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Le crédit impôt recherche ou comment avancer au pas d’Echternach ! - communication de Pierre Ouzoulias, sénateur, avril 2019

mercredi 24 avril 2019, par Laurence

Le crédit impôt recherche (CIR) représente la deuxième dépense fiscale du budget de l’État et 60 % de l’ensemble des aides publiques à l’innovation. Son coût, d’environ six milliards d’euros par an, pèse lourdement sur le budget de la recherche dont il constitue la principale dépense fiscale rattachée. Depuis 2007, la créance totale représente trente milliards d’euros.

Son efficacité est régulièrement discutée. Pour en évaluer objectivement les effets sur l’emploi des chercheurs, la députée Amélie de Montchalin, en tant que rapporteure spéciale des crédits de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES), avait obligé les entreprises qui touchent plus de cent millions d’euros de CIR à être « davantage transparentes dans son utilisation, notamment au regard de leur politique d’embauche et de rémunération de chercheurs et docteurs formés en France ».

Amendement dans le PLF pour 2018

Rapport du 13 juin 2018

Sur la base de ces informations, elle demandait au ministère en charge de la recherche de publier « chaque année un rapport synthétique sur l’utilisation du CIR par ses bénéficiaires permettant au Parlement d’effectuer sa mission d’évaluation et de contrôle ».

Le Code général des impôts (art. 244 quater B, III bis) précise que ces entreprises « joignent à leur déclaration de crédit d’impôt recherche un état décrivant la nature de leurs travaux de recherche en cours, l’état d’avancement de leurs programmes, les moyens matériels et humains, directs ou indirects, qui y sont consacrés, la part de titulaires d’un doctorat financés par ces dépenses ou recrutés sur leur base, le nombre d’équivalents temps plein correspondants et leur rémunération moyenne, ainsi que la localisation de ces moyens ».

En novembre 2018, poursuivant sa démarche, Amélie de Montchalin, par un amendement (n° II-1967) voté lors de la discussion du projet de la loi de finance pour 2019, a obtenu l’abaissement du seuil de cent millions d’euros à deux millions d’euros.
http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/amendements/1255C/AN/1967

Le 15 avril 2019, une instruction de la Direction des finances publiques (n° 666) dispense de cette obligation déclarative les entreprises ayant engagé des dépenses de recherche comprises entre deux et cent millions d’euros.

L’objectif de ces états descriptifs étant d’assurer une plus grande transparence des activités de recherche des entreprises qui obtiennent le CIR, j’ai demandé, le 6 décembre 2018, à la ministre chargée de la recherche de me les communiquer. Sans réponse, j’ai saisi la Commission d’accès aux documents administratifs le 30 janvier 2019, puis de nouveau le 20 mars 2019.

Par un courrier daté du 16 avril 2019, le directeur général de la recherche et de l’innovation vient de m’informer que ces états annexes sont considérés par le ministère chargé de la recherche comme des déclarations fiscales et à ce titre couverts par le secret fiscal et incommunicables. [c’est SLU qui souligne]

Les tentatives de la représentation nationale pour obtenir un peu de transparence sur l’usage d’un dispositif qui obère lourdement le budget public de la recherche viennent d’être très efficacement contrées par le Gouvernement en levant les obligations de déclaration pour les entreprises touchant moins de cent millions d’euros de CIR et en protégeant par le secret fiscal ces états de recherche. Une allure qui s’apparente à celle de la procession d’Echternach : trois pas en avant, deux pas en arrière !

Pierre Ouzoulias,
Vice-Président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication
Vice-Président de la commission des affaires européennes
Membre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques