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Examen du projet de loi de finances rectificative pour 2014 à l’Assemblée Nationale - 24 juin 2014 (3e séance)

jeudi 26 juin 2014, par Elisabeth Báthory

Au cours des débats, plusieurs amendements visant à limiter les abus autour du crédit d’impôt recherche (CIR) et du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) ont été déposés. Tous ont été rejetés.

Le compte-rendu intégral est disponible en ligne.

Contre le cumul du CIR et du CICE : amendement rejeté

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 141 et 225 rectifié.

La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement no 141.

Mme Eva Sas. Il s’agit de corriger une aberration du crédit d’impôt recherche et peut-être un oubli dans la mise en place du crédit d’impôt compétitivité emploi. En effet, plusieurs rapports de la Cour des comptes ont fait remarquer que les dépenses de personnels de recherche donnent droit à la fois au crédit d’impôt compétitivité emploi et au crédit d’impôt recherche. Un tel cumul ouvrant droit à un double crédit d’impôt est dommageable et porterait sur plus de 700 millions d’euros pour une dépense fiscale totale de plus de quatre milliards d’euros pour le crédit d’impôt recherche. Dans le cadre d’un effort fiscal équitable, il serait normal que la possibilité de cumul soit supprimée, au moins pour mettre un terme à l’incohérence consistant à ouvrir deux crédits d’impôt sur la même base fiscale.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement no 225 rectifié.

M. Nicolas Sansu. J’ajoute à ce qu’a dit ma collègue Eva Sas, premièrement, que la Cour des comptes a relevé le problème de cumul de crédits d’impôt et, deuxièmement, que l’avantage global pour un salaire brut de 40 000 euros dans le secteur de la recherche et du développement découlant du cumul des deux crédits d’impôts s’élève à 27 600 euros. Dès lors que nous cherchons à réduire les dépenses fiscales, peut-être faut-il chercher de ce côté. J’en appelle à mes collègues de l’opposition, toujours prompts à dénoncer les emplois aidés, car il s’agit bel et bien d’emplois aidés ! (Sourires sur les bancs du groupe GDR.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. S’agissant de la méthode, nous souhaitons étudier les conclusions de la mission parlementaire sur le CICE qui seront rendues courant juillet. J’imagine que la question de l’accumulation des différentes aides sera abordée par nos collègues parlementaires. Quant au fond, peut-être faudrait-il modifier un peu la rédaction des amendements de manière à exclure les rémunérations éligibles au CICE de l’assiette du CIR, les taux n’étant pas tout à fait les mêmes. La commission a émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il faut attendre les conclusions du travail sur le CICE, je suis tout à fait d’accord avec Mme la rapporteure générale, qui a en outre parfaitement raison de signaler la différence de taux, l’un étant de 6 % cette année et l’autre de 30 % si ma mémoire est bonne. Quant aux assiettes, elles peuvent certes se recouvrir mais pour une petite partie, car seule celle qui concerne les salaires donne droit aux deux crédits d’impôt. Le CICE porte sur ceux qui sont compris entre un SMIC et 2,5 fois le SMIC, alors que les dépenses de salaires pour la recherche sont destinées à des techniciens et des ingénieurs sortant assez souvent de la fourchette d’éligibilité au CICE.

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Contre l’utilisation du CIR comme outil d’optimisation fiscale : amendement rejeté

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement no 128.

Mme Eva Sas. À l’heure actuelle, les groupes comprenant plusieurs filiales peuvent postuler à un crédit d’impôt recherche à l’échelon de chacune d’entre elles et se livrer ainsi à de l’optimisation fiscale en découpant les dépenses de recherche entre plusieurs filiales. Nous proposons de supprimer cette possibilité en obligeant les groupes à centraliser leurs demandes, l’État les considérant alors comme des entreprises uniques et leur imposant les plafonds en vigueur à l’échelle du groupe et non de la filiale.

Le rapport de la Cour des comptes du mois de juillet 2013 souligne à plusieurs reprises le caractère dynamique, voire la dérive de cette dépense fiscale qui pourrait atteindre sept milliards d’euros en 2016. Il souligne également qu’un milliard d’euros sur les quatre qu’a coûtés le crédit d’impôt recherche en 2013 est capté par les grands groupes. L’amendement propose de sortir de la logique d’optimisation fiscale des grands groupes et d’en revenir à l’objectif premier du crédit d’impôt recherche consistant à encourager l’innovation des PME. Il s’agit d’améliorer l’efficacité et surtout le ciblage de la politique d’aide aux entreprises.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il s’agit d’une proposition intéressante.

M. Charles de Courson. Et ancienne !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Notre commission l’a néanmoins rejetée au profit d’un débat global dans le cadre de l’examen du PLF, qui interviendra – même s’il ne faut pas tout mélanger – après la remise des conclusions de la mission parlementaire consacrée au CICE. L’avis est donc défavorable pour l’heure, même si l’amendement soulève deux questions vraiment intéressantes, celle de l’encadrement de la dépense fiscale découlant d’un crédit d’impôt et bien entendu celle de la justice et de l’équité entre les entreprises afin que le dispositif ne serve pas à procéder à de l’optimisation fiscale en multipliant le nombre de filiales pour contourner le plafond de cent millions d’euros.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’avis du Gouvernement est défavorable. Il a en effet décidé de sanctuariser le crédit d’impôt recherche, qui constitue l’un des atouts pour attirer la recherche et l’innovation dans notre pays et un facteur d’attractivité souligné entre autres par Louis Gallois. Il s’agit de l’une des premières préconisations du rapport Gallois, qui certes n’est pas la Bible, pas davantage que les rapports de la Cour des comptes.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Certes pas !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Tous les rapports et les avis sont vertueux, à nous d’en tirer la substantifique moelle. Quoi qu’il en soit, le Gouvernement est défavorable à la modification des modalités d’application du crédit d’impôt recherche. D’ailleurs, ce débat que nous avons souvent eu n’est pas complètement tranché sur les bancs des parlementaires. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement s’il est maintenu.

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Pour le remboursement du CICE en cas d’abus : amendement rejeté

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Germain, pour soutenir l’amendement no 267.

M. Jean-Marc Germain. Cet amendement est très important. Il prolonge un débat que nous avons entamé en 2012 à propos du CICE.

Au fond, en 2012, nous avons reconnu la nécessité d’aider les entreprises de ce pays à réussir dans la mondialisation ; nous avons reconnu qu’elles sont essentielles pour sauvegarder notre modèle social. Nous avons regretté, d’ailleurs, que la droite n’ait rien fait sur cette question pendant dix ans, ou plutôt, qu’elle ait attendu le mois de mai 2012 avant de se décider à agir.

Nous avons dit aussi que le plus efficace, pour la France, serait d’investir dans la recherche, dans l’innovation. Ce débat mérite d’avoir lieu : il est totalement respectable. En bref, nous pensons qu’il vaut mieux sortir par le haut de la crise que d’entrer dans la course à l’abaissement des salaires et du coût du travail.

Nous avons dit aussi que cet effort est important : 20 milliards d’euros, c’est 1 % du PIB. Si l’ensemble de cette somme était consacré à la recherche, au développement et à l’innovation, cela permettrait de hisser la France au troisième rang européen en la matière, alors que nous nous classons actuellement au quinzième. Mon collègue Guillaume Bachelay et moi avions déposé un certain nombre d’amendements pour fonder ce principe du CICE.

Nous avons aussi souhaité que les partenaires sociaux soient impliqués dans le suivi du crédit d’impôt compétitivité emploi. Nous voulons en effet appliquer un principe simple : pas un euro utilisé pour aider les entreprises à réussir ne doit financer les dividendes ni les hautes rémunérations. Au contraire, chaque euro doit servir à créer des emplois ou à investir.

Un chaînon manque depuis deux ans, ce qui pose des difficultés. Nous craignons beaucoup qu’au cours des mois qui viennent, quand nous prendrons connaissance de la facture, c’est-à-dire du montant des crédits d’impôt – M. Le Fur évoquait tout à l’heure le chiffre de 800 millions pour Carrefour, et chacun d’entre nous a estimé les montants en jeu dans sa circonscription –, nous nous rendions compte qu’une partie de cet argent n’a pas été utile. Nous craignons qu’une fraction de cet argent soit parti dans les banques, dans la finance,…

M. Philippe Vigier. Ce n’est pas faute de les avoir prévenus !

M. Jean-Marc Germain. …nous craignons que cet argent ait servi – contrairement à ce que mon collègue Guillaume Bachelay et moi avions souhaité – à payer des dividendes ou des hautes rémunérations.

Cet amendement vous propose de boucler la boucle en précisant que tout euro non consacré à l’emploi, à la recherche ou à l’innovation, doit être restitué. Cette proposition est pleine de bon sens !

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