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Liste des dispositions législatives relatives à l’ESR votées depuis mai 2017 - par Pierre Ouzoulias, sénateur des Hauts de Seine, 11 février 2020

mardi 11 février 2020, par par PCS (Puissante Cellule Site !)

Le sénateur Pierre Ouzoulias nous montre par ce rappel que tout est déjà en place dans l’appareil législatif pour, comme le demande avec une insistance suspecte la CPU, « réduire les textes réglementaires qui corsètent les initiatives des établissements ». Plus besoin de LPPR (quelques ordonnances à la marge suffiront).

C’est SLU qui [rouge]souligne[/rouge].


Mesdames, Messieurs, chères collègues, chers collègues,

Vous voudrez bien trouver avec ce courriel une liste, sans doute non exhaustive, des dispositions législatives, votées depuis mai 2017, relatives à l’ESR. Ce travail devrait être complété par un inventaire des dispositions réglementaires similaires prises depuis le début de la mandature.

Ces dispositions ont été portées par six lois, mais présentent une grande cohérence idéologique que l’on peut résumer par quelques mots : expérimentation, dissociation, différenciation. Ainsi plusieurs mesures ont pour objectif de desserrer le cadre de référence national pour permettre aux établissements de l’enseignement supérieur de choisir leurs étudiants, leurs statuts, leurs personnels, leurs cursus et les formes de leurs relations avec l’extérieur. Plusieurs d’entre elles ont déjà, totalement ou partiellement, mis en œuvre ces dispositions et il n’est pas douteux qu’à moyen terme leurs pratiques différenciatrices aient des effets puissants sur la sociologie et les conditions d’enseignement de leurs étudiants et de leurs personnels. Ces « libertés » octroyées par la puissance publique sont de puissants vecteurs de spéciation des établissements, par leur mise en concurrence. La possibilité qu’il leur serait donné de fixer « librement » les droits d’inscription constituerait un facteur supplémentaire et très efficace de discrimination.
Dans cet esprit, le dispositif Parcoursup a fait merveille, comme jadis les chassepots ! Et le président de l’université de Paris II Panthéon-Assas explique, sans vergogne, que : « Parcoursup permet un meilleur recrutement des candidats », avant de conclure : « On ne peut pas parler de sélection, car le mot est tabou, mais ce nouveau mode de recrutement est beaucoup plus efficace pour nous ». De la même façon, il est fort probable que les nouvelles « libertés » données aux enseignants-chercheurs et aux chercheurs de profiter sans entrave des rémunérations de sociétés privées constituées par eux ou pour eux seront mises à profit pour échapper en partie au statut de la fonction publique et à sa grille de rémunération qui « obèrent les créativités ».
Pour le Gouvernement, la stratégie est simple, mais efficace. Point n’est besoin de s’attaquer frontalement aux vieilles reliques du service public, il suffit de laisser faire et laisser passer les mécanismes de différenciation. La main invisible du marché distinguera dans la masse les entreprises que l’État doit récompenser.
Ces processus ne sont pas récents et se développent de façon presque irrésistible depuis la loi LRU. Analysée à l’aune de cette longue transformation, la LPPR n’en constitue qu’une étape supplémentaire qui peut être tactiquement différée sans dommage. Le contrat de chantier est déjà en place, les cumuls d’activités ne sont quasiment plus encadrés et de nombreuses dispositions pour « rénover » l’évaluation peuvent être organisées par décrets. Pourquoi, dans ce cas, ouvrir un débat sur le budget et l’objectif des 3 % de PIB ? Il ne peut être qu’insatisfaisant puisque le Gouvernement respectera, pendant tout le quinquennat, une autre loi de programmation, celle de la dépense pour 2018-2021, qui impose pour le budget de l’ESRI une augmentation proche de l’inflation.

Pierre Ouzoulias


Loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants (ORE) n° 2018-166 du 8 mars 2018

Dossier législatif : https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl17-193.html

Article 1

Les [rouge]universités peuvent sélectionner leurs étudiants[/rouge]. Par dérogation au principe général de libre accès aux documents administratifs, les critères de sélection des dossiers de candidature, y compris lorsque le traitement est automatique, ne sont pas communicables aux tiers.

Article 9

« Les établissements d’enseignement supérieur mettent en œuvre un enseignement modulaire capitalisable  ».

Article 12

Création de la Contribution de vie étudiante et de campus (CVEC). Le montant [rouge]perçu par les universités[/rouge] est soumis à un plafond défini chaque année par la loi de finance.

Loi relative à la protection du secret des affaires n° 2018-670 du 30 juillet 2018

Dossier législatif : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl17-388.html

L’article premier de cette loi donne une acception très large à la notion d’affaires et donc à la protection des produits et des informations des entreprises. Cet élargissement risque de leur donner de nouveaux moyens judiciaires pour mettre en œuvre des procédures dissuasives [rouge]contre les lanceurs d’alertes et les chercheurs[/rouge].

Loi pour un État au service d’une société de confiance n° 2018-727 du 7 août 2018

Dossier législatif : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl17-259.html

Article 28 (n° 52 de la loi promulguée)

Cet article autorise le Gouvernement à prendre [rouge]par ordonnance des mesures expérimentales[/rouge] sur :
— de nouveaux modes d’organisation et de fonctionnement des établissements d’enseignement supérieur et de recherche et de leur regroupement ;
— de nouveaux modes d’intégration, sous la forme d’un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel regroupant plusieurs établissements d’enseignement supérieur et de recherche qui peuvent conserver ou non leur personnalité morale pendant tout ou partie de l’expérimentation.

L’expérimentation est menée pour une période maximale de dix ans. Elle fait l’objet d’une évaluation par le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur. Dans un délai de trois ans à compter de la publication de l’ordonnance, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant un premier bilan des expérimentations engagées dans ce cadre, recensant les différentes formes juridiques adoptées par les établissements et identifiant les voies adaptées afin de les pérenniser, le cas échéant.

Ordonnance n° 2018-1131 du 12 décembre 2018

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000037800979&categorieLien=id

Elle comprend 22 articles.

Article 6

Cet article permet à l’établissement public expérimental de [rouge]déroger à la règle de la majorité du conseil d’administration[/rouge] et l’autorise, de façon dérogatoire, à exercer des prestations de service, à prendre des participations, à [rouge]créer des services d’activités industrielles et commerciales, à participer à des groupements et à créer des filiales.[/rouge]

Article 7

Cet article règle les relations entre l’établissement public expérimental et ses établissements-composantes. Il organise les transferts de compétences et la représentation de l’établissement public expérimental dans les conseils d’administration des établissements-composantes pour :

— « vérifier qu’ils respectent sa stratégie  » ;

— « émettre un avis sur les candidatures recevables aux fonctions de dirigeant  » ;

— « [rouge]soumettre à l’avis ou à l’approbation d’une de ses instances collégiales tout ou partie des recrutements[/rouge]  ».

Article 9

« Les statuts de l’établissement public expérimental définissent le titre, les modalités de désignation et les compétences de la personne qui exerce la fonction de chef d’établissement  ».

Les autres articles portent sur des [rouge]procédures dérogatoires[/rouge] pour la composition du conseil d’administration, le comité technique ou les relations avec l’autorité de tutelle.

Un projet de loi de ratification de cette ordonnance a été enregistré par l’Assemblée nationale le 30 janvier 2019, mais n’a pas encore été voté :

http://www.assemblee-nationale.fr/15/projets/pl1627.asp

Selon le Gouvernement, douze sites universitaires ont exprimé leur intérêt pour cette démarche expérimentale. Dix décrets ont déjà été pris pour permettre à des établissements de mettre en œuvre les dispositions de l’ordonnance :

— Université de Paris, décret n° 2019-209 du 20 mars 2019

— Institut polytechnique de Paris, décret n° 2019-549 du 31 mai 2019

— Université Côte d’Azur, décret n° 2019-785 du 25 juillet 2019

— Université Polytechnique Hauts-de-France, décret n° 2019-942 du 9 septembre 2019

— CY Cergy Paris Université, décret n° 2019-1095 du 28 octobre 2019

— Université Grenoble Alpes, décret n° 2019-1123 du 31 octobre 2019

— Université Paris-Saclay, décret n° 2019-1131 du 5 novembre 2019

— Université Paris sciences et lettres, décret n° 2019-1130 du 5 novembre 2019

— École nationale supérieure des mines de Paris (Mines ParisTech), décret n° 2019-1371 du 16 décembre 2019

— Université Gustave Eiffel, décret n° 2019-1567 du 30 décembre 2019

Loi relative au Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), n° 2019-486 du 22 mai 2019

Dossier législatif : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl18-028.html

Article 41 (n° 119 de la loi promulguée)

http://www.senat.fr/seances/s201902/s20190205/s20190205001.html#R41

Article 41 bis

http://www.senat.fr/seances/s201902/s20190205/s20190205003.html#R41bis

Les dispositions de ces deux articles sont destinées à renforcer celles de la loi dite « Allègre II ». Elles facilitent la création d’entreprises pour «  valoriser des travaux de recherche ». [rouge]Les chercheurs peuvent consacrer la moitié de leur temps de travail à leur entreprise.[/rouge]

Ils peuvent aussi participer aux organes de direction des entreprises et en tirer rémunération. L’avis de la commission de déontologie sur ces participations devient [rouge]facultatif[/rouge]. Ces articles fixent de nouvelles règles sur la copropriété des découvertes ou des brevets. Les chercheurs peuvent conserver une part dans leur capital de leur entreprise, après leur réintégration dans leur corps d’origine.

Loi dite « Pour une école de la confiance » n° 2019-791 du 26 juillet 2019

Dossier législatif : https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl18-323.html

Article 10 (nos 43 à 46 de la loi promulguée)

Création des Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (INSPÉ) en remplacement des ÉSPÉ. Ces instituts sont dirigés par des [rouge]directeurs nommés par les deux ministères[/rouge] de tutelle et le programme pédagogique de la formation obéit à un cadrage national définit par l’Éducation nationale. Est ainsi créée, au sein de l’université, une entité qui échappe à son autonomie.

Article 16 (n° 52 de la loi promulguée)

https://www.senat.fr/seances/s201905/s20190517/s20190517018.html#Niv3_art_Article_16

Bel exemple de « cavalier législatif » : « les statuts d’un établissement public d’enseignement supérieur peuvent prévoir que le président ou le directeur de l’établissement peut présider la formation restreinte aux enseignants-chercheurs du conseil d’administration ou du conseil académique ou des organes en tenant lieu  ».

Loi de transformation de la fonction publique n° 2019-828 du 6 août 2019

Dossier législatif : https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl18-532.html

Article 3 (n° 4 de la loi promulguée)

Création d’un comité social d’administration du ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche et d’une formation spécialisée pour les enseignants-chercheurs et les assistants de l’enseignement supérieur.

Article 8 (n° 17 de la loi promulguée) : le contrat de projet

« Les administrations de l’État et les établissements publics de l’État autres que ceux à caractère industriel et commercial peuvent, pour mener à bien un projet ou une opération identifié, [rouge]recruter un agent par un contrat à durée déterminée[/rouge] dont l’échéance est la réalisation du projet ou de l’opération. Le contrat est conclu pour une durée minimale d’un an et une durée maximale fixée par les parties dans la limite de six ans. Il peut être renouvelé pour mener à bien le projet ou l’opération, dans la limite d’une durée totale de six ans. Le contrat prend fin avec la réalisation de l’objet pour lequel il a été conclu, après un délai de prévenance fixé par décret en Conseil d’État  ».

Ce nouveau contrat est l’équivalent du CDI de chantier, pratiqué dans le privé. Il constitue une alternative au CDD de droit public. Il n’ouvrira pas le droit à bénéficier d’un CDI au terme d’une durée de six ans, conformément à la loi dite Sauvadet. Un bilan des possibilités de recrutement de contractuels dans la fonction publique est disponible dans le rapport du Sénat.

Le décret qui fixe les conditions d’application de ces dispositions n’a pas encore été pris.

Articles 9, 9 bis, 10 (nos 18, 19, 21 de la loi promulguée)

L’article 18 de la loi [rouge]élargit la possibilité de recruter des agents contractuels[/rouge] dans la fonction publique de l’État sur la majorité des emplois permanents.

Le décret d’application de ces articles a été publié et ces dispositions sont applicables depuis le 1er janvier 2020.

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000039654288&categorieLien=id

Article 15 ter (n° 33 de la loi promulguée)

« Le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire est présidé par un conseiller d’État désigné par le vice-président du Conseil d’État  ».

Le Conseil constitutionnel n’a pas censuré cette disposition ce qui démontre la [rouge]fragilité du principe de liberté académique.[/rouge]
https://www.conseil-constitutionnel.fr/actualites/communique/decision-n-2019-790-dc-du-1er-aout-2019-communique-de-presse

Article 16 (n° 34 de la loi promulguée)

L’avis donné pour la participation des personnels de la recherche à la création d’entreprises et aux activités des entreprises existantes n’est plus donné par la Commission de déontologie de la fonction publique, mais par la [rouge]Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.[/rouge]


Ajout de SLU :

Article 72
de la LOI n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique

I. - L’administration et le fonctionnaire mentionné à l’article 2 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée, l’autorité territoriale et le fonctionnaire mentionné à l’article 2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, les établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée et les fonctionnaires de ces établissements peuvent convenir en commun des conditions de la cessation définitive des fonctions, qui entraîne radiation des cadres et perte de la qualité de fonctionnaire. [rouge]La rupture conventionnelle,[/rouge] exclusive des cas mentionnés à l’article 24 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties.