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Les risques d’une politique d’excellence, blog Educpros de Laurent Carraro, directeur de Telecom Saint-Etienne

mardi 28 septembre 2010, par Martin Rossignole

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Nombreux sont les acteurs ou les commentateurs de l’enseignement supérieur qui se délectent des termes convenus du genre “économie de la connaissance”, “internationalisation des savoirs”, “excellence”, etc.

Dans cette veine, le quotidien Libération publie un dossier sur le thème de l’excellence à l’université. D’ailleurs, obnubilés par le miroir aux alouettes de l’excellence, nos responsables politiques ne posent pas la question de l’optimisation globale de notre système d’enseignement supérieur et de recherche.

Typiquement, si l’on se réfère à l’appel d’offres Laboratoires d’Excellence dans le cadre du Grand Emprunt, seuls seront élus des laboratoires évalués A+ par l’AERES. Et peu seront élus parmi ces derniers (on imagine moins de 100 élus pour près de 1000 laboratoires A+).

Mais qu’allons-nous faire, que faisons-nous aujourd’hui, avec les très nombreux laboratoires de recherche évalués A, voire B (je n’ose évoquer l’infamant C) ? Leur seule perspective est-elle de viser le A+ ? Mais imaginons un instant qu’ils y parviennent. La France se trouverait avec l’ensemble de ses laboratoires classés A+ ; nos collègues étrangers ne manqueraient pas de s’en distraire.

Globalement, tout le monde souhaite que notre enseignement supérieur soit excellent. Certes, mais cela ne signifie nullement que toutes ses composantes doivent l’être, surtout si elles sont évaluées de manière uniforme, sans considérer leur environnement, leur écosystème.

La question posée est donc la suivante : que faire des très nombreux chercheurs, des très nombreux laboratoires, considérés comme étant d’un niveau seulement correct ? Ils représentent près de 75% des laboratoires de la vague D, selon l’AERES (voir ce lien). Quel est leur avenir ? leur vocation ? leur utilité sociale ? économique ? Quels sont les espoirs de leurs personnels ? leurs envies ?

Il nous faut regarder la réalité en face et accepter, enfin, de dire que les missions et objectifs des laboratoires ne sont pas tous identiques et que les missions scientifique, pédagogique, sociale, économique des acteurs peuvent être différentes. En un mot il nous faut urgemment accepter et revendiquer la diversité, pour en finir avec ce trompe l’œil de l’égalitarisme qui mène en fait à une concurrence acharnée, sur un seul type de critères, dont les conséquences néfastes se font déjà sentir et se feront sentir longtemps. Car nous allons à pas cadencé vers un monde universitaire constitué de quelques winners et d’une majorité de loosers.

Évidemment, ce que j’énonce pour la recherche reste valable pour l’ensemble des missions dévolues aux établissements d’enseignement supérieur, donc y compris pour la formation. Mais j’en reparlerai.

(De septembre 2006 à septembre 2008, Laurent Carraro a été conseiller scientifique pour les formations (secteur mathématique, formations d’ingénieurs et suivi statistique des formations) auprès du directeur général de l’enseignement supérieur au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.)