Accueil > Revue de presse > LPPR : les chercheurs dénoncent l’enfumage - Jacques Littauer, Charlie (...)

LPPR : les chercheurs dénoncent l’enfumage - Jacques Littauer, Charlie Hebdo.fr, 9 juillet 2020

vendredi 10 juillet 2020, par Laurence

Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, veut précariser les profs et les chercheurs, qui ont des vies trop faciles selon elle. Tout le contraire de ce qu’il faudrait faire pour ce secteur, littéralement vital pour notre avenir, et qui se désintègre à grande vitesse. Nom de code de son opération : LPPR, pour Loi de programmation pluriannuelle de la recherche.

Tous les lycéens qui le peuvent le font : éviter la fac. Mis à part le droit, la médecine, et quelques autres formations, on se noie à la fac. Manque de profs, bibliothèques en mal de livres, salles informatiques aux matériels obsolètes et insuffisants, amphis bondés… La vie est dure dans nos universités pour nos étudiants, qui, alors qu’ils auraient besoin de travailler en petits groupes, ne connaissent même pas le nom, voire le visage, de leurs profs.

De l’autre côté de l’estrade, ce n’est pas mieux. Dans de nombreuses licences – les trois premières années – la majorité des cours est assurée par des doctorantes et des doctorants, c’est-à-dire des étudiantes et des étudiants en thèse, sous-payés, avec des mois de retard, quand ils et elles le sont. Les postes de titulaires sont tellement rares que l’on demande à ces jeunes adultes de produire en même temps que leurs cours, les corrections de copies, la participation aux séminaires de leur labo de recherche, et des articles scientifiques, en anglais bien sûr, dans des revues internationales, qui demandent des mois de travail, nécessitent de lire les dizaines d’articles qui sortent chaque semaine sur leur sujet, doivent être réécrits plusieurs fois suite aux remarques des rapporteurs anonymes, pour parfois être finalement rejetés.

Le mercato de la concurrence

Dans la plupart des facs, la saison des (rares) recrutements vient de se terminer. De nombreux enseignants-chercheurs ont fait part de leur malaise : les postes sont tellement rares qu’ils en sont conduit à refuser des candidats… plus diplômés qu’eux et qui ont vingt ans de moins  ! Voilà donc des garçons et des filles aux parcours scolaires brillants, et qui, à 30 ans largement sonnés, vivent encore en colocation, et s’endorment dans leur lit avec leur ordi en pensant à leur prochain article qui, miracle, leur offrira peut-être le sésame d’un emploi grotesquement sous-payé (1800€ nets, au mieux), mais stable, au moins.

Et bien, cette stabilité, la sinistre Frédérique Vidal ne l’aime pas. Elle croit, contre toute évidence, à la concurrence de toutes contre tous. Elle est sur la même ligne qu’Antoine Petit, actuellement PDG du CNRS, qui avait réussi l’exploit de faire d’un seul coup la démonstration de sa bêtise et de son ignorance en appelant à une recherche non seulement « inégalitaire, mais aussi « darwinienne », alors que Charles Darwin vantait les mérites de… la coopération.

Pourlire la suite