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Les cultures universitaires au coeur de l’internationalisation - Discours de Valérie Pécresse lors de l’ouverture du sommet mondial des universités, 6 mai 2011

samedi 7 mai 2011

Lors de l’ouverture du sommet mondial des universités, Valérie Pécresse est revenue sur l’internationalisation de l’enseignement supérieur : aujourd’hui 3 millions d’étudiants suivent un cursus à l’étranger (+24 % depuis 2003).

C’est pour moi un plaisir et un honneur que de vous souhaiter aujourd’hui la bienvenue au nom de la France, pour ce sommet mondial des universités qui restera, j’en suis certaine, comme l’un des temps forts de la Présidence française du G20.

Vous le savez, Mesdames et Messieurs les Présidents, c’est au Japon que s’est tenue, il y a deux ans, la première de ces rencontres internationales des universités. Vous me permettrez donc de saluer d’emblée la présence parmi nous de Junichi HAMADA et de l’ensemble de la délégation japonaise : malgré les événements terribles auxquels vous avez été confrontés, je sais, Mesdames et Messieurs, que vous n’imaginiez pas un instant que ce très grand pays de science qu’est le Japon puisse être absent de ce sommet mondial. La France y voit un témoignage de la détermination intacte du peuple japonais à surmonter l’adversité.

Monsieur le Président, votre prédécesseur, le Professeur Hiroshi KOMIYAMA, m’avait fait l’honneur de m’accueillir à Todai il y a trois ans et c’est un privilège de vous accueillir à mon tour aujourd’hui. Et je le sais, je parle en notre nom à tous en vous exprimant ce matin la solidarité de l’ensemble de la communauté universitaire française et internationale.

Les cultures universitaires au cœur de l’internationalisation

Je tenais également à saluer d’emblée votre volonté, Monsieur le Président Louis Vogel, d’élargir ces rencontres aux représentants de l’ensemble des universités du monde. Tous les continents sont aujourd’hui présents et c’est à mes yeux un très beau symbole : celui des valeurs d’ouverture, de coopération et d’échange qui portent l’univers académique.

Bien sûr, les nations du monde se sont toujours montrées fières de leurs universités. Et je dirais même qu’une saine émulation a toujours régné entre elles : ce Collège de France où nous nous retrouvons aujourd’hui en est un très bel exemple, puisqu’il a été fondé pour enseigner les disciplines que négligeait alors la Sorbonne, pourtant située à quelques mètres d’ici.

Mais loin de se fonder sur le repli sur soi, cette émulation s’est au contraire nourrie de la circulation des idées et des esprits, une circulation qui a systématiquement bénéficié à l’ensemble des pays du monde. Et j’en veux pour preuve la devise même de la Sorbonne : Hic et ubique terrarum, ici et partout sur la terre. On ne saurait mieux dire que l’émulation et le rayonnement international sont au cœur de la vocation historique des universités.

A l’heure de la société de la connaissance, les valeurs universitaires ont encore tout pour nous guider et nous inspirer. Car chacun de nous peut le constater : jamais les idées n’ont circulé aussi vite ; jamais les enseignants-chercheurs n’ont été aussi mobiles ; jamais les étudiants n’ont été aussi nombreux à choisir de se former dans une autre nation que la leur.

Vous qui les accueillez jour après jour dans vos universités, vous le savez mieux que quiconque : ils sont aujourd’hui 3 millions d’étudiants à suivre un cursus à l’étranger, soit une hausse de 24 % depuis 2003.

L’internationalisation de la vie universitaire est une évidence : aller contre ce mouvement, ce serait aller non seulement contre le sens de l’histoire, mais aussi contre la vocation même des universités, qui sont par nature des lieux de rencontre et de diffusion du savoir.

Et dans ce monde où les enseignants-chercheurs et les étudiants peuvent aller d’une université à l’autre, d’un pays à l’autre, il est crucial que chaque nation, chaque université puisse construire et affirmer sa forme d’excellence académique pour rayonner aux yeux du monde.

Claude Lévi-Strauss aimait à le répéter, les grands progrès naissent de la rencontre de traditions et de pensées différentes, qui s’enrichissent et se fécondent mutuellement. Mais comme le soulignait le père de l’ethnologie et de l’anthropologie contemporaines, si l’on veut maintenir intacte la possibilité d’avancées futures, encore faut-il que cette rencontre des différences n’affaiblisse pas les cultures elles-mêmes. Au contraire, la singularité de chaque modèle doit sortir renforcée et transformée de cette confrontation, pour rendre possible de nouvelles rencontres et de nouveaux progrès.

Et pour nous tous, cela veut dire une chose très simple : tous nos systèmes universitaires sont confrontés au défi de l’internationalisation. Tous doivent se donner les moyens de rendre visibles et lisibles aux yeux du monde la qualité de leur formation et de leur recherche. Et je suis convaincue que cette confrontation entre les cultures académiques contribuera à renforcer encore nos universités respectives, qui ne sont pas des univers stables et clos, mais se transforment aujourd’hui dans un monde en mouvement.

Et pour autant, il ne peut pas, il ne doit pas y avoir de modèle universitaire unique. A l’université de Delhi comme à l’université Lomonossov de Moscou, à Berkeley comme à l’université Jiao-Tong de Shanghai, les enseignants-chercheurs et les étudiants m’ont dit leur volonté de miser sur leurs atouts singuliers pour s’inscrire pleinement dans la société mondiale de la connaissance.

Depuis 4 ans, au fil de mes déplacements dans les universités du monde, j’ai pu le mesurer : chacune de nos nations est l’héritière d’une tradition académique unique, qui est le fruit de la rencontre permanente de nos histoires scientifiques. Ce sont ces rencontres qui ont contribué à faire évoluer nos modèles universitaires respectifs et ainsi à nous faire prendre conscience de nos forces et de nos faiblesses, en un mot, de nos identités.

Et ce qui est vrai des nations l’est parfois même des universités elles-mêmes : à peine plus de deux kilomètres séparent Harvard du MIT. Et pourtant, on ne peut imaginer deux atmosphères plus différentes que celles qui règnent dans ces deux établissements connus et reconnus dans le monde entier.

Mesdames et Messieurs les présidents, vous êtes, nous sommes aussi les dépositaires de ces différences : à nous de connaître et de mesurer nos atouts respectifs, pour que l’internationalisation de l’enseignement supérieur permette à chacun de nos modèles universitaires de rayonner à l’échelle non plus d’une nation ou d’un continent, mais du monde.

La nouvelle université française

Et c’est tout l’esprit de l’action que la France a engagée depuis 2007, sous l’impulsion du Président de la République : miser sur nos atouts pour dessiner le visage de la nouvelle université française, pour la rendre plus forte et plus attractive encore pour les étudiants et les scientifiques de France, mais aussi pour leurs collègues étrangers.

Mesdames et Messieurs les Présidents, ceux d’entre vous qui fréquentaient régulièrement les universités françaises n’avaient pu manquer de le constater : depuis près de 30 ans, l’enseignement supérieur avait pris du retard dans notre pays. Nous n’avions pas su faire évoluer notre modèle universitaire. Nous n’avions pas su investir pour l’avenir : il suffisait de voir les locaux de nos établissements pour s’en convaincre.

Et c’est la raison pour laquelle le Président de la République a fait de l’enseignement supérieur et de la recherche la priorité absolue de son quinquennat, avec un budget en hausse de 9 milliards d’euros sur 5 ans. A cette augmentation exceptionnelle sont également venus s’ajouter 5 milliards d’euros pour construire 12 campus du XXIe siècle, qui offriront à nos étudiants et à nos enseignants-chercheurs les conditions de vie et d’étude qui rivaliseront avec celles dont vous êtes, Mesdames et Messieurs, coutumiers.

Ce choix d’investir massivement dans l’université et la recherche, nous l’avons fait au nom de l’avenir, au nom de la jeunesse. Car vous le savez, nous partageons tous une même responsabilité : celle de préparer notre jeunesse à tenir toute sa place dans ce monde qui est en train de voir le jour. Cette jeunesse, il nous revient de l’armer pour occuper les nouveaux emplois qui vont se créer dans nos économies. Et pour cela, il nous faut libérer toute sa créativité et son imagination, qui lui permettront d’évoluer dans la société de la connaissance qui est désormais la nôtre.

Ces qualités, c’est à l’université qu’elles se cultivent, au contact de grands professeurs qui sont aussi de grands chercheurs. Et pourtant, vous le savez sans doute, la France a une particularité : les formations de niveau supérieur y sont aussi bien délivrées dans des universités, qui sont largement tournées vers la recherche, que dans ce que nous appelons des grandes écoles, qui offrent des formations très professionnalisantes, mais qui, à quelques exceptions notables près, n’entretiennent pas de lien direct avec la recherche.

C’est la raison pour laquelle, vu de l’étranger, le paysage de l’enseignement supérieur français paraissait parfois difficile à lire et à comprendre. Rares étaient ainsi les universités françaises qui, comme la plupart de vos établissements, enseignaient toutes les disciplines. Rares étaient aussi celles qui assumaient directement la responsabilité de former les cadres économiques, politiques et sociaux de la nation.

Ce qui manquait donc aux universités et aux grandes écoles françaises pour s’affirmer au niveau international, c’est d’unir leurs forces pour constituer des universités fédérales visibles aux yeux du monde. Oxford, Georgetown ou l’université de Kyoto abritent toutes des collèges, des écoles ou des départements à l’identité bien affirmée, mais qui, aux yeux des enseignants-chercheurs et des étudiants du monde entier, bénéficient tous de l’image de marque attachée à ces établissements.

C’est pourquoi mon souci, depuis 2007, c’est de permettre aux universités de s’allier aux grandes écoles pour former les équivalents français de Todaï, de Heidelberg ou de Princeton. Mais pour cela, il fallait d’abord donner aux universités de France les mêmes libertés et les mêmes responsabilités que celles dont bénéficient leurs consœurs partout dans le monde.

Pour des raisons qui tiennent à l’histoire, les universités françaises étaient quasiment gérées par le Ministère de l’Enseignement supérieur. Pour nos établissements, cette spécificité était devenue un handicap : elle limitait la capacité de décision des présidents français, qui n’avaient pas les moyens de construire et de mettre en œuvre avec leurs équipes une vraie stratégie pour leurs universités. Car ils agissaient toujours sous le contrôle de l’Etat.

En 2007, nous avons donc fait un véritable saut culturel en donnant leur autonomie à nos universités. Et près de quatre ans après le vote de la loi « libertés et responsabilités des universités », le résultat est visible, 90 % d’entre elles ont d’ores et déjà franchi le pas en accédant à l’autonomie.

Et elles disposent ainsi de la liberté nécessaire pour affirmer un vrai projet pour leurs étudiants, qui s’accompagne notamment de nouvelles opportunités de coopérations internationales tant en termes de recrutement d’enseignants que de création de diplômes conjoints.

Nos universités, qui sont désormais ouvertes sur leur territoire et en interaction constante avec le monde économique, ont utilisé leur autonomie pour placer la réussite et l’insertion professionnelle des étudiants au cœur de leur action, en faisant le pari de la diffusion de l’innovation sous toutes ses formes. En 2009 comme en 2010, malgré la crise, les brevets publics ont ainsi progressé de plus de 30 % par an.

Oui, l’université française change. Et les présidents qui vous accueillent aujourd’hui pourraient vous le dire : leurs responsabilités ont aussi changé du tout au tout avec les nouvelles libertés qui leur étaient offertes.

Et c’est cette autonomie qui permet aujourd’hui aux universités de discuter d’égal à égal avec les grandes écoles et les organismes de recherche les plus prestigieux. Comme c’est cette autonomie qui amène nos universités et nos grandes écoles à réunir leurs forces pour être à la hauteur de leurs ambitions, que ce soit dans le cadre des pôles de recherche et d’enseignement supérieur ou au travers des projets d’universités fédérales qui voient un peu partout le jour. A Strasbourg, à Aix-Marseille, en Lorraine elles fusionnent, à Bordeaux et Paris, elles s’unissent.

Quand je suis arrivée au Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, il y avait 85 universités en France et près de 225 grandes écoles. Aujourd’hui, on voit se dessiner sur le territoire français une carte d’une vingtaine de pôles universitaires, qui rassemblent nos forces scientifiques et pédagogiques et qui seront demain, j’en suis certaine, des partenaires incontournables pour vos établissements.

Les investissements d’avenir : faire le pari de l’innovation

J’en suis d’autant plus sûre qu’en 2009, le Président de la République a pris une décision visionnaire : celle d’investir 22 milliards d’euros dans l’enseignement supérieur et dans la recherche, pour accélérer la sortie de crise en faisant faire à notre société, à notre économie, à notre pays tout entier un saut scientifique et technologique sans précédent.

Ce choix, la France l’a fait au plus fort de la crise, alors même que dans nombre de nations du monde, les budgets des universités et de la recherche étaient parmi les premiers à pâtir de la récession et de la rigueur.

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