les oreilles de Valérie Pécresse au sein du jury… Même s’il s’en défendra, c’est l’impression que cela laisse à beaucoup d’observateurs.

Le second est également français. Médaillé d’argent du CNRS, Philippe Aghion est un économiste français en poste à l’université d’Harvard . Très écouté par Valérie Pécresse, qui lui a commandé un rapport sur “L’excellence universitaire, les leçons des expériences étrangères”, l’économiste s’est activé en coulisse ces dernières années pour soutenir l’un des projets candidats à l’IDEX : Paris Sciences et Lettres, le projet porté en particulier par l’Ecole normale supérieur et Paris-Dauphine. Convaincu depuis longtemps que les deux institutions devaient travailler ensemble, car ils avaient les mêmes gènes (sélection, haut niveau de recherche, etc.), il n’a jamais caché son soutien à ce rapprochement.

Ce projet est extrêmement séduisant, car il propose la création d’une université collégiale à taille humaine (20000 étudiants, dont une majorité au niveau master et doctorat), à l’image des grandes universités privées de recherche, comme Harvard, Stanford ou Princeton. Cependant, ce projet a de forts airs de ressemblance avec le rapport écrit par Philippe Aghion. On ne peut le lui reprocher. En revanche, sa présence dans le jury, même s’il jugera les dix-sept projets d’IDEX en toute indépendance d’esprit, laisse planer un doute.

L’Agence nationale de la recherche et le gouvernement pourront rétorquer que deux jurés ne font pas un jury, qui compte vingt-cinq personnes. C’est vrai. Mais la communauté universitaire française, qui adore pointer les potentiels conflits d’intérêts, appréciera ces choix.

Philippe Jacqué


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